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Sous le vernis

Publié le 29 octobre 2011 par Nadia Lamlili
Sous le vernisLes entrepreneurs espagnols qui se sont constitués en association pour dénoncer la corruption dans le monde des affaires signalent que la pratique de «la grande corruption» au Maroc s’est internationalisée. Les officiels marocains pourront continuer à se targuer que le pays s’est doté d’outils institutionnels pour combattre la corruption, mais ces outils cachent une réalité peu flatteuse. Voici une chronologie des faits.
En 2000, le Maroc enclenche une campagne d’assainissement dans les établissements publics (CNCA, CIH…) gangrénés par la corruption, la mauvaise gestion et les dilapidations. Il s’en est suivi des procès hautement politiques qui ont révélé une toile tentaculaire de complicités à des échelles supérieures. De hauts responsables ont été sanctionnés comme Rachid Haddaoui, My Zine Zahidi (par contumace), mais beaucoup d’acteurs de l’ombre ont été tirés d’affaire comme par magie, mettant au devant de la scène des lampistes (ces petits employés qui recevaient les ordres par téléphone) qui ont servis comme boucs émissaires.
En 2001, Ahmed Lahlimi, alors ministre des Affaires Générales du Gouvernement, crée la commission nationale de moralisation de la vie publique. Une commission, encore une fois à forte consonance politique, et qui finira en queue de poisson sans qu’on sache pourquoi.
En 2008, le Maroc crée l’Agence de prévention de la corruption qui, faute de pouvoirs, s’est confinée dans une mission de sensibilisation au lieu de combattre une corruption qui progressait allègrement dans la petite comme dans la grande administration sans parler de cette influence extrêmement inquiétante qu’exerçaient le lobbying privé et les oligarchies sur l’action publique.
En 2009, l’Unité de Traitement du Renseignement financier a été créée pour traquer l’argent illicite, sans avoir de véritables moyens pour exercer son rôle. La même année, la Cour des Comptes a eu le feu vert pour sévir mais le sort des affaires qu’elle a transmise à la Justice est jusqu’à présent inconnu.
Et maintenant, la bonne nouvelle, le Maroc préside la Conférence des Nations Unies sur la lutte contre la corruption…
Depuis ces 10 ans donc, le Maroc ne cesse de doper son dispositif institutionnel pour lutter contre la corruption mais on y décèle toujours quelque chose d’inachevée, une volonté qui ne va pas jusqu’au bout par peur, par intérêt... Conséquence de cette hésitation: nous nous enlisons dans une fourchette entre 3,5 et 3,2 de l’indice de perception de Transparency International. Malgré tout cela, chaque année, nous perdons de précieuses places dans ce classement mondial.
Ces faits nous mènent vers l’idée que la lutte contre la corruption n’est pas tributaire d’une production législative inflationniste ou de commissions d’éthique. Très souvent même, un pays adopte cette réponse « institutionnelle » parce qu’il est obligé de se conformer à des partenaires internationaux qui placent cette lutte comme gage de leur soutien, au lieu de s’attaquer à la réforme de sa gouvernance, qui est le vrai chantier pour atténuer la corruption. La gouvernance est tributaire de l’état de la démocratie dans le pays et du rôle joué par les contre-pouvoirs (Presse, associations de plaidoyer…).
Que veut faire l’Etat de la presse ? Que veut-il faire des comités de veille citoyenne ? Que veut-il faire de la Justice ? Voilà les vrais enjeux pour une lutte efficace contre la corruption au Maroc. Si l’Etat se décide à laisser ces pouvoirs et ces contre-pouvoirs jouer leur rôle, là, nous aurons les indices d’une vraie lutte volontariste.

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