29 octobre 2011
(No 2011- 43)
Jean-François Lapointe (Onéguine) et Tatiana Larina (Tatiana)
Photographie : © Daniel Mallard Journal de Québec
En ouvrant sa saison 2011-2011 avec Eugène Onéguine de Pyotr Ilyich Tchaikovsky, l’Opéra de Québec et son directeur général et artistique, M. Grégoire Legendre, démontraient à nouveau cette audace qui caractérise dorénavant la compagnie lyrique de la Capitale nationale. Réussir Eugène Onéguine, qui ne compte pas parmi les opéras les plus joués du répertoire lyrique, est un véritable défi. Il faut un chanteur de fort calibre Onéguine crédible et une distribution faisant appel à toutes les tessitures, un choeur solide, sans parler d’un metteur en scène et d’un chef qui donneront à la musique de Tchaikovsky et à l’histoire de Pouchkine des lettres de noblesses.
Laudace a été récompensée par l’accueil enthousiaste qu’ont réservé les opéraphiles de Québec à la production lors de la première du samedi 22 octobre dernier et leur présence en grand nombre lors des représentations des 25 et 27 octobre. Et le défi Onéguine a été relevé honorablement par l’Opéra de Québec et en particulier par celui auquel il avait fait appel pour chanter le rôle-tire : le baryton Jean-François Lapointe. La prestation de Jean-François Lapointe permet de comprendre pourquoi celui-ci se distingue aujourd’hui sur les grandes scènes lyriques d’Europe : il possède un sens dramatique hors du commun et une belle voix au timbre riche, capable d’exprimer toute la gamme des émotions. Ce sens dramatique et cette belle voix sont à leur meilleur à la fin de la première scène du troisième acte où Onéguine chante, la rage au cœur : « De l’amour, le poison du rêve ! Partout, partout devant moi, Je vois la chère image ! Partout, partout je la vois ! ». Pour cette prise de rôle, Jean-François Lapointe propose une composition plus que crédible d’un personnage que Tchaikovsky a rendu plus complexe que celui de Pouchkine en lui conférant une dimension autobiographique. Ce rôle, auquel s’ajoute à celui du Prince Eletzky de La Dame de Pique de même Tchaikovsky qu’il a interprété à l’Opéra de Monte-Carlo en 2009, pourrait faire du baryton québécois le plus russe de la planète lyrique.
Jean-François Lapointe
D’autres interprètes se distinguent dans cette production également. Après un début hésitant, le ténor russe Dmitry Trunov chante avec une voix juste et toute la sensibilité qu’exige notamment son grand air avant la scène du duel. Dans son rôle de madame Larina, la mezzo-soprano Sonia Racine démontre également une réelle théâtralité, comme le fait également l’autre mezzo-soprano Emilia Boteva qui incarne la nourrice Filipievna. Le personnage du Prince Grémine est très bien incarné par la basse québécoise d’origine russe Alexander Savtchenko qui donne ici la mesure d’un talent que l’Opéra de Québec, comme il l’avait fait fait dans ses productions d’Aïda et de Lucia de Lamermoor, a su très bien exploiter. « Brillez, brillez, toujours belle Tatiana ! », a chanté avec émotion- et une diction impeccable- Hugues Saint-Gelais dans le rôle d’un Monsieur Triquet aussi amusé qu’amusant.
Tatiana Larina, la jeune soprano russe au nom prédestiné, n’a sans doute pas encore l’expérience nécessaire pour incarner le personnage de Tatiana. Celui-ci exige à la fois une spontanéité juvénile et la maturité d’une aristocrate qu’elle ne révèle guère tout au long de la production. Si la voix est belle, elle manque parfois de puissance. Sa Scène de la lettre, l’une des plus belles pages du répertoire lyrique, ne réussit pas, comme elle le devrait, à bouleverser et émouvoir. Quant aux excès dramatiques de l’Olga de la mezzo-soprano Margarita Gritsova, au premier acte, ils ne séduisent peu pu pas et portent ombrage à une performance vocale de bonne tenue pourtant.
La réussite de cette production d’Eugène Onéguine tient aussi à la grande qualité du Chœur de l’Opéra de Québec. Sous la direction de Réal Toupin, les choristes font honneur à la très belle partition chorale de Tchaikovsky et chantent avec unité et cohésion. Sans doute, l’alliance entre des artistes d’expérience comme Carole Cyr et Robert Huard et de membres d’une jeune brigade lyrique comme Keven Geddes et Priscilla-Ann Tremblay, rend possible une prestation aussi remarquable.
De la mise en scène de François Racine, je retiens une excellente direction d’acteurs et des mouvements de foule qui assurent au spectacle un réel dynamisme. Imaginées par le metteur en scène, les transitions entre les tableaux font appel à un nuage translucide qui contribue au mystère et sied fort bien au drame. Ce travail du metteur en scène est d’autant plus louable qu’il devrait agir à l’intérieur des décors de Peter Dean Beck qui ne facilitaient guère sa tâche. Certains éléments des décors étaient plus souvent qu’autrement encombrants et ne convenaient aucunement à la production. La présence de ces grands bouleaux tout au long de l’opéra, y compris durant la scène de la lettre et la scène de bal, est inexplicable quant à elle et il aurait fallu trouver le moyen de retirer ces éléments du décor au moment où cela, de toute évidence, s’imposait.
Sous la direction musicale de Daniel Lipton, les musiciens et musiciennes de l’Orchestre symphonique de Québec ont généralement bien assumé leur travail d’accompagnement et ont particulièrement bien interprété les ouvertures contenues dans cette partition lyrique qui révèle le grand talent d’orchestrateur lyrique de Pyotr Ilyich Tchaikovsky.
S’il reste des billets pour la dernière représentation qui est prévue pour ce soir à 20 h, je vous recommande de vous presser aux guichets du Grand Théâtre de Québec ou de vous rendre sur le site de Billetech en cliquant ici.
La qualité de cette première production est également constatée par les critiques qui se révèlent unanimement favorables. Je vous invite à prendre connaissance des trois critiques qui ont été formulées au lendemain de la première et qui portent la signature de Richard Boisvert, « Eugène Onéguine touche à la cible », Le Soleil, 24 octobre 2011, de Denise Martel, « Eugène Onéguine- Ravissant », Journal de Québec, 25 octobre 2011 et de Jacques Hétu, « Québec-Eugène Onéguine- Une grande réussite », Res musica, 25 octobre 2011. Ces trois critiques ont été regroupées sur le site de l’Opéra de Québec et peuvent être consultées en cliquant ici.
Et pour voir d’autres très belles photographies de production, vous pouvez cliquer ici.
Le prochain rendez-vous de l’Opéra de Québec est Le Gala qui aura lieu le jeudi 8 décembre 2011 à la salle Louis-Fréchette du Grand Théâtre de Québec. Je vous informerai du contenu du programme de cet événement…à ne pas manquer !
L’animatrice Sylvie L’Écuyer est de retour à L’Opéra du samedi aujourd’hui et animera une emission spéciale à l’occasion du 75e anniversaire. Elle recevra en studio les personnes gagnantes du concours L‘opéra, une histoire de famille. Ces personnes seront d’ailleurs en studio pour entendre la diffusion de l’opéra Fidelio de Ludwig van Beethoven dont la retransmission avait été entendue sur les ondes de L’opéra du samedi le 13 février 1960 et qui a été gravée sur CD par maison Sony Classics en 2010. La distribution est impressionnante : Jon Vickers, ténor (Florestan), Birgit Nilsson, soprano (Leonore); Herman Uhde, baryton (Pizarro), Oskar Czerwenka, basse (Rosso), Giorgio Tozzi, basse (Fernando), Laura Hurley, soprano (Marzelline) et Charles Anthony, ténor (Jaquino). L’orchestre et le choeur du Metropolitan Opera sous la direction de Karl Böhm. Cynthia Dubois a réalisé un hommage à Jon Vickers qui célèbre ses 85 ans en 2011 et Sylvia L’Écuyer présentera cet hommage à l’entracte. Et dans sa chronique d’actualités musicales, l’animatrice parlera de Siegfried, le troisième volet de la nouvelle Tétralogie du Metropolitan Opera de New York dont la première a eu lieu jeudi le 26 octobre.
À l’émission Le mélomane que j’animerai sur les ondes de Radio Ville-Marie demain le dimanche 30 octobre de 13 h à 15 h, le répertoire vocal et lyrique sera à nouveau bien servi. Je ferai entendre de larges extraits du premier enregistrement solo de la mezzo-soprano québécoise Julie Boulianne, Paraissant sur etiquette Atma classique, le nouvel album comprend les Lieder eines fahrenden Gesellen (Chants d’un compagnon errant) et les Kindertotenlieder (Chant sur la mort des enfants) ainsi que Fünf lieder (Cinq mélodies) d’Alma Schindler Mahler. Dans le cadre de la Chronique des revues, je décrirai le contenu des numéros de novembre 2011 d’Opera News et d’Opéra Magazine dont les « unes » respectives présentent le ténor Jonas Kaufman et la soprano Nina Stemme, Dans la Chronique des disques, je vous ferai entendre des extraits du nouveau disque paru également chez Atma classique que le Studio de musique ancienne de Montréal et son chef Christopher Jackson consacrent la Musica Vaticana.
Et s’agissant des projections d’opéra de la semaine, vous pourrez visionner Das Rheingold de Richard Wagner dans une production de l’Opéra de Pesaro de 2006 le samedi 29 octobre à 12 h 30 et en reprise le jeudi 3 novembre 2011 à 18 h 30 au Café d’art vocal. Dans le cadre de la série Opéramania, l’opéra Satyagraha de Philip Glass dans une production du Staatsoper de Stuttgart de 1983 sera projeté à la salle B-421 du Pavillon de musique de l’Université de Montréal le vendredi 28 octobre 2011 à compter de 19 h.
Et cette semaine, l’émission Art d’œuvres de la chaine TFO présente Attila de Giuseppe Verdi dans une production de l’Opéra national de Paris de 2001 et une mise en scène de Josée Dayan et Jeanne Moreau. Pour visionner cet opéra, vous pouvez syntoniser la chaîne francophone le dimanche 30 octobre à 20 h et pour en voir un extrait vous pouvez cliquer sur l’image ci-après ou ici :
Attila de Giuseppe Verdi
Bonne semaine lyrique...et je vous écris de Hanoï au Vietnam samedi prochain!