© Lioba Schöneck Staatstheater am Gärtnerplatz
Première de la saison de ballet au Theater-am-Gärtnerplatz avec cette trilogie de Hans Henning Paar et Fernando Melo, dont les parties ponctuent la soirée dans une dynamique de jeux de contrastes et d'oppositions. Les deux chorégraphes ont joué sur les contraires et les ambiguïtés dans l'exploration de concepts et des situations pour cette soirée en trois volets aux titres évocateurs: B(R)ACHLAND, FOUNTAIN et SCWHWARZ.
B(R)ACHLAND
Hans Henning Paar joue sur les mots: Bach, le compositeur, Land, le pays, Brachland, la jachère. Le pays de Bach, Bachland, est une jachère, Brachland, un terrain nu et vierge sur lequel le chorégraphe va faire jouer sa créativité. Hans Henning Paar matérialise et incorpore la musique du Premier Concerto pour piano de Bach dans l'explosion de joie des mouvements des danseurs qui semblent jaillir sur scène comme les notes vivantes d' une portée de musique. Ces explosions joyeuses n'ont cependant rien de désordonné: la joie de la danse suit rigoureusement le rythme de la composition musicale, et la jachère s'emplit de la matérialisation allègre de la musique de Bach. Sur le noir d'un décor lui aussi en friche, d'admirables lumières découpent les mouvements de la musique incorporée. Seul une très belle toile de fond cuivrée piquée de vert de rouille viendra animer le minimalisme réussi de la scène où règne en seul maître les jaillissements dansés de la musique de Bach.
FOUNTAIN
Fountain de Marcel Duchamp, 3e réplique
Paris, Centre Pompidou
Le chorégraphe brésilien Fernando Melo a conçu son travail en partant du ready made de Marcel Duchamp. Pour rappel, un ready made est un « objet tout fait », autrement dit une idée que Marcel Duchamp a eu de « choisir » un urinoir industriel en vue d'une exposition d'art moderne au lieu de faire une sculpture de ses mains. L'objet original est un simple article de sanitaire acheté dans un magasin d'une société new yorkaise. Marcel Duchamp avait ajouté à l'aide de peinture noire l'inscription « R. Mutt 1917 ». Duchamp l'avait envoyé anonymement pour l'exposition de la Société des artistes indépendants à New York, où l'oeuvre avait été refusée au motif de sa vulgarité, de son immoralité et de son caractère d'objet utilitaire. (Cliquer ici pour plus de détails sur l'histoire de l' oeuvre de Duchamp et pour accéder à la source de l'image et du texte.
Le décor d'un blanc immaculé présente un urinoir et un simple robinet sur un mur carrelé qui évoque des toilettes publiques. Dans cet univers on ne peut plus prosaïque, Melo livre son travail de réflexion sur la vulnérabilité des relations humaines. Hommes et femmes se croisent dans ce lieu improbable et névrotique, et entrent en contact notamment dans des prises de têtes bien imaginées. Dans quelles situations sommes-nous plus vulnérables, comment réagissons-nous à la vulnérabilité? Les toilettes publiques, cet endroit du déshabillage et de la pudeur, et parfois de la provocation, où l'on observe et se sent observé, constituent un lieu où l'on peut se sentir particulièrement vulnérable et inquiété.
SCHWARZ / NOIR
Nouvel enchaînement par les contraires avec le troisième volet dans lequel Hans Henning Paar nous partage sa fascination pour le Noir. Le chorégraphe se réfère explicitement à sa rencontre de l'oeuvre picturale de Pierre Soulages. Le peintre avait lui aussi fait l'expérience de l'Oeuvre au Noir. En janvier 1979, Soulages en travaillant sur un tableau s'était mis à ajouter, à retirer du noir pendant des heures. Ne sachant plus quoi faire, il avait quitté l'atelier, désemparé. Lorsqu'il y était revenu deux heures plus tard : « Le noir avait tout envahi, à tel point que c'était comme s'il n'existait plus ». Cette expérience avait marqué un tournant dans son travail. La même année, il exposait au Centre Georges-Pompidou ses premières peintures monopigmentaires, fondées sur la réflexion de la lumière sur les états de surface du noir, appelé plus tard « outre-noir ». (Source: Wiki)Hans Henning Paar cite Pierre Soulages: J'aime le noir, son autorité, sa profondeur, sa radicalité. Et Paar explore les manières de faire danser le Noir: les danseurs et les danseuses ont le corps entièrement grimé de noir et sont vêtus de collants noirs, noir est le décor fait d'une série de panneaux concaves tenus et animés par des filins, noir le fond de scène, noirs les jeux de d'ombres et de lumières. Toutes ces surfaces captent de diverses manières la lumière et cela donne un spectacle physiquement et intellectuellement captivant, comme un grand poème à la couleur noire.
Un spectacle à voir et à revoir, tout y convie: la modernité des concepts qu'il développe et avec lesquels le public entre en un captivant dialogue intérieur, la beauté et la nouveauté des chorégraphies, le magnifique travail des éclairages qui magnifient les corps et les décors dans leur dépouillement minimaliste, et les danseurs extraodinaires de l'ensemble du Theater-am-Gärtnerplatz.
Un spectacle aussi à ne pas manquer, car dans quelques mois Hans Henning Paar, au grand regret du public bavarois, aura quitté Munich pour aller porter son immense talent à Munster, où il prendra la direction, de la danse au Théâtre d'Etat. Et que la dernière de BlackOUT est déjà hélas annoncée.
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Les 31 octobre, Le 5, 15 et 18 novembreLe 30 décembre 2011Et le 11 janvier 2012 (dernière)