Trois logiques de responsabilité gouvernementale vont s’affronter en 2012 qui
va être dominée par le fragile équilibre à trouver entre la réduction drastique des déficits publics et la réoxygénation de l’économie nationale.
Le président du MoDem François Bayrou a été l’invité du journal de 20 heures de TF1 ce vendredi 29 octobre 2011 pour réagir aux propos présidentiels de la veille écoutés par près de douze millions de Français (soit un petit peu moins que DSK).
Un schéma bipolaire anachronique et stérile
L’interview n’a duré que six petites minutes, coincées au milieu du journal, ce qui est bien maigre face à
l’heure et demi de Nicolas Sarkozy et aux nombreuses heures de débats télévisés pour la primaire socialiste.
Nul doute que les médias (le "système" diraient certains) vont recommencer comme en 2007 : cliver le
paysage politique en deux camps retranchés entre la droite et la gauche. Un clivage qui a montré depuis longtemps son anachronisme, ses limites, et surtout, son absurdité puisque les lignes de
fracture se situent à l’intérieur de ces deux supposés camps, entre les tenants d’une politique raisonnable d’accompagnement de la mondialisation qu’on ne pourra de toute façon pas éviter et les
démagogues de tous poils qui hurlent avec les loups sans apporter un seul début de solution concrète.
C’est pourquoi je reste déçu de l’irresponsabilité des socialistes, que François Hollande a encore confirmée dans le journal "Le Monde" du 29 octobre 2011 avec son opposition
systématique, ainsi que des propos peu ouverts de Nicolas Sarkozy rendant impossible une large union nationale qui, à mon sens, aurait été l’expression du véritable patriotisme français.
Les deux principales critiques au discours présidentiel
Globalement, François Bayrou, au contraire du PS, a refusé d’attaquer bille en tête Nicolas Sarkozy et lui a
même trouvé une certaine élégance, concevant que Président était suffisamment impliquée dans l’action immédiate pour lui reconnaître qu’il ne porte pas encore la casquette de candidat.
Cependant, le futur candidat centriste a formulé deux critiques à l’intervention présidentielle.
D’une part, il s’est inquiété de la place trop grande donnée à
la Chine dans la résolution de la crise des dettes souveraines de la zone euro. Nicolas Sarkozy avait eu un entretien le 28 octobre 2011 avec le chef de l’État chinois et les autorités
chinoises sembleraient disposées à réinjecter 100 milliards d’euros dans les dettes européennes.
Certes, François Bayrou n’a pas fait un discours antichinois primaire et ne rejette pas l’aide chinoise qui
sera précieuse dans la sauvegarde de l’euro, mais il a pointé le déséquilibre politique flagrant qui va avantager la Chine lors des prochaines négociations commerciales. Selon le président du
MoDem, l’enjeu majeur reste la sous-évaluation de la monnaie chinoise et il sera difficile aux pays européens de faire pression avec un tel rapport de forces.
D’autre part, et c’est effectivement l’élément clef non seulement de la crise européenne mais aussi de la
campagne présidentielle qui s’annonce, François Bayrou a regretté que le Président de la République n’ait pas parlé de l’avenir, à savoir, de la relance économique pour créer des emplois.
Or, l’avenir, ce n’est pas de trouver des solutions de type rustine pour assurer les dettes souveraines ou
pour équilibrer un budget. L’avenir dépend surtout de la capacité de la France à créer de la richesse, et donc, car la création de valeur ne peut passer que par là, la capacité à produire et à
vendre.
Produire est d’ailleurs le premier point de la future campagne de François Bayrou dans une trilogie qui passera aussi par les verbes instruire et construire (une
démocratie).
L’enjeu majeur de la campagne présidentielle
Cette critique que François Bayrou a dû rapidement esquisser au
discours présidentiel sera sans aucun doute le thème principal de la campagne électorale. On l’avait déjà aperçu dans les débats pour la primaire socialiste où Martine Aubry voulait se laisser
une marge de manœuvre pour ne pas plomber la croissance.
Car tout est là : à cause tant de la crise financière qui a cassé la croissance depuis trois ans que
d’avantages fiscaux qui n’ont pas eu l’efficacité économique attendue, la situation de l’endettement public est telle qu’il est impératif de rééquilibrer d’urgence le budget de l’État, ce qui
signifie forcément une augmentation des prélèvements obligatoires et une réduction des dépenses de l’État, une nécessité dont l’appellation sera plus ou moins variable selon la proximité du
pouvoir. Nicolas Sarkozy refuse de la nommer "rigueur" pour s’en remettre à une expression quasi-identique : « gestion rigoureuse »
tandis que l’opposition, de bonne guerre, l’appelle "austérité". Cette guerre sémantique n’est pas nouvelle et elle existait déjà en mars 1983 lorsque François Mitterrand avait mis un coup d’arrêt à la politique dépensière du début de sa
Présidence.
Le problème, c’est qu’une trop grande rigueur risquerait d’asphyxier complètement l’économie nationale
surtout en réduisant la demande par la baisse du pouvoir d’achat.
Il est donc important de favoriser parallèlement la croissance en investissant dans la production
industrielle. Tout est donc une question d’équilibre entre une gestion stricte des dépenses publiques qui annule les déficits publics et une relance de la croissance par des incitations soit à
consommer soit à produire.
Le secteur industriel et l’Allemagne
Certes, les statistiques indiquent une forte désindustrialisation de la France dans la dernière décennie,
mais parfois, les données sont trompeuses et il faut se garder d’avoir la sinistrose. Le potentiel économique de la France est encore très fort.
Le mouvement général est surtout dans l’externalisation des services annexes (multiples) si bien qu’un très
grand nombre d’employés au départ comptabilisés dans le secteur industriel se retrouvent maintenant décomptés dans le tertiaire, le secteur des services aux entreprises. Cela dit, il y a plus
d’usines qui ferment que d’usines qui ouvrent.
S’il y a autant de comparaison avec l’Allemagne, c’est que ce pays paraît être un modèle du redressement
économique intelligent. La Réunification allemande et l’absorption inconditionnelle de l’économie
est-allemande dans la République fédérale ont eu de très lourdes conséquences économiques. Mais le gouvernement du chancelier Gerhard Schröder avait réussi à faire adopter des réformes
économiques et sociales soutenues tant par la majorité rouge et verte (SPD et Verts) que par l’opposition CDU-FDP (le fameux Agenda 2010) qui a permis de redynamiser le tissu industriel.
Les trois légitimités de 2012
Dans le paysage de campagne qui évolue se dessinent ainsi trois légitimités capables d’atteindre l’olympe élyséenne en mai 2012.
La première est celle de François Hollande qui jouit
d’une popularité qui doit l’étonner lui-même et probablement renforcée par l’expression d’un fort rejet de la personne du Président de la part d’une certaine frange de la population. Il se trouve
comme candidat dans une situation facile où il lui suffit de taper sur l’adversaire. Il y a suffisamment d’éléments compliqués pour se permettre de conserver sa crédibilité tout en faisant des
amalgames. S’il était élu, la situation lui serait alors nettement moins facile. Du reste aujourd’hui, les proches du candidat socialiste, qui sont des personnes plutôt sérieuses (comme Michel
Sapin ou Pierre Moscovici), veulent être prudents dans l’élaboration du projet présidentiel.
La deuxième est bien sûr celle de Nicolas Sarkozy qui,
en adoptant le rôle du protecteur du pays, n’écoutant que son sens des responsabilités et oubliant les mauvais sondages (on se demande encore comment les médias pourraient être si aux ordres du
pouvoir, eux qui l’assomment quotidiennement en encensant ses opposants), joue quitte ou double. Ou il parvient, d’ici mai 2012, à préserver l’euro, la dette française, la crédibilité financière
de la France, et dans ce cas, il peut se prévaloir, comme il l’a fait jeudi 27, de ses réformes, ou, malgré toute sa politique, la situation se dégrade, la confiance financière de la France se
dégrade, et dans ce cas, il n’aura plus beaucoup d’arguments à faire prévaloir. Souligné jeudi également, le grand emprunt, qui injecte des investissements massifs dans les technologies de demain (jusqu’à 36 milliards d’euros d’investissement), est la
pierre centrale d’une relance économique, mais ses effets seront à long terme.
Enfin, la troisième légitimité est celle de François
Bayrou, qui semble avoir troqué l’isolement contre une certaine sérénité. Qui est en effet plus légitime que lui à parler de la dette et des déficits ? Cela fait dix ans qu’il en
parle, qu’il place cet enjeu au cœur du problème français. 2012 sera la campagne de la dette publique. Et qui mieux que François Bayrou est le plus à même de rassembler toutes les personnes de
bonne volonté pour apporter des solutions rapides, concrètes et dépassionnées, hors d’un clivage droite/gauche qui anéantit toute intelligence collective ?
C’est en ce sens que les prochains mois vont être très instructifs.
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (29 octobre
2011)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
François Bayrou votera-t-il pour
Hollande ?
Grand
oral réussi pour Nicolas Sarkozy.
La consécration de François Hollande.
Le rassembleur.
Il faut faire l’union sacrée.