You’ve been a bad, bad boy, Jesus. Deux mille ans après, le double maléfique de J.C. est de retour. Pas vraiment pour nous sauver, cela dit, mais plutôt pour nous botter les fesses. La robe de bure, c’est pas trop son truc, à Jean-Claude. Lui, il est plutôt blouson de cuir et chemise à carreaux, et la couronne d’épines, il s’assoit dessus. C’est pas le genre de mec qui se serait contenté d’un lavage de pieds avec Marie-Madeleine, si tu vois ce que je veux dire. « Seconde parousie de mon cul », jette-t-il dans un crachat avant d’enfourcher sa guitare, les mains en sang. La Vierge ne l’est plus tout à fait et l’Apocalypse, c’est pour maintenant.
Pour tout de suite, même, à l’écoute du nouvel opus des Turino-Bordelais de J.C. Satàn, vrombissants représentants d’une certaine tradition garage à la française – une croisade menée également par Yussuf Jerusalem dans les contrées parisiennes. Électricité libérée, poésie prosaïque et amours diaboliques composent la sainte Trinité de Hell Death Samba, brillant second essai du quintette emmené par le Français Arthur et l’Italienne Paula et défendu par Slovenly Recordings. Et si je puis me permettre, Dieu qu’il est bon. Les Satàn emmènent leur musique aux frontières du garage, entre chaos psyché (Blasted) et ballades mélancoliques (In the Light) – des morceaux comme Dear Dark J ou The Junkie Knight étant bien la preuve qu’ils ne se sont pas enfermés dans un genre. Sur le fil, entre énergie brutale (Heil Mary) et douceur sulfureuse, ils maîtrisent tout à fait le sujet. Pris dans une tournée européenne chargée, Arthur, Paula, Dorian, Romain et Ali ont pris le temps de nous raconter leur petit enfer à eux. Ils seront à Paris le 31 octobre pour défendre Hell Death Samba dans les entrailles brûlantes de la Mécanique Ondulatoire. On ne prendra pas le risque de manquer à l’appel : un bon concert, ce sera toujours ça de gagné quand viendra l’heure de peser notre âme.
Quelle est l’histoire de ce nouvel album ?
Je ne sais pas si on peut vraiment parler d’histoire… La manière de fonctionner avec Satàn est assez simple. Arthur, Dorian et Paula enregistrent en permanence des chansons… En fait, on enregistre les chansons avant même de les répéter tous ensemble. Du coup Arthur a déjà des dizaines de chansons d’avance et dès qu’on sort un disque, on est déjà prêt à en sortir un autre… On est très productif, ça ne s’arrête jamais et dès que quelqu’un veut nous sortir un truc, on est prêt à lui filer quelque chose de neuf.
Arthur, tu composes la musique et Paula, tu écris les paroles. Dans quel ordre ? Comment se déroule l’élaboration d’un morceau ? Qu’est-ce qui vous inspire tous les deux ?
Arthur : J’enregistre toutes les instrus dans ma chambre – basses, guitares… Ensuite, on fait les batteries sur ordi avec Dorian, un peu d’arrangement, et on mixe réellement après avoir enregistré les voix. Mes influences sont vraiment difficiles à citer dans le sens où musicalement, ce groupe est pour moi le moyen de libérer toutes les idées que j’ai en tête sans vraiment me fixer de limites, de confronter tous les styles que j’aime. Ça peut aller du garage 60´s à la pop 90´s… et dans plein d’autres directions.
Paula : J’écoute d’abord les chansons d’Arthur et ensuite j’adapte des paroles que j’ai déjà écrites ou j’en écris de nouvelles. Je parle simplement de la vie de tous les jours, des rêves que je fais… Je m’inspire aussi parfois des livres que je lis.
Slovenly Recordings avait déjà défendu votre premier album, Sick of Love. Comment s’est passée votre rencontre avec le label ?
On connaissait déjà Pete de Slovenly avant de faire le groupe et notamment Ali qui lui a parlé de Satàn. C’est allé très vite, on lui a fait écouter notre premier 7″ et quelques chansons en plus et il nous a tout de suite proposé de sortir un album. En six mois, Sick of Love est sorti, et un an plus tard, Hell Death Samba. On est vraiment content d’être sur un label qu’on adore depuis longtemps, qui a sorti les Spits, Acid Baby Jesus, Les Magnetix, The Anomalys, les Subsonics et plein d’autres…
Paula, c’est toi qui t’occupes des artworks du groupe. Tu peux nous expliquer ton choix pour la pochette de Hell Death Samba, qui est très différente des précédentes ? Quelles sont tes influences visuelles ?
Mes influences visuelles ont toujours été en lien avec l’imagerie sacrée et depuis quelques temps avec le porno. Il y a eu de mauvaises critiques sur le dessin de Sick of Love (visible ici, ndlr), des gens qui ne comprenaient pas le côté comique de cette pochette (d’ailleurs, comme Sick of Love va sûrement être repressé, je vais probablement faire une nouvelle pochette). Alors pour Hell Death Samba, on a voulu faire quelque chose de complètement différent. J’ai trouvé de vieilles cartes postales avec des oiseaux sur le marché Saint-Michel à Bordeaux et on a utilisé l’image de ces deux pigeons parce qu’on trouvait leurs regards vraiment troublants.
Il y a pas mal de références religieuses dans votre musique, à commencer par votre nom, mais aussi celui du nouvel album, et des morceaux comme Heil Mary. D’où ça vient ? Avez-vous la prétention de faire une sorte de musique sacrée ?
Paula : J’ai eu une vie très liée à la religion, surtout quand j’étais petite (catéchisme, scoutisme…), et j’ai toujours dessiné en m’inspirant d’images sacrées. Le côté malsain et pervers de la religion m’a toujours intriguée. Du coup on joue avec ça, mais à part le nom du groupe et certains titres de chansons, le sacré est un thème qu’on ne prend pas vraiment au sérieux. On parle plus de choses assez concrètes.
Avez-vous l’impression d’appartenir à la nouvelle scène garage française (Yussuf Jerusalem, The Feeling of Love, Jack of Heart, etc.) ? De quels autres groupes vous sentez-vous proches ?
Arthur : Le fait est qu’on est lié à cette scène par la force des choses. Avant Satàn, je jouais déjà souvent avec ce genre de groupes, Paula bookait des concerts en Italie pour eux… On est pote avec la plupart. On est aussi très lié avec des groupes européens comme ceux de Slovenly dont on a parlé tout à l’heure, The Anomalys qui sont hallucinants sur scène, les Acid Baby Jesus ou d’autres comme Black Bug… Sinon on peut dire qu’on se sent assez proche de plein de groupes de Bordeaux où la scène garage est super active : Les Magnetix, Destination Lonely, Strange Hands…
Mais en ce qui nous concerne, on n’a pas vraiment le sentiment de faire du pur garage avec Satàn, mais on est dedans… On ne sait même plus comment le garage doit sonner en fait : quand tu écoutes tous les groupes qu’on qualifie de garage aujourd’hui, on entend du psyché, du blues, du shoegaze, de la pop, voir de l’électro rock minimal… C’est plus devenu une sorte d’ensemble prolifique qui s’affranchit des contraintes de genres, mais généralement avec un côté lo-fi… et encore… C’est comme ça et c’est tant mieux, c’est une scène vivante, indépendante et qui foisonne de groupes qui tuent.
Comment se passe la tournée ? Pour ceux qui ne vous ont jamais vus sur scène, à quoi peuvent-ils s’attendre ?
C’est la première fois qu’on part en tournée aussi longtemps (cinq semaines). Il nous reste quinze jours et on a rencontré plein de gens vraiment cool, passé des soirées relativement indécentes, juste, maintenant qu’on roule vers le nord on commence à être un peu malade, Romain a fendu sa cymbale et nos amours commencent à nous manquer… Mais on est plutôt assez content de nos lives, on pense avoir trouvé la formule définitive après avoir vraiment galéré… Ce n’est vraiment pas évident de bien faire sonner et de réadapter des chansons déjà enregistrées dans une chambre avant. Là, on vient de passer une nuit sur le ferry et d’arriver en Suède et on s’apprête à faire trois dates avec les Destruction Unit ce qui est plutôt excitant… surtout qu’il ne fait pas si froid… Satan est avec nous.
Maintenant que l’album est sorti, quels sont vos projets ?
Comme on te le disait, on fonctionne de manière assez instinctive et le processus de création fait qu’on ne s’arrête vraiment jamais d’enregistrer des chansons, donc on est déjà en train de penser à un prochain disque, voire des trucs un peu à part comme un album uniquement violent par exemple. Il va sûrement y avoir de nouveaux splits et Arthur est déjà en train de parler du prochain album qu’il veut enregistrer toujours de la même façon, mais en faisant les prises sons (guitares, basses…) ailleurs que sur le PC de sa chambre cette fois, histoire de faire évoluer le son du groupe vers quelque chose de plus dense encore. Et on est aussi en train de penser à la prochaine tournée, on n’a pas encore décidé si on irait aux États-Unis ; peut-être qu’on va attendre encore un peu et plutôt essayer d’aller jouer en Angleterre, au Portugal, en Grèce aussi, où on aimerait bien tourner avec les Acid Baby Jesus et Bazooka, ou peut-être en Italie avec les Anomalys…
J.C. SATÀN + HAIR AND THE IOTAS
Lundi 31 octobre à 21h
La Mécanique Ondulatoire
8, passage Thiéré
75011 Paris
Entrée : 5€
Audio
Tracklist
J.C. Satàn – Hell Death Samba (Slovenly Recordings, 2011)
1. Hell Death Samba
2. Dear Dark J
3. Heil Mary
4. Misunderstood
5. Blasted
6. In the Light
7. Crystal Snake
8. Close to Me
9. Abandon
10. The Junkie Knight
11. Unhappy Girl
12. Rythm of Sex