Cette fois le changement est apparemment moins spectaculaire. Il a rallongé ses « pattes » et ébouriffé gentiment ses cheveux. Mais lorsqu’on le découvre, marmonnant et classant des papiers dans la bibliothèque de Chateaubriand, celle-là même où l’écrivain travaillait dans sa vaste maison de la Vallée-aux-Loups on ne peut qu’être frappé par la ressemblance.
Le spectacle, que j'avais annoncé fin septembre, se voulait sous l’angle du romantisme, mais l’homme est si près du bord de la détresse que je l’ai trouvé plus pathétique que romantique.
Les textes ont été découverts par Sainte-Beuve après la mort de l’écrivain. Il les a publiés en 1862 sous le titre de Confession délirante, ce qui explique que la Maison de Chateaubriand (qui appartient au Conseil général des Hauts-de-Seine) ait annoncé la soirée comme révélant des confessions clandestines.
Certes, on me dira qu’il ne faut pas réagir au premier degré, et que ces textes sont sublimement écrits. Il n‘empêche qu’en tant que femme on peut avoir envie d’entendre autre chose et souhaiter qu’un modèle plus positif soit montré à titre d’exemple.
Puissiez –vous messieurs ne pas hurler à vos amoureuses qu’elles sont des objets charmants, que vous les adorez mais que vous ne les acceptez pas.
Si vous les repoussez tout en les menaçant de ne pas leur pardonner d’être heureuses ailleurs, ne comptez pas sur moi pour compatir à votre supplice, à votre désespoir, à votre confusion incroyable et à vos rêves pesants. La solitude me semble être la seule issue vivable et je vous laisse vous complaire dans le supplice que vous organisez vous-même.
Il tourne en rond, déchire des lettres, où il fut probablement question de sentiments, sans doute non partagés, soupire … et lâche qu’il y a dans une femme une émanation de fleur et d’amour … montrant un Chateaubriand vieillissant, en pantoufles et robe de chambre, s’abreuvant d’une camomille.
On sait que Chateaubriand adorait l’opéra. C’est Mayuko Yasuda qui a interprété pour « lui », et pour nous, plusieurs œuvres de sa magnifique voix de soprano :
L’air de Gilda de Rigoletto de Giuseppe Verdi,
Une mélodie de Francis Poulenc, Chemin de l’amour,
L’air d’Ophélie, dit encore Scène de la folie du Hamlet de Ambroise Thomas,
La Barcarolle de Jacques Offenbach.
Elle se meurt elle-même de désespoir. Il la repousse tout en priant le ciel de faire un miracle en lui rendant jeunesse et beauté sans y croire un instant. Il s’interrompt pour noter ses (bons) mots. Elle traverse la pièce comme un petit nuage, revient dans une ultime tentative, et s’enfuit puisqu’elle est cette fleur charmante qu’il ne veut point cueillir.
La mise en scène transforme les monologues en un quasi dialogue et se trouver à portée de main des comédiens renforce l’émotion. Le pari est de ce point de vue totalement réussi et il est regrettable que le spectacle ne soit programmé que deux fois seulement.
La chanteuse comme le comédien ont beaucoup travaillé. Ils ont du déployer de gros efforts pour s’adapter au lieu et pour rendre l’aventure vraisemblable et crédible. L’environnement lui-même racontait une histoire très forte et contrairement à ce que le public pourrait penser il est plus difficile de jouer dans la maison de Chateaubriand que dans un théâtre.
"Amour et Vieillesse" à la maison de Chateaubriand, dernier face-à-face entre l'Enchanteur et Cupidon - Ma-Tvideo France2
Amour et vieillesse, Mardi 18 et jeudi 20 octobre à 20h45
87, rue Chateaubriand, 92290 Châtenay-Malabry, Téléphone : 01 55 52 13 00
Mise en scène: Lionel Parlier
Avec Marc Jeancourt et Mayuko Yasuda, Piano : Emmanuel Christien
Coiffure/maquillage : Arno Ventura