L'enfance aux livres - souvenirs

Par Placebo
Pour autant queje me souvienne, Les malheurs de Sophie auront été mon livre primordial.Celui par lequel je serai tombé dans les livres et, par eux, les mots. Il y aura bien eu des livres préhistoriques, des bandes-dessinées d’autrefois, sansphylactères, les aventures du canard Gédéon,celles du chat Félix, vieux albumsfrançais ayant appartenu, par ordre de primogéniture,  à mon père, après son frère ainé,  avant que ma tante, sa sœur, ne les leur confisquât,comme, des années plus tard, la mienne avec mes premiers Tintin, donnés par la tante de ma mère,et marraine de ma sœur, fondamentale querelle d’appropriation, de laquelle lesobjets de mon culte, qui en était encore à ses prémices, ne sortirent pasindemnes, marqués à jamais par un crayon enfantin et iconoclaste, laquelle, jele reconnais – il lui sera beaucoup pardonné – n’avait toutefois pas encoreatteint l’âge de raison. Tout cela bien avant la lecture; du moins avant lalecture des mots, car je suis certain que celle des images occupait tout autantmes après-midi chez ma grand-mère paternelle que la télévision ou l’ordinateurretient celle des gamins d’aujourd’hui. Et me reliait, mais en partieseulement, à un monde surnaturel : à l’évidence, il se passait quelquechose dans cette étrange boîte dont le couvercle s’ouvre vers la gauche et quin’a pas vraiment de fond.