Les Ouvrages sur la Guyane et le Suriname se trouvent bien sûr sur le site de la librairie
Que fais-tu en Guyane ?
Depuis 1997, date à laquelle je me suis installé en Guyane, je milite
activement dans diverses organisations de protection de
l'Environnement. Autrefois, j'œuvrais dans ce domaine quand mon
activité d'infographiste salarié me le permettait puis
progressivement, au fil des années, la tendance s'est inversée et
désormais je réalise en free-lance les maquettes de mes propres
ouvrages et de divers supports, seulement quand mes activités
bénévoles me laissent quelques moments. Ici, la Nature est tellement
riche et enivrante, qu'on se laisse emporter par l'impérieuse
nécessité de la protéger et de se mobiliser, autant que faire se peut,
pour empêcher sa destruction. Ce n'est malheureusement pas l'état
d'esprit que partagent les orpailleurs, tant légaux qu'illégaux, qui
ne voient en une parcelle de forêt primaire, que les quelques kilos
d'or qui gisent dans son sous-sol. Cet or, au dépend du tourisme, est
au cœur des préoccupations des décideurs locaux, à courtes vues. Cet
or dont le cours mondial, historiquement déjà très favorable, à plus
que doublé depuis 2001 (soit 18 euros le gramme en 2008). Ceci dit, la
forêt primaire couvre encore plus de 80% de la surface de ce
département mais c'est le rythme de sa régression au regard d'une
raisonnable nécessité économique, qui demeure alarmant.
Un exemple concret et récent !
Depuis Fevrier 2007, date à laquelle le Groupe international des
experts sur le climat (GIEC) a annoncé les conséquences dramatiques de
l'activité humaine sur le dérèglement climatique, les gouvernements
ont le devoir de cesser les aberrants programmes industriels. Le
projet Iamgold (ex-Cambior), du nom de la multinationale minière
canadienne, souhaitait ainsi broyer, en plein coeur d'une zone à haute
biodiverté, 19 millions de tonnes de roche en consommant 90 millions
de litres dans l'unique objectif d'en extraire de l'or, dont la teneur
avoisinait l'absurde taux de ... 2,40 gr par tonnes ! Après deux ans
de lutte des militants écologistes locaux puis nationaux, le bon sens
l'a enfin remporté et le gouvernement a annoncé le 29 janvier 2008 le
rejet du permis d'exploration... !
Depuis quand écris-tu ce Guide sur la Guyane ? Il se vend bien ?
La première édition du “Guide des randonnées en Guyane” date de 1997.
A l'origine, seuls 12 sentiers étaient proposés aux lecteurs.
L'objectif premier de cet ouvrage était avant tout militant et
prétendait, à son modeste niveau, promouvoir l'éco-tourisme en Guyane.
Il consiste en une compilation des divers sentiers de découverte,
tracés et entretenus par les pouvoirs publics. A l'époque, aucune
signalisation ne permettait au touriste ni même au résident d'en
connaître l'existence.
Ce guide ne voulait surtout pas concurrencer les professionnels du
tourisme en forêt. Au contraire, le sentier de randonnée “de
proximité” permet, à tout un chacun, d'appréhender la "haute forêt" en
toute sérénité, même avec de jeunes enfants. Puis, généralement, on
est vite captivé par l'atmosphère envoûtante des "grands bois" et
rapidement on ressent la volonté de passer à des émotions plus fortes,
d'aller voir ce qu'il y a, au delà du méandres ou au détour du chemin,
hors des sentiers battus et balisés. Et là, il faut faire appel à des
professionnels guide-animateur (voir site web) !
L'auto-édition est-elle un choix judicieux ?
L'auto-édition est bien adapté aux projets régionaux pour lesquels la
majorité des points de vente seront répartis sur un secteur réduit. Si
le marché est trop réduit, il n'est en général pas rentable pour une
maison d'édition mais le sera pour un auteur qui n'a pas forcément les
mêmes prétentions.
L'impression en noir et blanc entraîne des coûts bien moindres.
D'ailleurs, la couleur peut sembler superflue. Sur ce genre d'ouvrage,
l'objectif est de pousser son lecteur à “prendre le sac” et d'aller
sur le terrain... là où il aura tout le loisir de voir les sons, les
reliefs et les couleurs. L'auto-édition nécessite, par contre, la
collaboration d'un bon diffuseur. Dans le cadre des guides
touristiques, "La Cartothèque", domiciliée dans l'Indre-et-Loire, est
un partenaire idéal et sérieux. Sa spécificité en fait un spécialiste
des "Librairies du voyage". Sa fonction sera de diffuser l'ouvrage
dans toute la France et de gérer la comptabilité des droits d'auteur.
Ceci dit, un conseil, pour les ouvrages "très régionaux", on peut
réaliser soit même sa diffusion.
L'ouvrage se vend t'il bien !
Le concept des “infos nature” qui s'intercalent au fil des 30 sentiers
de randos proposés a plu aux lecteurs. Ce concept est basé sur la
multiplication des ouvertures de lecture, qui facilitent
l'assimilation d'un article et offrent une connaissance rapide,
concise mais essentielle sur une curiosité que vous risquez de croiser
au détour du chemin.
De plus, l'”évocation d'anecdotes facilite la mémorisation ce qui
n'est pas un luxe vu la grande biodiversité de notre département.
Quelques chiffres : En Guyane, on recense 720 espèces d'oiseaux
contre 535 outre-atlantique, 4 fois plus d'espèces de reptiles, 9
fois plus d'espèces d'arbres pour une superficie pourtant six fois
moindre.
L'ouvrage fut bien accueilli à sa parution puisque les 3000 premiers
exemplaires furent vendus en l'espace de trois mois. Il fallut le
réimprimer rapidement et dès lors, l'ouvrage pris son rythme de
croisière à la cadence d”une nouvelle édition tous les deux ans. Des
“12 Randonnées”, le guide passa à 17, 23 et l'actuelle et quatrième
édition propose 30 sentiers de découverte.
Quoi de neuf dans la nouvelle édition 2008 ?
Le nouveau chapitre “Balade à Cayenne” est une randonnée urbaine
inédite qui décrit l'histoire de la ville à travers son architecture
et ses monuments. Vous y découvrirez sans doute des ruelles ignorées,
des détails insoupçonnés et d'étonnantes explications sur la toponymie
de lieux familiers.
Mais la grande nouveauté demeure dans le fait que l'ouvrage devient un
véritable guide touristique au même titre que "le Petit Futé". Sa
rubrique "Guyane pratique" recense pour chaque commune concernée les
bonnes adresses qui facilitent la vie au quotidien, les bonnes tables,
les hébergements sympathiques, tels ceux labellisés “gîtes de France”
ou “chez l'”habitant” . On y trouve aussi un avis sur les opérateurs
touristiques qui répondent à la charte de l'écotourisme. Et bien sur,
de nouvelles “infos nature” sur la faune et la flore. L'histoire de la
Guyane gagne aussi une place plus importante dans le descriptif des
sentiers. Ces informations nous permettent souvent de mieux comprendre
la toponymie des criques et reliefs et de mieux s'imaginer la fonction
de certains vestiges.
L'écotourisme a t'il le vent en poupe en Guyane Française ?
Longtemps, on s'est peu soucié des méfaits de l'orpaillage clandestin
qui opérait hors des zones touristiques, jusqu'au jour où la situation
est devenue à ce point délétère que c'est l'image toute entière de la
forêt guyanaise qui s'est détériorée, dans et hors de nos frontières.
On oublie trop souvent que c'est la fascination de la forêt
amazonienne qui incite les touristes à découvrir la Guyane.
La visite du Centre spatial et les vestiges du bagne sont des atouts
indiscutables mais les séjours au package "Plage et hôtel climatisé"
ne seront jamais le but des visiteurs. Si notre forêt et nos fleuves
sont associés, outre-Atlantique, à une jungle où règnent insécurité et
corruption, on ruine la véritable spécificité de notre département.
Début 2008, le rejet par le gouvernement du projet Iamgold ainsi que
la mobilisation de moyens importants pour limiter les méfaits de
l'orpaillage laisse entrevoir l'espoir d'une prise de conscience.
Rappelons le, la Guyane est la seule forêt tropicale de la riche
Europe et son Parc amazonien, créé en 2007, est composé de 2,3
millions d'hectares de forêts primaires. Aussi, malgré les critiques
que l'on peut évoquer sur la gestion locale du Tourisme et de la
protection de sa forêt, la Guyane reste une destination fabuleuse où
les opérateurs touristiques sont quasiment tous des passionnés de
nature et d'aventure.
Par ailleurs, j'encourage le visiteur à réserver quelques jours de son
séjour en Guyane pour visiter Paramaribo, la capitale du Suriname, la
nation voisine à notre département d'outre-mer. Vous aurez ainsi, en
l'espace d'a peine trois heures de route, l'occasion d'admirer un
centre ville, inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco.
Un Guide pour le Suriname, c'est excellent, mais concrètement ça donne
quoi le tourisme là-bas ?
Pour la petite histoire, "Balades au Suriname" est le premier guide
touristique en langue française sur cette destination. Comme quoi, il
reste encore des "Terra incognita" dans le domaine de l'édition du
voyage.
A l'origine de ce projet éditorial, "Balades au Suriname" devait être
bâti sur le même concept que l'ouvrage précité mais rapidement, je
m'aperçu que ce n'était pas concevable. En effet, le Suriname, qui
tire pourtant de forts revenus de l'éco-tourisme, n'a ouvert aucun
sentier public de randonnée. Il est donc quasiment impossible de
découvrir la forêt tropicale sans faire appel à un guide ou à une
organisation. Cela à l'avantage, non négligeable, de créer de nombreux
emplois qualifiés et de renforcer le poids de la profession dans les
choix politiques. En contrepartie, nombre de citoyens n'ont guère eu
l'occasion de parcourir la forêt primaire. Ceci, d'autant qu'aucun
îlot de forêt primaire n'a été conservé à moins de deux heures de
voiture de Paramaribo ! Ce qui n'est pas le cas de Cayenne dont les
collines adjacentes sont recouvertes d'une végétation très ancienne.
'Balades au Suriname' s'est donc transformé en un guide touristique
classique avec, cependant, ses particularités éditoriales. L'objectif
principal est toujours de demeurer très pragmatique et familier, un
peu comme des “bons plans” que l'on suggère à des amis, au risque, en
cas d'erreur, d'en supporter les critiques à leur retour.
Aussi, avant l'impression, chaque information est recoupée au moins
deux fois et chaque numéro de téléphone composé pour confirmer
l'actualité de l'information. A ce propos, il est navrant de constater
que le "guide de voyage" est devenu, chez certains éditeurs, une
ressource fortement liée aux annonces publicitaires et non plus
exclusivement basé sur les ventes et la satisfaction des lecteurs.
L'objectivité des appréciations s'en trouve amoindrie surtout si le
rédacteur est aussi commercial !
As-tu des projets futurs en matière de Guide "à ta sauce" ?
C'est souvent lors de mes visites annuelles à Rennes que j'envisage
mes futurs projets de guide. En particulier, d'ailleurs, en allant
consulter "la concurrence" dans une librairie du voyage, telles, bien
sur, la Librairie Ariane, si richement documentée et à l'accueil
conviviale. A l'inverse des grandes maisons d'éditions, mon objectif
n'est pas de m'insérer dans les destinations à forte demande mais
plutôt d'aller combler les petits marchés non ou peu publiés. A
priori, mon futur projet devrait se porter sur un étroit secteur du
Brésil. Il est étonnant en effet de constater qu'une nation qui fait
plus de 15 fois la surface de la France, est résumé dans des ouvrages
d'a peine 500 pages. Mon objectif sera donc de présenter dans un
ouvrage d'une taille raisonnable trois états du Brésil, sur les 26
états existants.
A ce titre, j'invite les lecteurs ayant visité Bélem, Manaus, l'île de
Marajo ou le Pantanal à me communiquer leur "bons coins". Ils
recevront gracieusement, si l'information est retenu, un exemplaire
gratuit du prochain guide. Merci d'avance !
Voici quelques liens que Philippe Boré souhaite vous faire découvrir : Randonnées en Guyane, Visite virtuelle des sentiers de Guyane, Pdf de présentation de "Randonnées en Guyane", Balades au Suriname, Visite virtuelle du Surinam
J'avais prévenu...Philippe aime parler ! Merci pour le petit mot sympa sur la librairie mais surtout sur tes précisions très intéressantes sur l'exploration de l'or ainsi que ton point de vue tranchant sur la qualité d'auteur et d'éditeur de guides de voyage...
Surtout bravo pour ton travail et la passion que tu y mets !
Avec son accord, si vous avez des questions, des envies d'en savoir plus, des liens complémentaires à obtenir, je laisse son mail bore.phil[@]wanadoo.fr à disposition
Pour conclure, voici une phrase qui reflette parfaitement sa pensée :
“La forêt guyanaise est un trésor bien plus précieux que l'or que l'on
veut lui arracher (...)
Les vraies valeurs ne peuvent être dans un minéral,si brillant soit-il.
C'est le vivant dont il faut promouvoir le respect”.
Hubert Reeves & Nicolas Hulot.
Le monde du 15/02/ 2007