APOCALYPSE D’ÉTÉ
Souvent,
ce qui est admirable
est voué à l’échec.
Quand ça devient possible,
c’est extraordinaire,
mais il n’y a plus personne
pour admirer
une telle banalité.
Nous surnageons
dans la réalisation de l’extraordinaire
en nous occupant de menus détails :
des questions de voirie en politique
et de poubelle en amour.
La vie en général est une immense accumulation de détails.
On voit souvent,
pendant les grands événements :
les raz-de-marée,
les épidémies,
les tremblements de terre
et le reste,
s’affairer dans les décombres
à un rythme ralenti,
des survivants emportant avec eux
une casserole, un sac,
un bibelot
ou une lampe de chevet,
comme pour ramener l’outrage
à des proportions plus humaines.
Et vous avez dû imaginer
un jour,
quand tout paraît fatigant de solidité
et de calme autour de vous,
au bord de la mer,
vous avez dû rêver
à un raz-de-marée
ou au volcan de Pompéi…,
à cette agitation vitale et frénétique
qui s’empare de chacun.
Vous avez peut-être même éprouvé
cette sensation de complicité avec le monde,
presque certain de partager avec lui
l’espoir tenu secret
d’un désastre à venir.
Dieu n’a pas d’autre figure
que celle d’une catastrophe en attente.
La perspective de l’Apocalypse
nous occupera toujours plus
que celle du paradis.
Jean-Paul Curnier, Moins que rien, La Lettre Volée, 1998, pp. 39-40
Bio-bibliographie de Jean-Paul Curnier
[Jean-Pascal Dubost]