Poésie simplifiée, d'Hugo Pernet (par Jean-Pascal Dubost)

Par Florence Trocmé

Un titre en trompe-pensée : en effet, contrairement à ce qu’il indique, voici un livre difficile, qui commence par une difficulté avant même de l’ouvrir, puisque dès l’ouverture il résiste déjà à l’entreprise de lecture, étant qu’il est cerné et fermé par un bandeau vertical extrêmement serré sur lequel est imprimé nom d’auteur et d’éditeur et titre, si bien qu’il faille s’armer de patience avant que de pouvoir retirer ledit bandeau, soit en le coupant, soit en le décollant, soit en le massacrant ; ouverture difficile, donc, pour commencer. Ensuite, les poèmes publiés sous le terme générique de « poésie » sont-ils des poèmes ou des restes de poèmes quand on a tout enlevé d’un premier jet ? D’une très grande pauvreté et platitude sinon d’une très grande rareté lexicale (exemple : « tap tap tap » ou « un courant d’air froid »), ils ont l’évidence, par ce, de vouloir interpeller le lecteur, qui comprendra mieux l’intention en lisant l’avis qui accompagne le livre, où à nouveau : trompe-pensée : « Poésie simplifiée n’est pas le résultat d’une méthode d’écriture ni la réalisation d’un projet littéraire : c’est une tentative de poésie dans un langage qui doit autant à Claude Royet-Journoud qu’à la lecture du dos d’un paquet de céréales. » Ensuite de quoi l’auteur explique qu’il a travaillé par élimination. Il nous revient alors ces propos de Claude Royet-Journoud, puisque Hugo Pernet nous envoie sur sa piste : « Je passe mon temps avec rien et je m'obstine et j'insiste sur ce rien, et donc il y a d'abord ce travail qui est très corporel, qui consiste à écrire une grande quantité de prose sans valeur littéraire. » (in Action Poétique). Hugo Pernet, à l’instar de Claude Royet-Journoud, travaille sur le sens minimal, sinon l’absence de sens, pour faire montre d’un squelette de réel. Mais, la présence de la méthode de travail jointe au livre indique qu’il y a projet : celui de ne pas faire poésie avec les mots, mais avec le geste, celui d’écarter, « par élimination », le possible poétique. Ce qu’il faut lire dans ce livre, ce ne sont pas les mots, mais les absents, le vide blanc configuré par l’espace page qui entoure les restes, où purent être présents quantité de mots, mais qui ne devaient l’être. Il est posé ceci que chaque poème n’est pas un poème ; que le poème est à jamais impossible ? Donc, le lecteur lira des ready made en trompe l’œil de la pensée. Poésie simplifiée pour revendiquer l’anti-poétique, où seul le travail préparatoire importe. Non-poésie difficile à ouvrir, dirions-nous. Après quoi, débrouillez-vous pour remettre le bandeau autour du livre : vous pouvez le jeter : ainsi le livre sera sans nom d’auteur ni d’éditeur ni titre. N’y aurait-il pas tentative de faire de la poésie impersonnelle ? 
  
[Jean-Pascal Dubost] 


Hugo Pernet, Poésie simplifiée, End Editions , non paginé, 12 €