David est acheteur, Claire avocate, Joseph économiste et Antony consultant Web. Ils ont fait des études, exercent une activité qu’ils ont choisi, occupent des postes intéressants… Pourtant, une fois au travail, ils ressentent tous la même gêne : une difficulté latente à se concentrer.
Un très bon article de la journaliste Laure Belot, récemment paru dans Le Monde met le doigt sur un mal qui touche de plus en plus de salariés et qui peut-être vous concerne si vous passez une bonne partie de votre journée les yeux rivés face à un écran.
Le « syndrome de déconcentration », mal du XXIe siècle ?
« J’ai 4 000 e-mails dans ma boîte. Certaines personnes m’en envoient alors qu’elles sont à 5 mètres, déplore David, qui travaille dans l’automobile, « Dès que mon ordinateur est en route, la moindre pensée parasite me fait aller sur Internet. Pourtant je suis passionnée par mon travail », constate Claire. Selon Caroline Datchary, sociologue au CNRS, la dispersion « est de plus en plus présente au travail mais la situation est assez invisible », à ce sujet « Les entreprises sont ambivalentes, poursuit-elle. Un trouble de l’attention est connoté négativement, mais être multitâche est une compétence recherchée. »
Il faut dire que l’innovation technologique ne cesse de bouleverser notre quotidien, la multiplication des chaînes télévisées a déjà habitué notre cerveau au zapping. Internet, les téléphones portables puis les smartphones et les tablettes tactiles, sans oublier Facebook et Twitter nous ont rendus « peu à peu multitâches, surstimulés mais pas si fiers de l’être ». C’est ce qu’affirme Nicholas Carr dans son livre à succès « Google rend-il stupide ? », publié à l’été 2008 et dans lequel il soutient que l’usage du Web limite la capacité de concentration.
Il suffit de prendre connaissance des chiffres de l’Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises (ORSE) pour constater l’ampleur du phénomène : près de six salariés sur dix consacrent deux heures par jour à gérer leurs boîtes mail ; quatre sur dix reçoivent plus de 100 messages par jour ; près de sept sur dix disent vérifier leur messagerie toutes les heures mais le font toutes les cinq minutes ; 64 secondes sont nécessaires pour reprendre le fil de sa pensée après l’interruption par un message. Enfin, sept managers sur dix déclarent souffrir de surcharge informationnelle.
Mais au fait, quelle génération est la plus touchée par ce syndrome de déconcentration ?
Pour les plus de trente ans, qui ne sont pas nés avec une souris à la main mais qui jonglent quotidiennement avec des outils numériques, la gymnastique est couteuse en énergie, écrit la journaliste. En revanche, le psychiatre Roland Jouvent explique que » les jeunes peuvent plus aisément switcher, leur plasticité cérébrale leur permet de passer facilement d’un acte à un autre, en utilisant leurs cinq sens. »
La journaliste note aussi qu’une « bonne santé physique et psychique est donc plus que recommandée pour résister à la dispersion ambiante. Gare à la pression professionnelle ou aux problèmes familiaux, sources supplémentaires de stress qui peuvent faire basculer dans le papillonnage ! Le psychiatre Christophe André juge la situation préoccupante : « Nous possédons de plus en plus de canaux par lesquels des interruptions peuvent arriver. Les périodes de calme, de lenteur et de continuité se fractionnent », constate-t-il.
Alors, y a-t-il des conseils à suivre au quotidien pour mieux faire face à cette situation?
Certains salariés s’isolent ou n’allument pas l’ordinateur pour travailler tranquillement. Romain, ancien dirigeant d’une agence Web, s’est appliqué la méthode de gestion du temps GTD (Getting Things Done), nom du best-seller de l’Américain David Allen. Romain en a même fait son métier. « Je coache des cadres hypersollicités. Certains sont même angoissés si leur portable ne sonne pas. Je les aide à hiérarchiser leurs priorités, et les sportifs s’en sortent mieux », remarque-t-il. Stéphane, dirigeant d’un cabinet de lobbying, lui, a suivi « un stage de pleine conscience, il y a un an. Depuis, je médite vingt minutes chaque jour », explique-t-il. L’exercice l’apaise. « Je suis plus attentif, moins dispersé. Si une pensée parasite arrive, je la laisse venir, puis s’en aller. »
Roland Jouvent, professeur de psychiatrie n’est pas surpris de tels résultats : « La thérapie de la pleine conscience s’appuie sur la philosophie prônée par les bouddhistes. C’est l’anti-double tâche, dit-il. Par nature, les hommes sont soit dans l’anticipation, soit dans la remémoration. Un travers accentué par les nouvelles technologies. Une personne anticipant trop deviendra anxieuse ou au contraire dépressive. » D’où le bénéfice d’une technique apprenant à profiter du moment présent, conclut la journaliste.« La méditation, c’est scientifiquement prouvé, stabilise l’attention, augmente la capacité de concentration et l’habileté à passer d’une tâche à l’autre »,
« Transformez vos attentes en temps de repos : ne lisez pas, ne regardez pas votre portable. Tournez votre attention sur votre souffle, votre corps », explique Christophe André, qui préconise de limiter les interruptions en regroupant coups de téléphone et consultations des e-mails. Enfin, créez-vous des espaces de pause intérieure. « Toutes les heures, asseyez-vous, respirez deux minutes en commençant par une inspiration profonde, qui favorise le ralentissement. »
La lecture de billet touche à sa fin, avez-vous réussi à rester concentré du début jusqu’à la fin ?
De mon côté, je constate avec amusement et résignation qu’au cours de sa rédaction, j’ai relevé 3 fois mes mails (pro bien sûr), répondu à deux appels téléphoniques et pris part à deux conversations avec mes collègues puisque je travaille en openspace. La méditation vous dîtes ?
Pour retrouver l’article de Laure Belot, paru dans Le monde : Concentrez-vous !