Hassan AOURID est une figure importante de l’establishment marocain : docteur en droit public, haut fonctionnaire au ministère des Affaires étrangères, conseiller politique à l’ambassade du Maroc à Washington, enseignant à l’Ecole nationale d’administration et à la faculté des Sciences juridique de Rabat-Souissi, dirigeant du Centre Tarik Ibn Ziad pour les études et la recherche, porte parole du cabinet royal, gouverneur de la région de Meknes-Tafilalet avec son actif le lancement du SIAM et du festival des musiques du désert et enfin historiographe du royaume, son dernier poste officiel.
Cet homme de culture et de pouvoir a grandi au sein du sérail, il a étudié au Collège Royal, il a fréquenté le souverain, alors prince héritier, dont il était le condisciple, il a pu bénéficier de l’amitié royale.
Il est difficile de porter un jugement sur sa carrière, à la fois dense et écléctique mais une certitude est établie : Hassan Aourid est un homme public!
Et il est heureux qu’une telle personnalité décide de se consacrer ou du moins de consacrer une partie de son temps à l’écriture. Le phénomène est relativement rare sous nos cieux pour que l’on s’y arrête et que l’on se penche sur l’oeuvre de Hassan Aourid.
La production de l’ancien gouverneur-historiographe n’est pas à proprement parler de la littérature. Hassan Aourid a déjà publié le résulatat de ses réflexions sur les problèmes du moment : “Miroir brisé de l’Occident” (publié en arabe) et son pendant en français “Occident, est-ce le crépuscule?”.
Son dernier opus, par contre, relève plus de la remise en perspective de l’histoire, par le biais du récit romancé de la vie d’un morisque, victime parmi les centaines de milliers, de la déportation que leur a imposée le roi très catholique d’Espagne Philippe III : il s’agit de “LE MORISQUE” paru en 2010 chez les Editions BOURAGREG Impressions.
Je ne me hasarderai pas à expliquer ce qu’étaient les “morisques” : je crois que Hassan Aourid a eu lui-même beaucoup de difficulté à le faire. Il a eu recours à une citation puisée dans le Don Quichotte de Cerventes pour en présenter une synthèse par le biais du morisque Ricote qui décrit ainsi le sort de sa communauté :
” Où que nous soyons, nous pleurons l’Espagne; car enfin nous y sommes nés, et c’est notre patrie naturelle. Nulle part nous ne trouvons l’accueil que souhaite notre infortune”.
Le roman de Hassan Aourid retrace la vie de Ahmed Chihab Eddine, dit Al Fouqay, à partir de sa propre autobiographie, avec les différentes étapes de sa vie d’exilé éternel en quête perpétuelle d’une terre d’accueil.
De son village d’origine des montagnes de l’Andalousie à Marrakech et sa splendeur sous le règne de Mansour Ad-Dahbi, d’Amsterdam où il alla plaider la cause des morisques à Salé le port d’attache des corsaires qui écumaient la Méditerranée et les côtes atlantiques au nom du jihad contre les mécréants, Hassan Aourid nous fait suivre ls péripéties de Chihab Ed-Dine, jusqu’à sa dernière demeure à Tozeur, en Tunisie où il a choisi de finir sa vie, après le pélirinage à la Mecque.
La lecture du roman est relativement agréable, malgré une pagination plutôt artisanale, une impression imparfaite et quelques fautes d’orthographe dues à un manque flagrant de correcteurs compétents.
Je ne sais s’il s’agit d’une simple impression, mais au delà d’une première lecture factuelle, il plane sur ce roman un sentiment assez désagréable que l’auteur voulait autre chose que ce qui est rapporté.
Les difficultés les plus terribles subies par les morisques nous font penser à d’autres difficultés vécues par d’autres peuples sous d’autres cieux.
Le faste de la cour de Mansour Ad-Dahbi, l’étiquette qui y prévalait, les magouilles qui se tramaient sous ses arcanes, nous rappellent ce qui peut exister dans d’autres cours en d’autres périodes.
Par contre, la partie du roman qui se déroule à Salé rend compte de manière très réaliste de ce qu’a pu être la vie dans cette ville vouée à la mer et à la piraterie, à la période historique évoquée.
Le propos de Hassan Aourid à travers ce roman serait, selon l’avant-propos signé de l’auteur, de “contribuer à faire connaitre à un large public l’histoire des Morisque“. Il a en effet réussi à sauvegarder, comme il le précise dans sa dédicace, “la mémoire des Morisques, ces oubliés de l’Histoire”.
A lire donc, pour le double motif que ce roman aborde un sujet assez peu connu et qu’il est signé d’un personnage public que l’on n’imaginait pas en romancier.