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Vampire, vous avez dit vampire ?

Par Eguillot

Les vampires existent, je les ai rencontrés. Les vampires, c'est moi, c'est vous, c'est nous. A défaut de sucer le sang, nous nous gorgeons d'émotion. Dans les médias, dans les arts, dans les divertissements, dans la vraie vie et la virtuelle, les émotions et sentiments sont notre pâture, notre mets préféré. Je ne devrais pas dire ça, c'est sûr. On pourra me reprocher à juste raison de cracher dans la soupe. Les émotions, c'est une grande partie de mon travail, de mon gagne-pain, de mon business, appelez ça comme vous voudrez. C'est un truisme, bien sûr, mais il me serait impossible de toucher des lecteurs si mes ouvrages étaient aussi désincarnés que le bottin... Le problème, c'est que je ne suis pas le seul à faire ce travail de romancier. Les médias le font. Les hommes politiques s'entourent de conseillers pour leur bâtir un story telling bien poignant. Et finalement, tout le monde vampirise tout le monde. Pas étonnant qu'un livre (et un film) comme Twilight soient dans l'air du sang euh... du temps, pardon. Et avec lui, toute la littérature de type bit lit.

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Il existe évidemment une infinité de registres et de gammes d'émotions, de celle, de type Mc Do, bien grasse et gouleyante que l'on va trouver dans les chiens écrasés à celles beaucoup plus subtiles et raffinées qui nichent dans les recoins de bibliothèques. Mais peut-être importe-t-il, de temps en temps, de s'arrêter et de se poser une ou deux questions. Où va nous mener cette boulimie ? J'ai conscience, en écrivant ces lignes, de la banalité de mon propos, mais je ne suis pas sûr que cela en diminue pour autant la pertinence. Toutes ces émotions factices que l'on se crée ne vont-elles pas, à terme, tuer toute vérité de sentiment en nous ? Réagissons-nous ainsi par défiance envers la montée des technologies, pour nous retrouver en terrain connu ? Et paradoxalement, cette surexposition ne nous transforme-t-elle pas en machine dans notre vie quotidienne, à force de nous blinder contre les images qui nous sont imposées ? Le jeu, faire battre un peu plus vite nos coeurs, en vaut-il toujours la chandelle ? Ceux qui alimentent cette grande machine des passions dans notre société des loisirs, et moi le premier, le savent : si l'effet recherché est celui produit, l'argent est à la clé.

Je ne suis pas sûr que cela puisse me dédouaner, mais en ce qui me concerne, quand j'écris, je ne cherche pas seulement à faire vivre des émotions et des sensations. Je recherche la justesse et le sens. Et, si possible, la justesse de sens. Je me suis demandé en écrivant ce billet si je ne devrais pas me tourner vers l'écriture de polars, qui privilégient les capacités de déduction et de réflexion. Il est possible que je le fasse un jour. Mais je crois malgré tout qu'il est possible d'aller vers la justesse quel que soit le genre littéraire que l'on privilégie - y compris la bit-lit. En conclusion, mon conseil sera des plus banals, mais plus que jamais d'actualité : faites fonctionner vos neurones et votre sens critique. Privilégiez la presse écrite, sur le net, le papier ou les liseuses, celle qui donne à penser plutôt qu'à voir. N'oubliez pas que les hommes politiques s'entourent de conseillers pour se construire une image, et qu'à partir du moment où il y a information, il y a mise en forme et manipulation. Et gardez votre coeur pour les moments propices.


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