Le génocide silencieux des indigènes - Rencontre avec Huru et Ninawa

Publié le 27 octobre 2011 par Angélie Baral @Greenvibes

Génocide: extermination physique, intentionnelle, systématique et programmée d'un groupe ou d'une partie d'un groupe en raison de ses origines ethniques, religieuses ou sociales.


Moment exceptionnel et bouleversant qu'une rencontre avec Haru (ci-contre), leader politique et chef du peuple Kuntanawa et Ninawa (en bas à droite), leader spirituel de la tribu Kaxinawa dans la région de l'Acre, au nord du Brésil. Après s'être vu par le passé interdire de parler leurs langues et pratiquer leurs rituels, voyant leurs forêts rognées et saccagées, ces peuples ont voulu se réapproprier leurs cultures, souhaitant désormais faire reconnaître le savoir indigène, préserver leur identité et acquérir une autonomie – tout en sauvant la forêt et par là même, leur territoire.

Or, plus de 70% du peuple Kashinawa sont morts au contact des blancs et le savoir est désormais dispersé d'une tribu à l'autre. Il devient à présent crucial de collecter les connaissances préservées chez les uns et les autres pour recomposer le tableau complet. Pour y parvenir, Haru a lancé le mouvement "Corredor Pano" (le Pano est la langue d'usage), luttant pour la préservation et la promotion de la culture indigène, qui réunit désormais 13 tribus brésiliennes constituant environ 90% des quelques 20.000 indigènes de la région de l'Acre. L'objectif est d'étendre le mouvement aux 40 000 indigènes brésiliens, péruviens et boliviens, disséminées sur une surface de près de 100 millions d’hectares.

40.000… Soudainement, cela ressemble fort au combat de David contre Goliath… L'Etat du Brésil n'a en effet aucun intérêt à se montrer favorable à leur requête car la forêt représente une manne financière à court terme – les peuples indigènes étant perçus comme des gêneurs freinant leurs aspirations économiques.


Evidemment, les occidentaux que nous sommes pourraient s'imaginer qu'il s'agit de soutenir ces peuples au nom de l'éthique et de la bonne conscience. Ce qui revient à dire que la plupart des gens et des medias s'en foutent. Mais ils ne devraient pas car peu importe les 7500 km qui nous séparent, préserver le territoire et le savoir indigène, c'est aussi nous préserver nous.

Au delà de l'éthique, entre les cycles vitaux de l'air et de l'eau alimentés par les forêts dont nous dépendons et le savoir découlant de la médecine sacrée de ces peuples connaissant mieux que quiconque les propriétés des plantes qui les entourent, nous avons un intérêt direct à nous intéresser à leur sort. Pour rappel, près de la moitié de nos médicaments de synthèse ont une origine naturelle, souvent découverte grâce au partage (ou plutôt usurpation) du savoir indigène.

Et oui, ces hommes à plumes qui semblent si éloignés de notre quotidien sont des encyclopédies vivantes dont nous dépendons étroitement. Mais plus que jamais, ils sont un hymne au respect de la vie et d'autrui. A les observer caresser l'écorce d'un arbre et la terre dans l'environnement aseptisé d'une conférence, assis sur l'herbe rase jouxtant un grand hôtel, le choc est brutal, le décalage est dérangeant, l'absurdité de notre civilisation est aveuglante… Je vous invite à prendre quelques minutes pour les écouter et méditer un instant sur nos priorités dans le monde moderne qui nous entoure…

Ne nous contentons pas d'être profondément bouleversés par l'holocauste ou le massacre rwandais… l'inaction volontaire du Brésil engendre discrètement un génocide silencieux par rognage des territoires indigènes et assimilation forcée. Au fond, nous le savons tous… mais peu en parle et s'en soucie.

C'est pour cela que je tiens à vous présenter le projet d'Haru Kuntanawa, qui va bénéficier de l'appui de l'association Lalanne et Pascal. La suite dans l'article "Sauvegarder le savoir indigène en Amazonie".

Je vous laisse avec la vidéo que j'ai tournée du début de notre échange avec Haru et Ninawa, introduit par un chant. Désolée, ce n'est pas monté comme la vidéo précédente, ça gigote un peu et la traduction est en anglais non sous-titré... mais elle est plus complète que la précédente, introduite par un chant de bénédiction traditionnel (durée: 14 mn). Si une âme charitable est prête à incruster la traduction et remonter la vidéo, emailez moi!


Indigenous rights - Haru Kuntanawa, leader of... par Biodiversite