Résumé: Alors qu’un virus inconnu et mortel cause une épidémie mondiale, le CDC et l’OMS tentent d’enrayer sa progression.
Touche à tout souvent inspiré (à part lorsqu’il se lance dans des œuvres auteurisantes dans lesquelles il se regarde le nombril, Steven Sorderbergh est un des rares réalisateurs en activité à s’être essayé à quasiment tous les genres cinématographiques. Avec Contagion, il se lance sur les traces de Wolfgang Petersen qui, plus de quinze ans avant lui avait déjà abordé le sujet de la menace virale inconnue, dans le sympathique Alerte ! Mais là où le réalisateur teuton proposait avant tout un spectacle hollywoodien carré et efficace, Sorderbergh tente une approche plus réaliste.
Contagion est donc filmé en DV, de façon quasi documentaire (ce qui veut dire avec des images grisâtres assez moches) et décrit la progression de l’épidémie et les efforts pour contrer celle-ci de la façon la plus clinique possible : panneaux annonçant depuis combien de temps l’épidémie a commencé, ainsi que la population des villes concernées, musique assez discrète, refus du spectaculaire. Un minimalisme plutôt louable, si ce n’était que celui-ci est contrebalancé par un casting quasi exclusivement composé d’acteurs internationaux en vue : Matt Damon, Laurence Fishburne, Kate Winslet, Gwyneth Paltrow, Jude Law, Elliot Gould, et même notre Marion Cotillard nationale tiennent les rôles principaux. Non pas que leurs prestations soient mauvaises, bien au contraire, mais ce trop-plein de stars ruine quelque peu la crédibilité du style documentaire du film. Contagion a du coup souvent le cul entre deux chaises, tentant de paraître réaliste, mais n’osant pas non plus aller trop loin. Si on excepte Kate Winslet et Gwyneth Paltrow qui sont très rapidement éliminées, on a l’impression que tous les autres acteurs sont immunisés contre les dangers qu’ils pourraient affronter : le personnage de Matt Damon a non seulement la chance d’être immunisé contre le virus, mais en plus il arrive à protéger sa fille de celui-ci jusqu’au bout, et à être témoin des émeutes et autres débordements de violence sans en être victime. On appelle ça « avoir le cul bordé de nouilles », même si le pauvre gars a tout de même perdu sa femme (mais de toute façon elle le trompait) et son fils adoptif (pas grave, c’était pas son fils biologique) dans l’affaire. Du coup, passé la moitié du film, le suspense retombe quelque peu, même si on suit le tout sans déplaisir.
Pour autant, Contagion n’est pas un film désagréable à visionner. Soderbergh a suffisamment de bouteille pour emballer un spectacle efficace, voire même passionnant dans sa première moitié lorsque les chercheurs tentent de remonter à l’origine de l’épidémie (piste malheureusement abandonnée un peu bêtement par un rebondissement ridicule). Soderbergh appuie aussi sur les bons boutons, entretenant la paranoïa du spectateur (voir tous les plans montrant les mains des personnages contaminant leur environnement) et questionnant avec une certaine perspicacité les décisions des autorités (même s’il tire à boulets rouges de façon assez caricaturale sur internet, présenté comme un repaire de menteurs avides et conspirationistes). Il tire aussi le meilleur de son casting prestigieux, Matt Damon et Laurence Fishburne en tête, suivis de très près par une Kate Winslet comme toujours excellente, malgré son rôle assez bref. Et si le suspense ne prend pas toujours, l’émotion est par contre bien présente lors des scènes intimistes : la mort de Kate Winslet, l’incompréhension de Matt Damon à l’annonce de la mort de sa femme, la relation d’amitié entre Laurence Fishburne et le concierge du CDC, le bal de promo intime organisé par Matt Damon pour sa fille… Ce sont véritablement ces moments qui apportent au film tout son intérêt et son âme et sauvent celui-ci de son semi-naufrage.
Contagion est au final un film assez efficace, mais malheureusement un peu trop timoré dans son approche des conséquences d’une épidémie mondiale pour pleinement convaincre. A choisir, on lui préférera sur ce thème l’excellent Infectés des frères Pastor, qui lui faisait réellement froid dans le dos, ou alors Le Mystère Andromède de Robert Wise pour la présentation crédible du fonctionnement d’un labo de recherche.
Note: 6/10
USA, 2011
Réalisation : Steven Soderbergh
Scénario : Scott Z. Burns
Avec: Matt Damon, Laurence Fishburne, Kate Winslet, Marion Cotillard, Gwyneth Paltrow, Jude Law, Elliot Gould