L’exposition de Pilar Albarracin à la Maison Rouge, jusqu’au 18 Mai, explore tous les clichés du machisme ibérique de manière excessive et grandiloquente, attaquant de manière outrancière tous les a-prioris, folkloriques, féministes et culturels. Elle cuisine une omelette en se dénudant à coups de ciseaux dans sa robe (‘Tortilla a la española’); vêtue d’une robe andalouse, elle danse obscènement avec une outre remplie de vin, trébuchant dans son ivresse de ménade (‘La Cabra’).
Sous un signe franquiste ‘Prohibido el cante’, elle psalmodie sans paroles un chant flamenco tout en onomatopées, en glossolalies, pour, en final, se poignarder le sein, d’où jaillit un flot de vin rouge. Ses performances font d’elle la fille de Garcia Lorca et de Kaprow. Avec ironie, son corps est mis en oeuvre, non pas de manière militante comme chez Orlan ou Gina Pane, mais en acceptant et internalisant les stéréotypes éternels de sa culture, un peu comme chez Marina Abramovic.
Dans ‘Lunares‘, sa robe immaculée se constelle de taches de (vrai) sang, qu’elle se fait au moyen d’une fine aiguille, pendant que l’orchestre joue : sacrifice, douleur, virginité, linceul du Christ, toutes ces références remontent à la surface pendant qu’imperturbable, elle se puncture. Le dais de robes multicolores suspendus au plafond comme des ex-votos (‘Techo de ofrendas’) enchante et apaise. C’est une merveilleuse sculpture animée, qu’on ne se lasse pas de contempler, sous les jupes des filles. Le jour où je visitais l’exposition, rares étaient les visiteuses féminines qui appréciaient, la plupart étaient outrées. C’est certainement là une approche du féminisme un peu différente de ce à quoi nous sommes habitués (on est,par exemple, aux antipodes de la retenue froide d’une Agnès Thurnauer). Pilar Albarracin nous parle plutôt de soumission et de bravade, de culture et d’émancipation, avec une ironie décapante qu’on rencontre rarement.La dernière photo est de Marc Domage; l’avant-dernière est de l’auteur. Toutes © Pilar Albarracin.