Même les médecins, même très expérimentés, ont des difficultés à évaluer si oui ou non une personne est à risque imminent de suicide. Cette étude souligne les difficultés que rencontrent aussi les amis et la famille de personnes suicidaires à déterminer si un proche est en danger et à prendre les décisions urgentes qui s'imposent. Ses conclusions publiées dans l'édition du 19 octobre du British Medical Journal, plaident pour une meilleure sensibilisation et formation du public à la prévention du suicide, mais reste encore à trouver comment faire passer l'information.
Cette recherche menée par le Dr Christabel Owens du Peninsula College of Medicine and Dentistry a porté sur 14 suicides commis par des personnes âgées de 18 à 34 ans, à Londres et dans le Pays de Galles, alors qu'aucune ne recevait des soins spécialisés en santé mentale. Ils ont demandé aux parents et amis des défunts ce qu'ils avaient pu observer et ressentir dans la période précédant et menant au suicide et comment ils avaient pu interpréter ce qu'ils avaient vu. En tout, 31 proches (parents, partenaires, frères, sœurs, amis et collègues) ont accepté de prendre part à cette étude.
Les conclusions de cette recherche démontrent que les proches et les amis n'ont pas toujours reçu des signaux d'avertissement clairs et sans ambiguïté venant de la personne suicidaire, et que, même lorsqu'il semblait évident que « la personne allait très mal », ces proches n'ont pas toujours eu la force de prendre des mesures.
Toute cette situation est chargée d'émotion ce qui affecte la façon dont les proches réagissent: Les membres de la famille et les amis des personnes à idées suicidaires sont confrontés à de puissants blocages émotionnels, précisent les auteurs, et notamment la peur. Peur de l'intrusion dans la vie affective d'une autre personne, peur d'abîmer une relation privilégiée en «disant la mauvaise chose».
Pas de signaux clairs, même pour les médecins les plus expérimentés: Contrairement à l'infarctus avec des campagnes nationales de sensibilisation construites autour de signaux très évidents, cette étude souligne que pour le suicide, les signaux ne sont pas clairs, en dépit de la littérature scientifique qui parfois suggère que des signes d'avertissement existent. Le Dr.Owens ajoute: «Même des médecins avec une longue formation et de l'expérience ont des difficultés à évaluer si oui ou non une personne est à risque imminent de suicide ».
Les membres de la famille et les amis se retrouvent en territoire inconnu, sans formation et avec peu d'information publique pour les guider. Ils peuvent sentir ou savoir qu'un parent ou un ami est troublé, mais n'ont aucune idée que le suicide est une possibilité. La personne peut donner des indices souvent indirects mais il est difficile pour les autres de savoir comment prendre au sérieux ces messages et comment y répondre.
Lorsque la douleur émotionnelle ou psychologique est là, indique l'étude, les personnes suicidaires ne recherchent pas facilement un soutien médical. Pour une personne submergée et suicidaire, consulter un médecin, confesser ses sentiments nécessite un courage immense et est souvent le dernier recours. Le Dr Owens raconte: «Au cours de nos recherches, nous avons plusieurs fois rencontré des cas ayant reçu une évaluation rapide des risques puis renvoyés chez eux avec peu ou pas de soutien, puis qui se sont suicidés.
Face aux défis auxquels font face la famille et les amis, les auteurs ont développé des partenariats avec des organismes officiels et bénévoles pour développer des solutions de détection. Il existe des formations en prévention du suicide, mais non encore adaptées au public qui reste, en plus à identifier. « Nous devons travailler sur les messages clés à faire passer mais aussi sur la manière de les livrer aux proches des personnes à risque de suicide ».
Source: BMJ 2011; 343:d5680 (Published 18 October 2011) “Giving support to a suicidal person” (Visuel © Peter Atkins - Fotolia.com)
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