30 ans de carrière, 16 albums studio derrière lui, que peut-il encore nous proposer de nouveau après tout ce temps ? C’est la question que l’on est en droit de se poser face à cette 17ème livraison qui fait suite à son triple album Orphans aussi ambitieux que réussi. On ne présente plus ce personnage atypique, lui et sa gueule cassée, ses allures de vagabond qui aurait parcouru l’Amérique poussiéreuse de long en large, et surtout, cette voix. Elle est rauque, elle vient des tripes, elle est nourrie à l’alcool fort et bon marché que son pays peut lui offrir.
A 61 ans, son chant n’a pas perdu de sa force et on peut en dire autant pour sa musique. Après toutes ces années, elle est toujours aussi indisciplinée et avinée. Elle titube et nous fait parfois croire que l’on est tombé en plein milieu d’une foire aux monstres ou d’un vieux cabaret situé au fond d’une ruelle fumante et glauque de la ville. La musique de Tom Waits est un univers visuel qui échappe encore aujourd’hui aux codes de la musique. Les affiliations sont toujours aussi difficiles avec lui. Seul dans sa bulle, il arrive encore à éviter les comparaisons foireuses. Sa musique, il la tire des prémices du rock’n’roll (Get Lost), du folk américain (Back In The Crowd), du blues (Satisfied) ou encore du jazz (Chicago), mais elle est suffisamment tordue pour que les modèles ne soient jamais identifiés. Bref, Tom Waits est un artiste inclassable, unique et donc forcément rare.
D’autant plus rare que Tom Waits, malgré une production discographique étoffée, reste un des seuls songwriter légendaire (pour ne pas dire vieux) à réussir à nous impressionner par la qualité de ses compositions. Bad As Me ne déroge pas à la règle. Moins risqué que certains de ses précédents disques, Tom Waits ne s’écarte jamais du chemin pour mieux nous livrer un album en forme de témoignage de son travail passé. C’est un survivant, le dernier de son espèce comme en témoigne le vibrant Last Leaf (« I’m the last leaf on the tree/The autumn took the rest/But they won’t take me »)
Au-delà de sa musique qui oscille entre mélodies possédées assemblé on ne sait comment par des instruments faits de bric et de broc et ballades aux allures de standards Américain, Tom Waits s’amuse toujours à s’habiller dans la peau de personnages déficients. On passe du soldat brisé revenu d’Irak à l’amoureux déçu, quand ce n’est pas dans son propre rôle qu’il observe le monde qui l’entoure. Encore une fois, l’artiste démontre qu’il est un grand parolier, fasciné par ces personnes incapable de s’adapter à notre société, il dresse le portrait de ces gens sortis tout droit d’un roman de Steinbeck en mêlant humour cruel et désespoir avec les Etats Unis pour toile de fond.
30 ans de carrière et ce clochard céleste continue de fasciner les foules. Loin d’être une révolution, Bad As Me est juste un disque de plus qui vient se rajouter à une discographie irréprochable. Tant d’années sont passées et pourtant, il continue d’émerveiller l’auditeur avec sa musique de foire au service des beautiful loser perdus dans une Amérique qui l’est tout autant.
En écoute aujourd'hui, Hell Broke Luce, un titre nerveux où l'on entend un Tom Waits enragé et engagé, soutenu par la guitare de Keith Richards et la basse de Flea.
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Couci-couça :
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Contre :
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