Iguazu, Argentine, août 2006
Etrange, cette affaire Yann Arthus-Bertrand. Le photographe est retenu dans son hôtel à Puerto Iguazu, au nord-est de l'Argentine, accusé par la justice locale d'avoir oublié de payer les services de l'agence de voyages. Une plainte qui intervient alors qu'il venait d'effectuer un reportage sur un barrage très controversé, et dont les autorités voudraient masquer les impacts.
Je connais la région d'Iguazu, je la sais très fragile : c'est l'un des derniers lambeaux de la forêt primaire atlantique, un écosystème détruit à plus de 80 % du côté du Brésil et à 95 % au Paraguay (la zone est frontalière avec ces deux pays) selon l'UICN. On y accède, côté Argentine, par un territoire presque entièrement déboisé, replanté à perte de vue de pins cultivés pour l'industrie du meuble (coucou Ikea). Des barrages en amont ont aussi drastiquement dérégulé le débit des chutes, au point de décevoir les touristes qui viennent ici contempler ce qui fut il n'y a pas si longtemps le plus grand site de cataractes du monde. L'eau est devenue un enjeu géopolitique et économique énorme. L'immense retenue d'Yacireta, en aval d'Iguazu, est celle que Yann Arthus-Bertrand souhaitait traiter dans un reportage consacré aux grands fleuves. C'est en cherchant à soulever les problèmes sociaux et de corruption liés à la construction de ce barrage qu'il aurait été arrêté.
Au-delà des griefs bizarres retenus contre Yann Arthus-Bertrand et son équipe, et en souhaitant personnellement sa libération au plus vite, je reste estomaqué par les réactions de certains lecteurs sur les sites des quoitidiens français qui relatent l'affaire. Je garde beaucoup d'admiration pour les personnes qui réussissent à sensibiliser le plus grand nombre aux urgences de la planète. Peu importe qu'elles le fassent en utilisant un hélicoptère ou adossées à une chaîne télé de m... tant qu'elles touchent leurs cibles : il y a des fins qui justifient encore certains moyens, non?