Quelques visites récentes.
Le travail d’Isabelle Le Minh (galerie Christophe Gaillard jusqu’au 19 novembre) questionne avec humour le regard sur le travail d’un artiste : imprimante crachant un interminable listing de banalités ‘café du commerce’ sur l’artiste qui a fait…, encyclopédie de photographies d’artistes prenant la pose devant l’objectif (‘This is the artist’), qu’on joue à reconnaître et à moquer, recettes sur comment devenir un meilleur artiste. C’est à la fois ludique et caustique.
L’exposition Pearls of the North (terminée) au Conseil Economique et Social, regroupement d’artistes plus ou moins liés au Benelux (Farah Atassi n’a fait que naître en Belgique, mais bon…), était surtout l’occasion d’admirer l’architecture des lieux, due à Auguste Perret ; rares étaient les œuvres (proposées par des galeries) qui stoppaient le visiteur, même s’il y avait quelques grands noms (Broothaers, Jan Fabre, Kees Visser) un peu perdus dans la masse. J’ai toutefois aimé cette sculpture-écriture du Luxembourgeois The Plug (qui, je crois, vient du street art), composition tissée de néons extrêmement fins dessinant la ligne de vie de la paume d’un toxicomane avec qui l’artiste a travaillé : c’est fragile, instable et chargé d’un espoir ténu. Une longue ligne de vie protège-t-elle d’une overdose ? Le fin tube de néon est-il résistant aux chocs ? (Fate will tears us apart- Daniel : meilleure photo d'une oeuvre similaire sur son site).
L’exposition de Claude Lévêque chez Kamel Mennour ('Basse Tension', jusqu’au 26 novembre) est, une fois de plus, une occupation magique de l’espace de la part de cet artiste si adepte à transformer un lieu avec trois fois rien. La première salle est plongée dans la pénombre ; le visiteur un peu grand doit se baisser pour passer sous une forêt de chauves-souris noires, lambeaux de parapluie agités par des ventilateurs au milieu de grincements lugubres. La seconde salle baigne dans la lumière noire de trente-six ‘chandelles’ suspendues au dessus d’un bat-flanc de bois où un drap blanc luminescent parle de cauchemars ou de noces (Wagon).
La troisième oblige à se coller au mur, contraint par des barrières de métal pour bétail (ou pour check-point, là d’où j’écris) qui entourent et protègent un tutu de danseuse : l’ange de beauté est parti, ne laissant qu’une dépouille ; la musique grinçante du Lac des Cygnes est interrompue par des rires gras et violents. Les corps sont absents, danseuse évanouie, amants disparus, dormeurs escamotés. Le réel a basculé, le visiteur, voûté, écrasé, retranché, désorienté, bousculé, est écartelé entre violence et douceur, entre tragique et beauté ; il ne peut plus simplement regarder, il doit ‘entrer’, faire un pas en avant métaphorique. Musiques et lumières créent un climat, un rêve éveillé et amer, un trouble à la fois inquiétant et agréable. Claude Lévêque est un des rares artistes qui sache toujours ou presque créer cette magie.
Photo Le Minh courtoisie de la galerie Christophe Gaillard; photo The Plug de l'auteur; photo 1 Lévêque courtoisie galerie Kamel Mennour, par Fabrice Seixas; photo 2 Lévêque courtoisie de l'artiste, par Côme Duwa. Claude Lévêque étant représenté par l'ADAGP, les photos de ses installations seront ôtées du blog à la fin de l'exposition.