L’âne et l’éléphant, par French Fry….en direct de la cérémonie des Oscars.
Pour la quatrième fois consécutive, Ralf Nader se porte candidat à la présidence des Etats-Unis, en indépendant. Cette fois encore, il a récolté les fonds nécessaires. La loi autorise n’importe quel citoyen américain à se présenter. Les candidats spontanés peuvent se déclarer jusqu’au mois de mai.
Nader défend bravement les consommateurs américains, depuis 40 ans. Plus politiquement correct, il est une sorte de Bové US. Ses idées radicales font entrer en campagne des positions en rupture avec l’american way of life : protection de l’environnement, décroissance, alternative de développement, lutte contre le pouvoir des grosses entreprises, le capitalisme sans limite… Il a appelé à la destitution du Président Bush pour ses mensonges sur la guerre en Irak.Récemment, il apostrophait les citoyens américains depuis un bateau en Alaska, pour prendre bien sûr la défense de la planète.
Comme à chaque élection, il va récupérer les voix de marge à la gauche de la gauche démocrate. Par cette participation, désormais traditionnelle, comme une « objection des consciences », Nader « participe à ce qui se passe, pour tenter de construire une Amérique meilleure ». Il se dit ambassadeur des “petites gens et du vrai peuple”. Réaction immédiate, et finement fair play, d’Obama : “C’est un acte héroïque pour Nader de faire cela”, tandis qu’Hillary ironise : “C’est son quatrième essai en 40 ans. Il n a jamais réussi et, en ce moment, cela n’aide vraiment personne”. Elle a le mérite de dire tout haut ce que les autres candidats pensent tout bas… Et fait référence aux élections de 2004, après lesquelles on a reproché à Ralfle Vert (leader du Green Party en 2004) d’avoir privé le candidat Kerry des quelques voix démocrates qui auraient fait la différence contre Georges W Bush. L’autre particularité de Nader c’est qu’il « détrône » McCain, lui ôtant sa médaille du vétéran : à 74 ans, il est le candidat le plus âgé de cette élection. Bref, dans cette campagne, Nader vient secouer un peu le cocotier, et remettre sur le tapis quelques tristes topiques qui ne manqueront pas de gêner ses adversaires. Ce que l’on peut se demander c’est à qui profite le crime : une entrée tardive en lice, un financement miraculeux… Ralf le justicier a-t-il un commanditaire ?
Pendant ce temps-là, Mrs H fait feu de tout bois : Après les accusations de dérobade, le » plagiat », le « shame on you » genre scène de colère à détrôner notre Marion Cotillard nationale, elle se lance maintenant dans le « stand up comedy » : lors d’un meeting dans le Rhode Island,Hillary a livré une imitation assez drôle de son adversaire. ” Let’s just get everybody together, let’s get unified, the sky will open, the light will come down, celestial choirs will be singing, and everyone will know we should do the right thing, and the world will be perfect,”. Elle singe le côté « prophète » de l’élégant Mister Smile et sa similitude avec ML King ou tout autre prédicateur aux accents gospeliens… Ce qui ne sera pas sans agacer la communauté afro-américaine, toujours un peu susceptible. Derrière l’anecdote, la scène trahit l’inquiétude et la fébrilité de la dame. Face à cela, Mister O reste imperturbable et assène ses piques, relève les contradictions du couple Clinton, etc. avec un calme olympien. Il a un « coup d’avance » ce qui lui permet de lancer les sujets, de l’emmener sur son terrain. Le sujet NAFTA est d’ailleurs bien choisi pour une campagne dans l’état de l’Ohio, victime de délocalisation au profit du Mexique. O rappelle sans relâche que les Clinton avaient soutenu la signature des accords qui ont « ouvert » les frontières de cette fuite industrielle. Il en profite pour préciser que Mrs H a changé de position sur le sujet le jour où elle a décidé d’être candidate. Gageons que le débat prévu mardi soir à Cleveland va être moins propre que celui qui s’est déroulé dans le Texas jeudi dernier. L’issue de ce dernier avait d’ailleurs fait couler l’encre. La phrase de conclusion que Lady H avait habillement arraché à la toute fin de la rencontre a été interprétée de façon assez inattendue par le public et les commentateurs comme un discours d’adieu. Notre Hillary a ensuite passé le reste de sa semaine à tenter de faire comprendre qu’elle était toujours dans la course… Et coup de théâtre ! Après quelques recherches, de mauvais esprits ont noté qu’elle avait volé la formule à John Edwards (discours du 13 décembre dernier en Caroline du Nord)… Tel est pris qui croyait prendre.
Dans cette atmosphère confuse et d’assez mauvais goût (les infidélités de McCain, les chicaneries d’Hillary, le « c’est celui qui dit qui y’est »…), Barack gagne en stature. Dans cet « entre deux » de la campagne, un peu enlisé entre les dernières primaires, les candidats et les électeurs fatiguent et les arguments volent bas. On a même accusé Obama de ne pas avoir mis la main sur le cœur pendant l’hymne national… Les barackophiles quant à eux deviennent carrément idolâtres à mesure que leur leader prend des allures que nous qualifierions de « gaulliennes » et qui outre-atlantique évoquent à la fois Kennedy et Martin Luther King. 40 ans après l’assassinat de Bob deux mois avant celui du révérend, au printemps 1968, une certaine superstition s’empare même des esprits.
A l’heure où j’écris cette note le débat entre H et O n’a pas eu lieu. Il ne manquera pas, Mardi soir à Cleveland, de faire sortir du bois nos deux ânes et de révéler des failles, une semaine avant les primaires du 4 mars qui seront décisives.