[Spiritualités & Traditions] Arts martiaux : NINJUTSU – Masaaki hatsumi – Histoire et légendes

Publié le 25 octobre 2011 par Yes

Le début d’une histoire

Toratsugu

Le souhait : À la recherche du Ninpô

L’actuel Sôke (maître héritier) de nos écoles (Ryû) se prénomme Hatsumi Masaaki. Traditionnellement & respectueusement, nous l’appelons Hatsumi Senseï (senseï se traduit par professeur « celui qui est né avant » ; « celui qui détient le savoir et qui le transmet »). Pour le cas de Hatsumi Sôke on pourrait utiliser un superlatif qui est Ô senseï/sôke ou Daï senseï/sôke, un titre résevé exclusivement au très grand maître.

Maître Hatsumi est né le 2 décembre 1931 à Noda, petite ville située à environ 30 km de Tokyo, capitale du Japon. Très jeune, il découvrit les budo et s’y intéressa.

Un souvenir parmi des millions de son enfance qu’il ne put oublié : complètement seul avec son rêve à la campagne, il regarda les montagnes autour de lui et jura un voeu. Celui d’être assidu et endurant, rigoureux et persévérant dans l’étude et l’apprentissage de l’art du shinobi si un maître ninja voulait bien de lui.

Bien entendu, les échos répéta ce voeu, et le vent souffla sur son visage..

Hatsumi Senseï grandit et fit ses études à l’université de Meiji. Il y étudia notamment le théâtre, mais il s’initia également au français, et pratiqua le football (il souhaitait avoir un meilleur jeu de jambes pour les arts martiaux). Il se dirigea finalement vers des études de Chiropraxie et l’Ostéopathie (soins par massages, manipulation des vertèbres). Entre-temps, il étudia les arts martiaux modernes et  atteignit un haut niveau dans ceux-ci : 4ème Dan de Judo, 6ème Dan de Shito Ryû Karate-do, Shihan d’Aïkijutsu.. Mais il ne trouva pas ce qu’il recherchait, il n’était  pas entièrement satisfait par ceux-ci. Un jour, il donna un cours de judo dans la base américaine de Yokota au Japon, il fut contré et mis au sol par un débutant occidental qui utilisait sa grande force et sa carrure pour se jouer de lui. Hatsumi Sensei fut très choqué par cette expérience mais il finit par penser qu’il devait bien exister une méthode de combat où la force et la taille ne domine pas sur la technique et l’expérience. Il se mit alors à chercher un professeur d’arts martiaux anciens (Bujutsu).

C’est ainsi que maître Hatsumi étudia avec Ueno Senseï les Bujutsu traditionnels (les 18 arts de la guerre ont fait la renommé des célèbres samuraïs), et s’initia à divers styles d’arts martiaux anciens (Asayama Ichiden Ryû, Hontai Takagi Yôshin Ryû, Bokuden Ryû..). En ce temps, Hatsumi senseï payait très cher pour apprendre et étudier ces arts anciens (300 000 Yens par mois, soit environ 15 000 F/2285 € / mois). En seulement 3 années, Hatsumi Senseï avait fait le tour des techniques proposées par Ueno Senseï, et ce dernier l’envoya étudier directement auprès de son professeur, Toshitsugu Takamatsu.

Maître Takamatsu était un maître discret mais très compétent. Il enseignait de multiples écoles anciennes (ou styles) dont il avait hérité le titre de Sôke (successeur). Lorsqu’il accueillit Maître Hatsumi, il lui écrivit un poème:

« À l’époque de l’ère Tenei, il y avait un grand maître de Koppôjutsu. Il était calme et paisible comme les fleurs du printemps.

Cependant, il était si brave que même 10 000 adversaires ne pouvaient lui inspirer de la peur. Il pouvait même terrasser un animal sauvage avec un simple coup… »

Le shi-teï, le début d’une complicité

Maître Takamatsu, alors âgé d’environ 70 ans demanda au jeune Hatsumi (26 ans) de lui présenter son expérience dans les arts martiaux. Après avoir écouté le récit du jeune homme, Takamatsu Senseï lui proposa de tester son niveau en pratique, pour cela le jeune Hatsumi devait attaquer, frapper, ou projeter le vieux maître. Hatsumi Senseï s’exécuta alors, sans oser utiliser toute sa force. Il fut aussitôt renvoyé au sol. Très fier, il se remit alors sur ses pieds et attaqua avec plus de force. Il fut repoussé avec la même facilité par le vieux maître qui le frappait partout avec précision. Hatsumi Senseï attaqua alors de toutes ses forces en empoignant le vieil homme. Une seconde plus tard, il se retrouvait projeté au sol sur sa tête et complètement grogi.

Maître Takamatsu aida le jeune homme à reprendre conscience et lui demanda s’il serait capable de tout mettre en œuvre pour accomplir son vœu. Le jeune Hatsumi accepta avec plaisir et enthousiasme. À ce moment précis, Hatsumi Senseï eut l’impression d’entendre enfin la voix de mère Nature qui lui répondait

Maître Hatsumi devint donc l’élève de Takamatsu Senseï, une grande complicité et un profond respect allait rapprocher les 2 hommes. Pour venir étudier avec Takamatsu Senseï, Hatsumi Masaaki devait prendre le train pendant plus de douze heures pour relier Nodashi à Kashiwabara. Ce trajet, il le fit chaque fin de semaine et s’en alla pour le lundi matin travailler, et cela pendant 15 ans.

L’entraînement de Takamatsu Senseï était très dur et Hatsumi Senseï se souvient qu’il était souvent marqué par les coups du vieux maître. À cette époque, il n’avouait rien à son professeur car celui-ci regrettait alors vivement son geste et se faisait du souci pour son jeune apprenti. Pendant la semaine, Takamatsu écrivait souvent au jeune Hatsumi pour lui donner un complément d’information, décrire des points importants, ou parler simplement de philosophie, des anciennes traditions etc.

Au cours de ces années d’entraînement, Hatsumi Senseï s’entraîna à de multiples techniques créées et utilisées par les anciens Bushi et Ninja. Il rencontra quelques autres élèves du maître notamment Akimoto Senseï (qui mourut peu de temps après). Bien qu’il ait eu de nombreux élèves, Takamatsu Senseï ne leur avait transmis que certaines spécialités propres aux Bushi (Samuraï). Il décida de former Hatsumi Senseï à toutes ces techniques mais surtout d’en faire son héritier pour les arts et techniques utilisées par les Ninja.

Voici quelques faits anecdotiques vécues par maître Hatsumi pendant cette période d’entraînement :

– Alors qu’ Hatsumi Sensei étudiait avec son vieux maître, un célèbre maître de Karaté-dô (10ème Dan) rendit  visite à Takamatsu Senseï. Il voulait avoir les conseils du vieux maître pour réussir une tournée qu’il devait faire en occident afin de faire connaître son art. Takamatsu Senseï sentit une certaine arrogance chez le maître et le trouvait un peu prétentieux malgré sa démarche. Il proposa alors au maître de Karate-dô d’effectuer un combat souple face à son jeune élève. Le maître, un peu irrité qu’on lui oppose un aussi jeune homme pour adversaire, accepta pour prouver ses compétences. Hatsumi Senseï ne fit qu’une bouchée de lui et le maître repartit plus tard en ayant compris qu’il était trop sûr de lui. Sa tournée mondiale remporta ensuite un vif succès !!!

– Alors qu’il logeait chez lui, Hatsumi Senseï fut invité par maître Takamatsu à le suivre alors que le soir tombait sur la campagne. Sans dire un mot, Takamatsu Senseï le conduisit jusqu’à une colline, et là, il sortit le sabre qu’il avait apporté avec lui. Il demanda au jeune Hatsumi de se concentrer et d’attraper la lame avec ses mains nues alors que lui l’attaquerait. Maître Hatsumi s’exécuta et percevant un éclair dans la pénombre, il s’élança pour saisir la lame. La lame fut arrêtée à temps et Takamatsu Senseï offrit ensuite le sabre à son jeune élève.

– Alors qu’il entraînait maître Hatsumi, Takamatsu sensei lui demanda un jour d’aller s’asseoir dans une pièce isolée, de fermer les yeux et de ne plus penser. Hatsumi Senseï obéit et commença à méditer calmement, il entendit Takamatsu Senseï sortir de la pièce et refermer le Shoji (porte fenêtre en bois et papier). Au bout de quelques minutes et alors qu’il ne se passait rien, Hatsumi Senseï plongea soudain sa tête à l’avant puis plongea en roulade de côté. Il ouvrit alors les yeux et constata que maître Takamatsu était entré sans bruit dans la pièce et l’avait attaqué par deux fois avec un sabre tranchant. Takamatsu Senseï semblait satisfait de la réaction de son jeune élève…

Le véritable prénom de naissance de Hatsumi était « Yoshiaki » mais les légendes disent que les personnes qui portent auront de grand malheur. C’est pourquoi Takamatsu Senseï demanda à Hatsumi de changer son prénom. Il choisit « Masaaki » (Masa est une autre lecture possible de l’idéogramme Yoshi). Plus tard, il reçut divers surnoms, dont celui de Toratsugu (le tigre qui bondit), Testsuzan (montagne de fer), Hisamune (jeu de mot pour Sôke par Takamatsu).

De nombreuses années passèrent, et Takamatsu Senseï décida de léguer officiellement son savoir à son jeune élève. Il lui donna de multiples documents (Denshô, Makimono..) et le nomma 34e Sôke des 9 écoles qu’il lui avait enseignées :

34 ème Sôke de l’école Togakure Ryû (Ninjutsu)

14 ème Sôke de l’école Kumogakure Ryû (Ninjutsu)

21 ème Sôke de l’école Gyokushin Ryû (Ninjutsu)

18 ème Sôke de l’école Kotô Ryû (Koppôjutsu)

28 ème Sôke de l’école Gyokko Ryû (Kosshijutsu)

15 ème Sôke de l’école Gikan Ryû (Koppôjutsu)

26 ème Sôke de l’école Shinden Fudô Ryû (Dakentaijutsu)

28 ème Sôke de l’école Kukishinden Ryû (Happô Hikenjutsu)

17 ème Sôke de l’école Takagi Yôshin Ryû (Jûtaijutsu)

Comme il l’avait pressenti, Takamatsu Senseï s’éteignit paisiblement le 2 avril 1972, il avait 83 ans. Hatsumi Senseï fut son seul élève présent à l’enterrement et reste à ce jour son principal héritier pour les arts martiaux.

Depuis sa nomination comme héritier, Hatsumi Senseï n’a cessé de promouvoir les anciens arts martiaux dont il est désormais le gardien. Il effectua de nombreuses démonstrations devant les autorités japonaises (il eut l’occasion et privilège de lire et commenter un texte de stratégie devant le Prince et les hauts dignitaires de l’armée en 1961), il passa à de nombreuses reprises à la télévision, principal sujet dans d’innombrable chroniques (journaux et magazines) et possède même une colonne libre dans un journal local (journal qui publie toujours ses articles).

Il fut contacté par de nombreuses équipes de Cinéma et participa à la direction technique de nombreux films (Shinobi No Mono, James Bond 007 au Japon etc).

Il fut le conseiller en combat et en manipulation des armes de la fédération japonaise de Théâtre Kabuki.

C’est vers la fin des années 60 que les premiers élèves occidentaux furent acceptés pour la première fois dans ses cours. On trouve parmi eux des gens connus comme Don Draeger, et bien d’autres… Un israélien qui allait apporter le Ninjutsu en Occident fut accepté comme élève, il s’agit de Doron Avon. Ce dernier pratique toujours et reste le Sempaï (plus ancien) de tous les occidentaux. Quelques années plus tard (vers 1974), un américain du nom de Stephen K. Hayes, allait également devenir l’élève du maître et faire connaître le Ninjutsu aux U.S.A et dans le monde entier par ses ouvrages…

C’est dans les années 80 que maître Hatsumi connut le plus de succès, due au phénomène médiatique des « Ninja » lancé aux Etats-Unis puis dans le monde. De nombreux occidentaux vinrent apprendre pour ouvrir leur école aussitôt. Maître Hatsumi qui constatait le désintéressement des nippons, se dit alors qu’une renaissance était possible grâce à la curiosité de l’occident. Il avait raison car de très nombreux professeurs voulurent ouvrir leur Dôjô de Nin-jutsu.

Maître Hatsumi qui vivait toujours simplement des soins qu’il prodiguait, vit le succès rencontré par ses élèves lorsqu’il fut invité à l’étranger et notamment aux USA. Il décida de ne pas rester en arrière plan et de partager leur succès. C’est ainsi que le Bujinkan se développa fortement et que maître Hatsumi fut peu à peu invité dans la plupart des grands pays. Son succès est tel que de nos jours, les Taïkaï (stages avec Hatsumi Senseï) réunissent souvent plus de 600 personnes !

Il fut président du cercle international des artistes et écrivains japonais de 1990 à 1994.

Il a écrit une vingtaine d’ouvrages (certains sont disponibles en langue anglaise), valida les éditions de plus de 40 vidéos techniques, et supervise encore actuellement la revue « Sanmyaku » éditée par le Bujinkan.

Au cours de ses voyages et pour son Oeuvre, Hatsumi Senseï a reçu divers diplômes à titre honorifique : deux Doctorats Es-Philosophie aux Etats-Unis, et un Doctorat en Ostéopathie en Angleterre. Il a reçu le titre de Chevalier en Allemagne.

Il aime également peindre et ses toiles se vendent à prix fort dans les galeries de Tôkyô. Il lui arrive également de donner des cours de calligraphie et de dessin.

En 1995, il a reçu le titre de Tôdô Hanshi « expert en sabre » par Nakazawa Toshi, le président de la fédération japonaise de sabre (Zen Nippon Tôdô Renmei).

En 1999, il reçut la médaille et le premier prix (Shakai Bunka Kôrôshô) de l’association de promotion de la culture Japonaise, dirigée par M. Fushimi, cousin de l’empereur.

À ma connaissance, Masaaki Senseï a déjà visité deux fois la France, en 1993 et en 1997.

Hatsumi Senseï habite toujours à Noda, près de Tôkyô. Sa femme, une ancienne présentatrice, est une experte renommée en Danse traditionnelle. Maître Hatsumi vit dans deux maisons, une qui lui sert de bureau de travail et qui est le siège officiel du Bujinkan à Noda, et l’autre qui est en retrait de la ville pour se reposer et pouvoir vivre un peu plus au calme. Hatsumi Senseï adore les animaux, il possède 5 chiens et de nombreux chats (environ 23). Il enseigne dans son Dojo, le Bujinden ainsi qu’au Budôkan de Tôkyô (le plus grand Dôjô du monde).

Maître Hatsumi est considéré par tous comme une encyclopédie vivante. Il est non seulement un maître remarquable, mais également un artiste cultivé et un homme très croyant qui a de nobles aspirations pour le Bujinkan et ses élèves.

Masaaki hatsumi.