Vous pouvez télécharger le projet de décret et la note de présentation ici.
Le projet de décret comporte plusieurs mesures, relatives notamment aux nouvelles commissions de suivi de sites mises en place par la loi « Grenelle 2 » du 12 juillet 2010. On s’arrêtera ici sur la mesure relative au délai de caducité des autorisations ICPE.
La caducité des autorisations d’exploiter ICPE
Pour mémoire, l’article R.512-74 du code de l’environnement prévoit qu’en l’absence de mise en service d’une installation classée dans un délai de trois ans, l’autorisation d’exploiter cesse de produire effet :
« L'arrêté d'autorisation, l'arrêté d'enregistrement ou la déclaration cesse de produire effet lorsque, sauf cas de force majeure, l'installation n'a pas été mise en service dans le délai de trois ans ou lorsque l'exploitation a été interrompue pendant plus de deux années consécutives ».
Il s’agit du délai de « caducité ». Passé ce délai de trois ans, l’exploitant perd l’autorisation obtenue. Le préjudice est donc considérable.
En théorie, rien n’interdit à l’exploitant de mettre en service son installation sitôt obtenue son autorisation d’exploiter et ce alors même qu’un recours tendant à l’annulation de cette autorisation aurait été déposé devant le Juge administratif.
Toutefois, dans la pratique, il est souvent très difficile de commencer les travaux tendant à la mise en service de l’installation, dés lors qu’un recours est déposé. Tout d’abord, ce recours fait peser une menace sur l’avenir de l’autorisation. Les acteurs du financement du projet d’ICPE peuvent ne pas souhaiter courir ce risque et préférer attendre le terme de la procédure engagée devant le tribunal administratif. Autre inconvénient : le délai de la procédure contentieuse elle-même. Outre le fait que cette procédure peut durer entre 1 an ½ et deux ans, il faut y ajouter qu’une procédure d’appel peut suivre une procédure de première instance. En définitive, entre le moment où le recours est déposé devant le tribunal administratif et la date à laquelle la Cour administrative d’appel rendra son arrêt : plusieurs années peuvent s’écouler et le délai de caducité peut donc expirer.
Il est donc heureux que le pouvoir réglementaire intervienne de manière à tenir compte de cette contrainte inutile – sans bénéfice environnemental - qui pèse sur l’exploitant et qui aboutit à faire en sorte que le simple dépôt d’un recours en annulation ait pour effet de priver l’exploitant de son autorisation sans attendre le jugement du tribunal administratif saisi.
Notons dés à présent qu’un dispositif de suspension de la péremption du permis de construire existe déjà.
Le délai de péremption du permis de construire est fixé à l’article R.424-17 du code de l’urbanisme :
"Le permis de construire, d'aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de deux ans à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue.
Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année.
Les dispositions du présent article sont applicables à la décision de non-opposition à une déclaration préalable lorsque cette déclaration porte sur une opération comportant des travaux".
Le dispositif de suspension du délai de caducité de l’autorisation ICPE est, pour sa part, fixé à l’article R.424-19 du code de l’urbanisme
« En cas de recours devant la juridiction administrative contre le permis ou contre la décision de non-opposition à la déclaration préalable ou de recours devant la juridiction civile en application de l'article L. 480-13, le délai de validité prévu à l'article R. 424-17 est suspendu jusqu'au prononcé d'une décision juridictionnelle irrévocable ».
C’est ce mécanisme de suspension du délai de péremption/caducité que les auteurs du projet de décret ici commenté prévoient d’étendre à l’autorisation d’exploiter ICPE.
L’interruption du délai de caducité de l’autorisation ICPE en cas de recours
L’article 7 du projet de décret prévoit ici de modifier la rédaction de l’article R.512-74 du code de l’environnement :
« Il est inséré au deuxième alinéa de l’article R.512-74 du code de l’environnement ainsi rédigé :
« le délai de mise en service prévu au présent article est suspendu jusqu’au prononcé d’une décision juridictionnelle irrévocable lorsque l’on est dans l’un des cas suivant :
1) recours devant la juridiction administrative contre l’arrêté d’autorisation, l’arrêté d’enregistrement ou la déclaration,
2) recours devant la juridiction administrative contre le permis de construire ayant fait l’objet d’un dépôt de demande simultané conformément au premier alinéa de l’article L.512-15
3) recours devant la juridiction civile en application de l’article L.480-13 du code de l’urbanisme contre le permis de construire ayant fait l’objet d’un dépôt de demande simultané conformément au premier alinéa de l’article L.512-15 »
Aux termes de ce projet de rédaction, le principe demeure donc celui selon lequel, passé un délai de trois ans, l’exploitant perd le bénéfice de son autorisation d’exploiter ICPE. Le maintien de ce principe a sans doute pour motif le souhait de l’administration de prévenir le risque de « marchandisation » des autorisations ICPE. Le demandeur d’une autorisation d’exploiter doit ainsi s’engager à mettre en service l’installation projetée, dans un délai court de manière à ce qu’il ne puisse « préempter » un site, au détriment par exemple d’un concurrent privé de ce droit alors qu’il serait peut porteur d’un « vrai » projet. Le dispositif du délai de caducité a donc une utilité de ce point de vue.
Le projet de décret prévoit d’interrompre la course de ce délai de caducité, dans l’attente d’une « décision juridictionnelle irrévocable » dans trois hypothèses :
- lorsqu’un recours a été engagé devant la juridiction administrative contre l’autorisation ICPE ;
- lorsqu’un recours a été engagé devant la juridiction administrative contre le permis de construire correspondant à l’autorisation ICPE
- lorsqu’un recours a été engagé, au titre de l’article L.480-13 du code de l’urbanisme, contre la construction correspondant à l’ICPE,
On relèvera que la suspension du délai de caducité est réalisée jusqu’à l’intervention d’une « décision juridictionnelle irrévocable » ce qui signifie que la suspension n’est pas organisée qu’à l’occasion de la procédure de première instance.
Le permis de construire et le délai de caducité de l’autorisation ICPE
Il convient de rappeler que le principe d’indépendance des législations urbanisme et ICPE s’applique sans préjudice de la nécessaire articulation entre les procédures ICPE et permis de construire.
Jusqu’à présent le délai de péremption du permis de construire était suspendu lorsqu’un recours était déposé à son encontre et non lorsqu’un recours était introduit contre l’autorisation ICPE, et ce, alors même que ces deux autorisations sont articulées.
L’article 8 du projet de décret vient remédier à cette carence dans l’articulation de ces deux autorisations. Il dispose :
« Il est rajouté un deuxième alinéa à l’article R.424-19 du code de l’urbanisme ainsi rédigé :
« En cas de recours devant la juridiction administrative contre une décision prise pour l’autorisation, l’enregistrement en application des articles L.512-1 ou L.512-7 ou le récépissé de déclaration prévu à l’article L.512-8 du code de l’environnement, le délai de validité prévu à l’article R.424-17 du permis de construire ayant fait l’objet d’un dépôt de demande simultané conformément au premier alinéa de l’article L.512-15 avec la demande qui est à l’origine de la décision contestée, est suspendu jusqu’au prononcé d’une décision juridictionnelle irrévocable ».
Désormais, si ce projet de décret est publié :
1° Le délai de caducité de l’autorisation sera suspendu en cas de recours contre le permis de construire ou contre l’autorisation ICPE elle-même ;
2° Le délai de péremption du permis de construire sera suspendu en cas de recours contre l’autorisation ICPE ou contre le permis de construire lui-même.
Il s’agit d’une réforme tout à fait souhaitable dés lors qu’elle ne comporte pas d’inconvénient pour la protection de l’environnement et contribue à l’équilibre nécessaire entre production et protection, entre respect de l’environnement et droits de l’exploitant.