Des dindons indignes de la finale. Voilà en quelques mots comment les médias néo-zélandais qualifient les joueurs de l'équipe de France, qui s'apprêtent à disputer le titre de champions du monde de rugby face aux All Blacks dimanche prochain.
La campagne de presse conduite depuis que le XV tricolore a conquis dans la douleur (et la médiocrité, il faut bien le dire) le droit de jouer la troisième finale de son histoire est pour le moins radicale. Elle ferait même passer les critiques formulées jusqu'à présent par les journalistes Français pour d'aimables plaisanteries. Leurs confrères Kiwis ont trempé leur plume dans le vinaigre, accompagnés en cela par leurs cousins Celtes et Britanniques, trop heureux de donner libre court à leurs penchants naturels.
Les journalistes ne sont pas les seuls à fustiger Marc Lièvremont et ses hommes, puisqu'un certains nombres de "commentateurs autorisés", parmi lesquels d'anciennes stars du rugby, joignent leur voix à cette campagne de dénigrement systématique.
A cet égard, on relève qu'Andrew Merthens, l'ancien demi d'ouverture des All Blacks, vient d'affirmer que les Français n'avaient aucune chance de gagner. On pensait que celui-ci, instruit de la débâcle des siens en 1999 (au fait Andrew, tu as le bonjour de Christophe Dominici...) aurait gardé une attitude plus prudente sur le sujet. Mais il faut croire que le niveau de confiance en soi est tel en Nouvelle-Zélande que même les esprits les plus nuancés ont cédé à la tentation du triomphalisme plein de morgue.
Evidemment, Graham Henry, le sélectionneur des All Blacks, tente bien de tempérer l'enthousiame de ses compatriotes en rappelant qu'à quelques reprises le XV de France a pu être "la meilleure équipe du monde sur un jour" et que ce jour pourrait peut-être arriver dimanche.
Et nul doute que ses joueurs, parmi lesquels les survivants du naufrage de 2007, ont bien en tête le risque qu'il y a de vendre la peau du coq avant de l'avoir plumé.
A cet égard, on ne remerciera jamais assez les médias Anglo-saxons en général et Néo-Zélandais pour le fier coup de main qu'ils apportent en ce moment même aux joueurs de Marc Lièvremont. Cette équipe de France n'enchante guère par le niveau de son jeu, c'est entendu. Elle s'est qualifiée par la plus petite des marges face au Pays de Galles, après une prestation très éloignée du niveau attendu d'un prétendant au titre majeur. C'est bien simple, depuis le début de la compétition, cette équipe ne vaut que par ses qualités défensives et par l'intensité qu'elle met dans son jeu, les quelques fois où elle a bien voulu le faire (on pense en particulier aux premières minutes contre la Nouvelle-Zélande en poule et la première mi-temps contre l'Angleterre).
C'est justement quand elle a eu le dos au mur que l'équipe de France est parvenue à se sublimer. Cette caractéristique est d'ailleurs intégrée au code génétique du XV tricolore. La seule inconnue réside dans le niveau auquel le groupe actuel sera capable d'accéder s'il joue dans ce fameux état de grâce qui le transcende dans certaines occasions.
Pour parvenir à cet état second, il faut nécessairement aux joueurs Français quelque levier psychologique choisi. Or, c'est précisément ce à quoi s'emploient les médias anglo-saxons, en développant les deux thèmes les plus susceptibles de bouger nos Français : ils sont nuls et ils vont être ridicules dimanche.
Evidemment, la seule comparaison des prestations des All Blacks avec celles des bleus donnent mille fois raison à tous ceux qui ont fêté le titre dès après le succès des hommes de Graham Henry sur l'Australie en demi-finale. Sur le papier, les ogres maoris ne devraient faire qu'une bouchée des Français. Et il y a de grandes chances pour que que les espoirs tricolores de miracle s'envolent au rythme des essais inscrits par Richie McCaw et ses coéquipiers.
Mais en rabaissant systématiquement les joueurs du XV de France, en leur montrant par avance l'inutilité de leur combat, les médias locaux pourraient peut-être semer en eux les graines de la révolte, et récolter une tempête à laquelle ils ne s'attendent évidemment pas.
L'espoir fait vivre.
Surtout quand il est entretenu par votre adversaire...