Au son du piano qui coule, l'automnecourt à ma fenêtre.
Les cieux rougis par la fraîcheurmatinale embrassent une brume furtive. L'automne s'élève de la terre,comme la nuit. L'automne s'arrache des champs, elle nait dans lesous-bois. La pointe des fougères se crispe et se dessèche. Desvolutes humides se tendent, se tendent et bientôt un lac calme debrouillard nappe les champs. Les nuages rubis s'enfuient, laissantle bleu trop bleu s'entendre à l'infini. Quelques lignes moutonnentencore. Résistance inutile à la mer cobalt.
Les cordes se mêlent au piano, unesymphonie contemporaine et absurde. Tout n'est que poésie. Poésieet colère. Poésie et tourment.Le rosé devient rose lumineux, roseorange. Il déchiquette l'horizon, hache la forêt et donne aumiroir des eaux ses trésors de mystère. La musique s'adoucit,ralentit. De nouveau le piano attaque et s'impose au devant de lascène. Comme le bleu trop bleu de ce matind'octobre où je quitte paris.
Découpé des arbres. Des bouts de cebleu. L'automne court à ma fenêtre, grandiose, remarquable. Trèsloin là bas, au delà des villages et des près encore verts, unpointe carmine. Il est huit heures passée. Le soleil est levé.
Un océan suspendu scintille enlévitation juste au dessus de la pointe rougeoyante de grenat.
Jecomprend que l'on puisse préférer être démuni de tout que devivre enfermé, déraciné. Dans la lueur déjà aveuglante du soleillevant, je comprend que les oeuvres des hommes sont peu de chosespourtant, poésie des mots, des sons et des images vivent enharmonie avec notre planète. Sans le piano, la magie serait plusterne, sans le stylo, l'émotion moins profonde.
Aujourd'hui j'ai regardé un dieuancien s'agripper à l'horizon. Face à cette immensité rassurante,je contemple ma vie.
Je suis heureuse d'être ici.
Dans ce mouvement.J'appartiens au monde. Et même si parfois, on ne se comprend pastoujours, le monde et moi, je suis fière d'être arrivée jusqu'ici,jusqu'à maintenant. Fière d'avoir mon souffle, ma poésie.Dans quelques jours j'aurai 36 ans. C'est moins que beaucoup, c'estbeaucoup plus que certains. Beaucoup plus que tous ces enfants... Est-ce que les enfants de Fukushimaauront aussi un jour le bonheur d'avoir 36 ans ?Déjà, le bleu s'assagit. Il blanchit.Le jour s'estlevé.
Copyright : Marianne Ciaudo