La gauche a son candidat, François Hollande, homme de synthèse comme on dit d’un édulcorant. La droite a son candidat « naturel » hélas, en la personne du président sortant avec tous ses défauts. Ce n’est pas parce qu’il a mis un couvercle sur son appétit médiatique que Nicolas Sarkozy a changé, loin de là ! Sa récente sortie en Allemagne, en un voyage catastrophe, pour rejouer la blitzkrieg contre les marchés financiers alors que la Chancelière – elle contrairement à lui – doit composer avec son Parlement, montre combien l’agitation et la posture restent les composantes fondamentales du personnage.
Confusément, les gens ont bien conscience que la crise est grave et qu’ils seront touchés. Ce pourquoi les primaires socialistes ont ressemblé au monde enchanté des Bisounours (comparaison favorite de François Hollande) où les vrais débats sur la dépense publique ont été occultés. Pour la gauche radicale, tout est simple : yaka faire payer les riches. Sauf que le réservoir est très restreint et pas inépuisable pour alimenter le tonneau des danaïdes des promesses en tous genres. La France connaît déjà un taux de prélèvements obligatoires de 45%, parmi les plus élevés des pays de l’OCDE, avec une efficacité de la fonction publique très moyenne. C’est moins la compétence des personnels qui est en cause que le désastre des 35 heures (que Jospin avait exclu au début pour les fonctionnaires) et l’empilement des niveaux hiérarchiques et territoriaux. Patrick Artus, économiste de gauche, chiffre même à environ 20% la perte de productivité de la fonction publique française par rapport à ses voisins, à prestations équivalentes. Or qui parle à gauche de réformer l’État ? Ce ne sont au contraire que promesses sur promesses, subventions massives à la culture, réembauche des profs non remplacés depuis 2007 plus embauche des profs à remplacer poste pour poste, emplois publics pour les jeunes, abandon de la réforme territoriale, probable abandon clientéliste de la fermeture d’hôpitaux et de tribunaux…
Si l’UMP apparaît en 2011 sans plus d’idées que continuer à aller dans le mur, le PS a gardé un projet tellement obsolète qu’on le croirait de l’autre siècle. La crise des finances grecques, portugaise, espagnole, montre qu’il ne suffit pas que le socialisme arrive au pouvoir pour que tout s’arrange ! Demandez à MM. Papandréou et Zapatero ce qu’ils pensent des recettes miracles du « socialisme »… Le nouveau président Hollande ne pourra qu’enterrer le projet PS sous peine d’enfoncer le pays. Ce pourquoi il est dommage que Martine Aubry s’accroche à son poste de Première secrétaire, même si c’est Nadine Morano qui le dit. Elle va surenchérir à gauche alors que les Français exigent du concret. Eternel débat entre idéalisme et réalisme, moralisme et matérialisme… La gauche a gardé du catholicisme cette dimension religieuse que l’utopie marxiste (qui n’était pas celle de Karl Marx) a alimentée en faisant croire que l’avenir ne pouvait être que radieux et qu’au lendemain qui chante on raserait gratis. Or la France ne vogue pas en bouteille mais sur la mer démontée.
Cela me rappelle ce film de Woody Allen, en français ‘Tombe les filles et tais-toi’ (1972). Woody est fasciné par Humphrey Bogart dans ‘Casablanca’. Il tente de s’égaler au modèle mais apprend la dure leçon qu’il ne sert à rien d’idéaliser un héros impossible, même avec l’écoute du psy. Sois toi-même est l’ultime démonstration du film. Pareil pour Hollande : Assainis les finances publiques et tais-toi. Ce sera la tâche du prochain président, aidé de la réforme fiscale, de la fin du cumul des mandats (pour éviter le clientélisme local), des investissements pour le futur (éducation, recherche, soutien aux PME innovantes).
D’où le retour au réel, que le succès des primaires socialistes montre bien. L’anti-sarkozysme primaire n’a pas d’avenir car il faudra gouverner après avoir gagné. Désigner un candidat aux primaires est un premier pas vers la prise de conscience que le monde a changé et que nous ne pouvons pas l’ignorer. Bonjour, monde cruel !
Moody’s : « La France pourrait faire face à un certain nombre de défis dans les mois à venir — comme, par exemple, la nécessité d’apporter un soutien additionnel à d’autres pays européens ou à son propre système bancaire, ce qui pourrait accroître de manière significative les engagements que doit supporter le budget du pays. (…) La détérioration des ratios d’endettement et la possibilité de voir apparaître de nouvelles dettes potentielles exercent une pression sur la perspective stable de la note Aaa du pays ». C’est l’engagement de solidarité pour la Grèce, tabou inconditionnel à gauche, qui va toucher directement les contribuables français. Et si Marine Le Pen venait mettre d’accord Sarkozy et Hollande à ce sujet ? Le matraquage médiatique d’octobre sur le seul socialisme ne doit pas occulter les courants souterrains populaires, plus en faveur du repli national.