Ce week-end, un article du Monde s’intéressait aux troubles musculo-squelettiques (article réservé aux abonnés).
« Les troubles musculo-squelettiques (TMS) augmentent d’environ 18 % par an depuis plusieurs années. Ils représentent 80 % des causes de maladies professionnelles reconnues pour les actifs du régime général, selon la Caisse nationale d’assurance-maladie (Cnam). « Cette nouvelle épidémie est l’une des questions les plus préoccupantes en santé au travail », lançait en 2010 le professeur Jean-François Caillard, chef du service des maladies professionnelles au CHU de Rouen. Certaines catégories professionnelles sont plus touchées que d’autres, comme le secteur alimentaire – les caissières sont en première ligne -, les salariés des exploitations agricoles, de la métallurgie, de la construction automobile, du BTP… »
La journaliste aurait pu ajouter à cette longue liste des professions l’interprète en langue des signes.
En effet, sous le terme de TMS on retrouve de nombreuses pathologies qui entraînent des douleurs au niveau des articulations et des tissus mous (muscles, tendons, nerfs), situées sur les membres supérieurs (cou, épaule, coude, poignet, main). Ces douleurs constituent évidemment le principal symptôme des TMS chez les interprètes en langue des signes. Elles sont d’ailleurs reconnues comme maladies professionnelles.
Parmi elles, la plus invalidante est certainement le syndrome du canal carpien : il correspond à la compression du nerf médian par des tissus enflés ou enflammés (généralement le ligament) situé dans la région intérieure de la main. Par conséquent, la personne peut ressentir des engourdissements de la main et des douleurs sur les trois premiers doigts (pouce, index, majeur) sur la face palmaire.
Pendant la nuit ou au réveil, il est également possible de ressentir des fourmillements, des brûlures, des picotements. Dans certains cas, les douleurs de la main et du poignet irradient dans l’avant bras, le coude, et parfois l’épaule. Le syndrome du canal carpien provoque donc des douleurs intenses et prolongées, ce qui entraîne des gênes allant jusqu’à la paralysie. Avec l’évolution de la maladie, la personne peut avoir une perte de sensibilité et de mobilité, d’où une fonte musculaire. La personne se sent incapable de bouger ses doigts, a des difficultés pour saisir des objets, même les plus légers, elle devient plus maladroite et a mal dès qu’elle utilise sa main ou son poignet. De ce fait même les gestes les plus simples de la vie quotidienne deviennent douloureux et difficiles à réaliser (ex. téléphoner, conduire, se coiffer).
Selon une étude menée au Quebec 81% des interprètes en langue des signes admettaient avoir des douleurs aux épaules, 79% au cou et 74% dans la région avant-bras poignets-main. Tandis que pour la population québécoise, ils sont 50% à ressentir des douleurs aux épaules, 41% au cou et 28% pour les avant-bras, les poignets et les mains. En France, 80 interprètes ont répondu à un questionnaire et 75% d’entres eux avait déjà consulté pour un syndrome lié au travail, dont 60% pour des troubles au niveau des mains, des doigts et des poignets.
Cela n’est guère étonnant car durant une séquence d’interprétation le corps de l’interprète est mis à rude épreuve : tension des muscles du dos, des épaules, du cou… et beaucoup de mouvements répétés très fréquemment. Ainsi, selon une étude menée par Forum Européen des Interprètes en Langues des Signes (EFSLI) pour une heure d’interprétation, on compte en moyenne :
• 2 280 mouvements des doigts,
• 3 192 mouvements des poignets,
• 3 540 mouvements des coudes.
Par ailleurs les tensions dues à l’effort de concentration, au contrôle de la qualité de la traduction, au débit (parfois très rapide) du locuteur, au stress lié à la situation accroissent les risques de TMS.
C’est pourquoi on nous recommande de faire des étirements ou de la musculation pour renforcer les muscles des membres supérieurs. Les témoignages d’interprètes révèlent aussi que l’activité sportive comme le vélo, la natation, le rameur est également un moyen de vider le trop plein d’émotion et le stress. Vive le sport !