Cette dialectique du vrai et du faux, ou plutôt ce dialogue entre la créature animée et la créature mécanique, est omniprésente dans Real Steel. Atom, le robot découvert et entraîné par Max et Charlie, a ceci de particulier qu'il est doté d'une "shadow function" lui permettant de visualiser et de reproduire les gestes de la personne qu'il a en face de lui. Ce robot est un mime. L'idée de l'imitation est élargie à l'ensemble du film, puisque c'est aussi la capacité du père à être un "modèle" pour son fils qui est mise en question. L'adulte, éternel sale gosse, imite une enfance dont il n'est jamais sorti et l'enfant imite l'arrogance et les éternelles combines des adultes. Nous est décrit un futur pas si irréaliste : un grand spectacle ludique où tout le monde singe tout le monde.
Il y avait, dans Crazy night, un tournant burlesque : dans une boîte de nuit, le couple joué par Steve Carell et Shawn Levy est contraint de jouer aux "sex robots". Jusque là, nos deux comiques ventriloques, raides comme des piquets, s'étaient contentés de souffler du coin de la bouche des dialogues aux gens qu'ils observaient. En mimant leur propre maladresse, ils sortent de leur réserve pour la première fois. Il y a quelque chose d'étrangement similaire dans Real Steel, quand le personnage de l'enfant se met à danser et à faire danser la machine : du hip hop d'abord, puis la danse du robot, si bien qu'on ne sait plus qui imite qui.
Pour que le robot s'anime, le mimétisme doit être réciproque. C'est la condition, du moins, pour que la gloire de la machine, l'éclat du spectacle, puissent rejaillir sur les vivants. Dans Le Celluloïd et le marbre, Rohmer dénonçait l'usage moderne de la métaphore qui déracinait définitivement le mot de la chose : dans l'image surréaliste, le rapport n'est plus que théorique, mécanique, codé et décodé. La phrase a autant à voir avec le mouvement du monde que le tableau de bord d'une voiture a à voir avec son moteur. Très littéralement, on retrouve cette critique dans Real Steel, où la victoire du robot Atom est celle de l'imitation concrète des gestes de l'homme contre le "remote control" technologique de l'adversaire japonais. Et cette victoire est exactement concomitante des retrouvailles du père et du fils, dans la lumière d'un rapport renouvelé, réinventé. A nouveau, Shawn Levy se sert du numérique contre le numérique, faisant de la performance capture un moyen de toucher, paradoxalement, à la grâce authentique du geste.