Têtes de bois, têtes de noeuds, si le Delanopolis culturel ment qu'il aille au 104 !
Cela commence par une prise de tête au Musée d'art moderne de la ville : "Any Ever", concotée par les artistes américains Ryan Trecartin et Lizzie Fitch. C'est le genre d'exposition dont, naïvement, on pourrait croire que les conservateurs de musée se méfient désormais. Les différentes installations de nos deux compères, inutiles synthèses de Benny Hill et de Joseph Beuys, semblent tout droit sorties d'élucubrations du groupe Fluxus qui auraient été agrémentées de saynètes hystériques et travesties portées sur grand écran.
Imaginez une sorte de salon du meuble post-surréaliste, chaque pièce ayant son type de siège décalé au fond duquel on peut se peletonner pour saturer ses pupilles d'images absurdes. Les cibles sont toujours les mêmes : la société de consommation, l'aliénation des masses, etc. Comme dans toute entreprise démagogique, on caresse le public dans le sens du poil en lui faisant comprendre combien il est plus intelligent que ce qui est dénoncé par l'"artiste". Pour rassurer les petits bourgeois urbains votant à gauche, présentez-leur des petits bourgeois de lotissements de banlieue dominés par la télévision. La recette est infaillible et permet de ramasser la mise en organisant une grosse exposition. En un mot : sans intérêt mais coûteux pour la ville de Paris.
Cela se poursuit par une tête au carré : "Beur sur la ville" un film qui collectionne les têtes à claques. Dans un festival continu de caricatures communautaires, le réalisateur vous fait comprendre deux ou trois choses qu'il faudra retenir : l'islam n'est pas dangereux et rien n'empêche une femme en burqa d'arrêter un pénalty ; il faut mettre davantage d'argent public et de minorités visibles dans les commissariats de banlieue ; les seuls vrais méchants sont les racistes même déguisés en clochardes. Hollande et sa bande ne sont pas encore aux affaires qu'ils ont déjà leur équivalent du "Black mic-mac" mitterrandien des années 1980, le trait étant encore plus forcé : on n'arrête pas le progrès social.
Continuons par une tête au curry : "Elles changent l'Inde" , une expo-photo nous fait découvrir en gros plans les visages de toutes les femmes qui se battent pour faire bouger la société indienne. Esthétiquement, la chose n'a qu'un intérêt limité, on est dans le photojournalisme pur et simple. Sociologiquement, rien de très étonnant non plus : le propos aurait été plus novateur il y a vingt ans dans un pays qui fut, tout de même, celui d'Indira Gandhi, quand nous Français, étions encore gouvernés par De Gaulle.
Quant à changer l'Inde, nous souhaitons à toutes ces femmes bien du plaisir : face à l'immensité de la tâche les idéalistes les plus sincères et, nonobstant, les plus rusés finissent par renoncer et se réfugier dans la méditation (Aurobindo, Gandhi) ou la corruption (tous les autres ou presque). Ceux qui ont voulu passer en force (Aurangzeb), ont eu du souci à se faire !
Enfin, une réduction de tête. Les Maoris sont à Branly pour une exposition plus politique qu'artistique. Les revendications économiques et territoriales de cette petite population, héritière des premiers colons venus d'Océanie au 11ème siècle et qui ont dû se métisser avec les Européens à partir du 19ème siècle, sont au coeur des explications très idéologiques et didactiques du musée. Leur sort, certes un peu rude, ne fut toutefois jamais aussi sanglant que celui des Peaux-rouges en Amérique du nord, des Incas, des Aztèques et de la plupart des peuplades confrontées à une nouvelle vague d'invasion. Heureusement, la Nouvelle-Zélande est vaste, sous-occupée et permet à chacun de cohabiter plutôt correctement. Dommage qu'il n'y ait pas eu davantage de ces merveilleuses effigies, pagaies, bâtons de chefferies et autres Hei Tiki, sculptures pleines de fraîcheur, de sauvagerie et de poésie quasi-enfantine.