Après le Jacques ABEILLE, j'ai ressenti un désir de légèreté, je crois que ce bref livre de Jacques RÉDA, auteur que j'aime beaucoup, fera bien la transition.
« Alors je suis retourné chez Duke, et ça s'est aussi bien passé que lorsque Hodges et Coolie ont reparu après quatre ou vingt ans d'escapades. Duke était un vrai grand seigneur. Il n'a jamais eu de domestiques : ses musiciens devenaient ses pairs. Sans fortune, il payait de sa poche la location des studios où, en plus de toutes ses tâches, l'orchestre jouait pour lui. Et ils n'étaient plus à chaque fois qu'un seul amoureux qui fait resurgir sa Béatrice. Ma place était chez eux.
Maintenant que je me trouve de nouveau seul dans la coulisse, avec mon trombone élégiaque et le programme inutile de mes souvenirs, je n'attends plus que la mienne réapparaisse, puisque c'est moi qui serai parti. Je ne connais plus que l'attente motrice qui est le fondement du rythme, et j'écoute l'orchestre qui redémarre après quelques drus, hardis accords du piano. »
J'aime bien, déjà, l'incipit :
« C'est d'une manière tout à fait subreptice que je suis entré comme auditeur d'abord stagiaire dans l'orchestre de Duke Ellington : un dimanche, il me semble, du printemps de 1947, soit un peu avant ou après, peut-être, à des milliers de kilomètres de notre Île-de-France encore provinciale, d'une version de Sophisticated Lady pour la série patriotique dite V-Disc.