Béatrice Peyrani emploie le pluriel car il concerne deux êtres d'exception, le peintre Bernard Buffet, et le grand couturier Yves Saint Laurent. Au sens figuré il pourrait signifier combien Pierre Bergé est un homme de paillettes, brillant dans les cercles intellectuels, artistiques, le monde des affaires comme celui de la presse.
Que n'a-t-il pas fait ? Outre la gestion de l'empire Saint Laurent il a été à la tête d'un théâtre, puis d'un autre, enfin d'un opéra (L'Athénée, Edouard VII, l'Opéra Bastille). Il a pris les rênes d'un journal, d'un deuxième et d'un troisième (le Globe, Tétu, le Monde). Un de ses derniers défis fut l'ouverture d'un musée consacré à Jean Cocteau à Milly-la-Forêt. Dernier en date mais sans doute pas dernier de la liste.
Il a été giscardien, mitterandien, sarkosiste, royaliste (Il a soutenu la candidature de Ségolène Royal).
Les étiquettes lui collent à la peau mais aucune ne tient. Sa biographe n'édulcore rien et dit le maximum, avec précisions, citations, abondantes notes de bas de page pour preuve de sa bonne foi et de la qualité de son travail.
Elle se laisse aller à paraphraser Louis Jouvet (il faut mettre de la vie dans son art et de l'art dans sa vie) en démontrant combien Pierre Bergé met de l'art dans ses affaires et des affaires dans l'art (p.222). Elle décode l'effet magique YSL en rappelant que détenir une robe signée Saint Laurent dans les années 80 revenait presque (tout de même ... comparaison n'est pas raison) à posséder une estampe de Matisse (p.246). Elle raconte pas à pas la vente de l'exceptionnelle collection orchestrée par Pierre Bergé pour maitriser "la fin réelle des choses" (p.338).
Il y a sans doute quelques erreurs dans la profusion des informations. Une imprécision m'a surprise (p.218) à propos de la création de Tartuffe au Théâtre de l'Athénée avec Gérard Depardieu et François Périer dont j'ignorais qu'Yves Saint Laurent avait dessiné les costumes. Il est inexact d'écrire que le projet Tartuffe ne verra pas le jour même si c'est dans un contexte différent qu'il a été mené, en 1983, par Jacques Lassalle qui assura la mise en scène pour le Théâtre national de Strasbourg avec ces deux comédiens, et Élisabeth Depardieu dans le rôle d'Elmire avant de le présenter au public parisien au Théâtre de la Ville. Une version cinématographique a été tournée en studio l'année suivante, pour les Films du Losange, et qui est à ma connaissance la seule expérience de Gérard Depardieu en tant que réalisateur.
Il livre ses souvenirs en naviguant de la place Dauphine à la maison de Marrakech, sans occulter les terribles années de la rue de Babylone, le studio de l'avenue Marceau, la datcha de Bénerville, en relisant Flaubert, Montaigne, Proust et Tchekov. Un complément indispensable pour apprécier le faiseur d'étoiles sous l'angle plus humain de l'émotion.
Pierre Bergé, Le faiseur d'étoiles, Béatrice Peyrani, essai, éditions Pygmalion, septembre 2011, 382 pages
Voir aussi le billet consacré à la rétrospective Saint Laurent au Petit Palais en 2010
Et à l'exposition Claude et François-Xavier Lalanne au Musée des Arts décoratifs cette même année
Sans oublier le site : Fondation Pierre Bergé-Yves Saint-Laurent