Audition de représentants d’associations d’anciens combattants.
La séance est ouverte à seize heures trente.
M. le président Guy Teissier. J’ai le très grand plaisir d’accueillir en votre nom les représentants des associations d’anciens combattants, à qui je souhaite la bienvenue.
Ce rendez-vous annuel est l’occasion pour nous tous de rappeler l’attachement des représentants de la Nation à ceux qui l’ont servie – et d’avoir avec vous des échanges toujours passionnants !
Le projet de budget pour 2012 prévoit, vous le savez, une revalorisation de quatre points de la retraite du combattant pour la porter à 48 points, conformément à l’engagement du Président de la République. Alors que les pouvoirs publics font face à une situation financière très contrainte, nous apprécions tous la valeur de cet effort en faveur du monde combattant.
Je me permets de vous présenter à mes collègues :
— M. Hugues Dalleau, président de l’Union nationale des combattants, et M. Gérard Colliot, vice-président ;
— M. Jean-Claude Gouëllain, président de la Fédération nationale des plus grands invalides de guerre ;
— M. Jacques Goujat, président de l’Union française des associations de combattants et victimes de guerre, et M. Yves Doury, secrétaire général ;
— M. Serge Cours, président de l’Union fédérale des associations françaises d’anciens combattants, victimes de guerre et des jeunesses de l’Union fédérale ;
— M. Pierre Dürr, secrétaire général de la Fédération nationale des combattants prisonniers de guerre et combattants d’Algérie, de Tunisie et du Maroc ;
— M. Alain Clerc, secrétaire national de la Fédération nationale André Maginot ;
— M. André Cognard, président de la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie ;
— M. Raphaël Vahé, président de l’Association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre, des combattants pour l’amitié, la solidarité, la mémoire, l’antifascisme et paix ;
— M. le général Guy Simon, président de l’Association nationale des anciens et amis de l’Indochine et du souvenir indochinois ;
— M. le général Henri Pinard Legry, président de l’Association de soutien à l’armée française ;
— M. Gérard Delbauffe, président du Souvenir Français ;
— enfin, M. le général Robert Bresse, président de la Fondation de la France libre.
Vous êtes ici, messieurs, pour nous exposer vos avis sur les mesures phares du budget pour 2012 – que vous avez eu le temps, cette année, de décortiquer – mais aussi pour nous faire part, plus généralement, de vos principales préoccupations.
M. Jacques Goujat, président de l’Union française des associations de combattants et victimes de guerre. Je voudrais tout d’abord souligner combien nous apprécions l’augmentation à 48 points de l’indice de la retraite du combattant.
Mais je tiens également à attirer votre attention, en ma double qualité de président de l’UFAC et de président de la commission nationale de la carte du combattant, sur la situation des soldats qui ont effectué leurs quatre mois de présence en Algérie « à cheval » sur le 2 juillet 1962 et ne satisfont donc pas aux critères d’obtention de la carte du combattant. Cela fait de nombreuses années que nous signalons cette situation. J’ai bien conscience que le budget est contraint et qu’il n’est pas possible de satisfaire toutes les revendications. Compte tenu de la moyenne d’âge des bénéficiaires potentiels, je crois néanmoins qu’il y a là un vrai caractère d’urgence à la modification des critères d’obtention de la carte dont le coût – 4,5 millions d’euros selon les éléments dont je dispose ne semble pas dirimant. Cela permettrait de régler définitivement cette question.
M. le président Guy Teissier. Nous prêtons, soyez-en assuré, une oreille attentive à cette préoccupation. Nous aurons l’occasion d’en discuter lorsque nous débattrons du budget en commission puis en séance publique. À ce propos, je tiens à préciser que j’ai œuvré, avec l’assentiment des membres de cette commission, pour que le budget des anciens combattants ne soit plus examiné cette année en commission élargie et que le véritable débat ait lieu en séance publique, ce qui me semble que justice.
M. Serge Cours, président de l’Union fédérale des associations françaises d’anciens combattants, victimes de guerre et des jeunesses de l’Union fédérale. Je m’exprimerai avant tout en tant que président de la commission solidarité de l’Office national des anciens combattants (ONAC). L’aide différentielle au conjoint survivant que vous avez créée est bien intégrée dans le budget d’aide sociale de l’ONAC – dont le budget augmente cette année de 500 000 euros pour être porté à plus de 20,6 millions d’euros.
Je constate que, depuis sa création, cette aide a toujours augmenté lorsque cela était possible et s’élève aujourd’hui à 834 euros. Nous souhaitons que cette aide soit maintenant portée au niveau du seuil de pauvreté, soit 954 euros. Nous voudrions aussi qu’une ligne budgétaire lui soit dédiée afin qu’elle puisse être clairement identifiée. Enfin, nous souhaitons qu’une aide de ce type soit créée à destination des anciens combattants les plus démunis.
M. Alain Clerc, secrétaire national de la Fédération nationale André Maginot. Notre fédération prend acte de l’action menée depuis 2007 pour satisfaire les attentes des anciens combattants et des victimes de guerre, tout en constatant une diminution de 145 millions d’euros des crédits de paiement dans le budget 2012. Elle souhaite, malgré ce budget contraint, que les principales préoccupations du monde combattant soient prises en compte, que le droit à réparation soit préservé et que soit menée une politique mémorielle ambitieuse. Nous nous réjouissons de la nomination, tant attendue, d’un secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de l’augmentation de quatre points d’indice de la retraite du combattant – même si nous souhaitons que cette augmentation soit amorcée dès le 1er janvier 2012.
Nous demandons, une nouvelle fois, l’intégration de l’ensemble des crédits consacrés à la mémoire au programme 169 et le rattachement à la mission « Défense » des crédits de la Journée défense et citoyenneté, qui concerne assez peu le monde combattant.
Concernant le droit à réparation, nous réaffirmons notre attachement à son imprescriptibilité. Nous regrettons que la disparition inéluctable des anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale ne soit pas l’occasion d’une revalorisation significative de la valeur du point d’indice ainsi que de l’aide différentielle au conjoint survivant.
Si nous rendons hommage au dévouement du personnel de l’ONAC, nous constatons aussi les retards dans l’instruction des dossiers des pensions militaires d’invalidité – dix-huit mois pour l’instruction des dossiers, vingt-quatre mois pour le traitement du contentieux et le remboursement des frais engagés par les pensionnés. Nous souhaitons donc une meilleure adéquation entre les moyens mis à disposition de l’ONAC et les missions qui lui sont confiées.
Nous demandons que la réversion de la pension d’invalidité dont bénéficiait l’ancien combattant soit effective à partir du taux de 50 %, au lieu de 60 %, et ce sans condition de ressources. Concernant les victimes civiles de la guerre, nous demandons que le seuil d’accès, pour le conjoint survivant, à la pension de réversion pour invalidité, soit abaissé à 60 %, au lieu de 85 % comme le prévoit actuellement l’article L. 51 du code des pensions militaires d’invalidité.
Pour marquer la considération que l’État apporte aux combattants en opérations extérieures et encourager le volontariat dans nos armées, notre fédération souhaite que la croix du combattant volontaire puisse être décernée aux volontaires contractuels et aux réservistes opérationnels déjà titulaires de la carte du combattant.
Nous demandons la création, au profit des combattants en opérations extérieures, d’un fond de solidarité analogue à celui dont bénéficiaient les anciens combattants d’Indochine. Nous demandons également l’attribution de la carte du combattant après 120 jours de présence dans les zones définies par le décret du 12 novembre 2010 ainsi que l’application de ce décret à toutes les opérations extérieures depuis 1969. Nous souhaitons également le maintien d’un tribunal des pensions dans chaque département.
Enfin, nous suivons avec attention la réforme du code des pensions militaires d’invalidité récemment initiée et souhaitons qu’à cette fin soit constituée une commission tripartie composée de représentants de l’État, du Parlement et de représentants d’associations d’anciens combattants.
M. Jean-Claude Gouëllain, président de la Fédération nationale des plus grands invalides de guerre. Je voudrais attirer votre attention sur la situation des veuves des grands invalides. La majorité d’entre elles ont dû quitter leur travail pour s’occuper de leur époux et il serait donc juste qu’elles bénéficient toutes d’une retraite au moins équivalente à celle que touchent les infirmières – puisque c’est le rôle qu’elles ont tenu pendant de nombreuses années.
Il serait donc souhaitable que l’on revienne sur la décision de supprimer, en 1994, la majoration de 37,5 points des pensions des veuves d’invalides titulaires d’une pension militaire d’invalidité de 85 % ou plus. Dans le même ordre d’idée, je voudrais évoquer la majoration spéciale prévue par l’article L. 52-2 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre. Pour en bénéficier, les veuves de grands invalides doivent actuellement justifier d’une durée de mariage au moins égale à quinze ans, ce qui exclut celles dont le mari disparaît après quatorze ans de vie commune ! Afin d’éviter ce terrible effet de seuil, il faudrait donc que cette majoration soit désormais versée au prorata des années de vie commune.
Autre point que je voulais évoquer, la baisse des crédits consacrés aux soins médicaux gratuits et à l’appareillage. Elle est plus importante que celle des crédits consacrés aux pensions militaires d’invalidité, ce qui pourrait laisser croire que les pensionnés ne bénéficient plus de la même qualité de soins ou que la gratuité n’est pas garantie.
M. Gérard Colliot, vice-président de l’Union nationale des combattants. J’attire tout d’abord votre attention sur la situation inégalitaire des veuves de guerre. La loi du 31 juillet 1962 instituant la pension de veuve de guerre au taux du grade n’a pas d’effet rétroactif. Aussi les veuves de guerre dont le mari a disparu avant cette date continuent à percevoir une pension au taux du soldat, ce qui est injuste pour elles.
Je voudrais évoquer les critères d’attribution de la carte du combattant à nos militaires engagés en opérations extérieures (OPEX). La législation est aujourd’hui très complexe. Dans le passé, ces critères d’attribution ont beaucoup évolué. Alors qu’il était initialement exigé une présence de quatre-vingt dix jours en unité combattante – ce qui n’était guère adapté aux conflits autres que les deux guerres mondiales, les critères ont été complétés par un système de points qui comptabilise notamment les actions des feus puis par la règle des quatre mois de présence pour la guerre d’Algérie et les combats au Maroc et en Tunisie. Il me semble que la variété et la complexité des conditions d’attribution de cette carte sont préjudiciables pour nos combattants et peu adaptée à la réalité de leurs engagements – il n’y a pas en OPEX d’unités combattantes constituées. Je pense donc qu’il faudrait réfléchir dès maintenant à la simplification de ces critères en leur substituant la notion de présence sur le territoire pour une durée de quatre mois.
M. le président Guy Teissier. Les critères d’attribution de la carte du combattant ont été revus récemment et c’est une excellente chose que de l’attribuer plus largement à vos jeunes camarades qui ont servi en OPEX. Je me permets néanmoins de vous faire remarquer qu’il existe en OPEX aussi des unités constituées : il y a toujours un élément faisant corps, un bataillon de chasseurs alpins par exemple, autour duquel se greffent des éléments d’artillerie, de transmission, du service de santé des armées ou encore de l’aviation légère de l’armée de terre (ALAT). Ensuite, les missions qui sont confiées à nos soldats sont très variées et on ne peut mettre sur le même plan ceux qui combattent dans les fonds de vallée et ceux qui gardent l’aéroport de Kaboul !
M. Gérard Colliot. À mon avis, le conflit en Afghanistan ressemble de plus en plus à celui de l’Algérie : l’ensemble du territoire est concerné. Le soldat de garde peut être victime d’un tireur isolé.
M. le président Guy Teissier. Sur ce dernier point, vous avez parfaitement raison. L’aéroport de Kaboul a été victime d’une attaque il y a trois semaines.
M. André Cognard, président de la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie. Si nous nous réjouissons que la retraite du combattant gagne quatre points au 1er juillet 2012, nous avons eu connaissance d’un courrier adressé par les députés Patrick Beaudouin, Jean-François Lamour et Georges Colombier au Président de la République où ils indiquent être favorables à une revalorisation de deux points au 1er janvier et de deux points au 1er juillet. Nous y sommes également tout à fait favorables. Avec une seule revalorisation au 1er juillet 2012, nous ne percevrons en effet l’intégralité de ces bénéfices qu’au 1er janvier 2013. D’ici là, combien de nos camarades nous auront quittés ?
En 2012, nous commémorerons le cinquantième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie. Le 10 mai 2011, nous avons suggéré au ministre de la défense et des anciens combattants de constituer un groupe de travail sur ce sujet. Il n’a pas donné suite. Le secrétaire d’État ne s’est pas non plus exprimé. Nous voulons donc savoir ce qui sera organisé pour commémorer ce cinquantième anniversaire.
M. le président Guy Teissier. Je me permets de vous faire remarquer que quatre points au 1er juillet, ce n’est déjà pas si mal ! Comme nous disons en Provence, « le trop et le pas assez dépassent la raison ». Sur la question du cinquantième anniversaire, nous ne pouvons répondre à la place du Gouvernement.
M. Raphaël Vahé, président de l’Association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre, des combattants pour l’amitié, la solidarité, la mémoire, l’antifascisme et paix. Nous apprécions la revalorisation de quatre points de la retraite du combattant. J’observe néanmoins que les crédits de la mission Anciens combattants sont en recul de 4,52 % par rapport à 2011 alors qu’il existe de nombreux besoins de financement non satisfaits comme l’extension à tous du bénéfice de la campagne double, la décristallisation des pensions ou les mesures de réparation pour les victimes des essais nucléaires. J’espère que le débat parlementaire permettra d’y voir plus clair.
J’espère également que le Parlement suivra de près la refonte du code des pensions militaires d’invalidité – et pourra se prononcer par un vote – car ce projet me semble dangereux.
En conclusion, j’observe que nous ressentons sur le terrain un grand sentiment d’insatisfaction. Il y aura demain un rassemblement devant l’Assemblée nationale pour l’exprimer.
M. Pierre Dürr, secrétaire général de la Fédération nationale des combattants prisonniers de guerre et combattants d’Algérie, de Tunisie et du Maroc. Ma fédération compte 180 000 adhérents, dont 35 000 veuves. Je veux soulever la question de la demi-part fiscale supplémentaire dont bénéficient les anciens combattants et leurs veuves âgés de plus de 75 ans. Celles-ci ne peuvent en bénéficier si leur époux meurt juste avant cet âge et nous trouvons cela regrettable. Nous espérons aussi que cet avantage fiscal ne sera pas remis en cause, comme d’autres niches fiscales, en 2012.
Je m’interroge sur l’efficacité de l’extension du bénéfice de la campagne double aux anciens d’Algérie : en 1999, date d’entrée en vigueur du dispositif, la plupart des fonctionnaires ou assimilés susceptibles d’en bénéficier avaient déjà liquidé leur retraite.
En ce qui concerne la retraite mutualiste du combattant, j’observe qu’elle demeure stable à 125 points, alors que nous en souhaitons 130. Je comprends que cela soit difficile dans le contexte budgétaire que nous connaissons, mais il ne faut pas oublier cet objectif.
Pour conclure, je dirai que le passage à 48 points est une mesure qui suscite chez nous une grande satisfaction.
M. le général Henri Pinard Legry, président de l’Association de soutien à l’armée française. L’ASAF partage les préoccupations formulées par les associations qui se sont déjà exprimées. Je souhaite, pour ma part, insister sur deux points particuliers, relatifs au devoir de mémoire.
La célébration du 11 novembre 2011, tout d’abord. Le comité d’entente, qui regroupe 42 associations de militaires et anciens combattants, a proposé que le 11 novembre commémore dorénavant le sacrifice de tous les soldats morts pour la France depuis ses origines jusqu’aux OPEX actuelles. L’ASAF, membre du comité d’entente, soutient cette proposition. Cette date symbolise parfaitement le sacrifice des Français d’hier et d’aujourd’hui, les armes à la main, pour la liberté et l’indépendance de notre pays.
C’est dans cet esprit que l’ASAF réitère pour la troisième année consécutive, devant la Commission de la défense, après en avoir fait la demande par écrit au Président de la République et l’avoir rappelé la semaine dernière à Henri Guaino, sa demande de voir le chef des armées déclarer officiellement que l’armée française a rempli dans l’honneur et conformément aux ordres reçus, sa mission au Rwanda lors de l’opération Turquoise. Le 11 novembre pourrait constituer une bonne opportunité pour une telle déclaration du Président de la République, très attendue dans les armées.
Au moment où Laurent Gbagbo aujourd’hui, et peut-être demain un président taliban d’Afghanistan et un président islamiste de Libye, dépose une plainte contre l’armée française, il importe que le chef des armées lave l’armée française de tout soupçon quand celle-ci est injustement accusée. Il en va de la mémoire de notre pays qui risque d’être ternie demain parce que la vérité des faits n’aura pas été affirmée sans ambiguïté au moment où il aurait fallu le faire.
Je voudrais également évoquer la commémoration du cinquantième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie. Concernant les soldats français disparus pendant cette guerre, l’ASAF a déjà demandé l’an dernier que soit mise sur pied une cellule du ministère de la défense chargée d’étudier de manière officielle et objective cette question, afin de réaliser un document-mémorial rassemblant les faits connus sur ce sujet sensible.
Concernant les cérémonies du cinquantième anniversaire, l’ASAF souhaite que la présence des représentants de l’État et des armées soit réservée aux seules journées nationales d’hommage, pour éviter de nourrir toute polémique notamment autour du 19 mars. Il s’agit bien de faire de cette année du cinquantième anniversaire, une année de réconciliation nationale entre Français et non de repentance sur notre présence et notre action en Algérie pendant 130 ans.
M. le général Robert Bresse, président de la Fondation de la France libre. Je souhaite insister sur la situation de ceux qui se trouvent aujourd’hui dans une très grande détresse. Tous ceux qui ont rejoint la France libre n’ont pas fait une belle carrière par la suite. Une des missions de la Fondation consiste justement à retrouver ces personnes discrètes et démunies afin de leur venir en aide. Il faut à leur égard faire preuve de solidarité nationale.
De nombreux anciens combattants nourrissent des attentes importantes pour le soixante-dixième anniversaire de la bataille de Bir Hakeim, qui a marqué le retour des armées françaises dans la guerre. Nous souhaitons donc une commémoration rassemblant tous ceux qui selon l’expression du général de Gaulle ont voulu que « la flamme de la résistance française ne s’éteigne pas ». La Fondation s’est d’ores et déjà mise en ordre de marche pour l’organiser. Je tiens à souligner le besoin de reconnaissance des anciens combattants que j’ai rencontrés, qui dépasse largement leurs attentes en matière d’avantages matériels.
M. le président Guy Teissier. À titre personnel je trouve que choisir la journée du 11 novembre comme journée de commémoration de « tous les morts de toutes les guerres » serait un symbole fort. Face au risque de voir le souvenir de la Grande Guerre s’estomper, choisir cette date permettrait de la garder en mémoire pour les générations futures. Il sera néanmoins toujours possible de continuer à commémorer les différentes guerres à d’autres dates. Il n’est pas question d’instaurer un « memorial day », c’est-à-dire une date unique de commémoration comme aux États-Unis. J’espère qu’un consensus autour de cette proposition pourra se dégager et qu’elle sera avancée par le Président de la République lui-même à l’occasion des cérémonies commémoratives du 11 novembre prochain.
M. Patrick Beaudouin, rapporteur pour avis de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». Dans un contexte budgétaire contraint, nous avons eu cette année une très bonne surprise avec les quatre points à partir du 1er juillet. Pour répondre à André Cognard, Jean-François Lamour, rapporteur spécial du budget des anciens combattants pour la Commission des finances, Georges Colombier porte-parole du groupe UMP et moi-même avions effectivement écrit au printemps dernier au Président de la République pour lui suggérer une augmentation en deux temps. Nous avons aussi demandé ici même au secrétaire d’État d’étudier une telle possibilité. Mais je rappelle que l’augmentation de quatre points au 1er juillet représente déjà 18,5 millions d’euros pour 2012.
Nous avons créé l’année dernière une mission d’information de suivi de l’exécution des crédits du budget des anciens combattants. Nous avons pu constater, au cours de nos travaux, que l’exercice de prévision budgétaire était beaucoup plus précis que nous ne l’imaginions. Les crédits dédiés aux pensions militaires d’invalidité ont été exécutés à 98,65 % en 2010 et ceux de la retraite du combattant à 99,92 %. Les marges de manœuvre sont donc presque inexistantes ! En 2011, l’exécution sera vraisemblablement très proche de ces chiffres. Les réserves de précaution ont été levées en cours d’année et il n’y pas eu de « prélèvement indus », à l’exception de ceux effectués en loi de finances rectificative pour le plan pour l’emploi des jeunes et le paiement de l’amende des frégates de Taiwan.
Compte tenu du peu de marge de manœuvre, il faut prioriser les demandes. Nous envisageons de déposer un amendement pour étendre le bénéfice de la majoration de pension des veuves des plus grands invalides, que nous avons créée l’année dernière, à de nouvelles catégories de veuves.
J’ai également pris acte de votre demande d’attribution de la carte du combattant aux soldats ayant accompli leurs 120 jours de présence « à cheval » sur le 2 juillet 1962. Cette mesure concernerait environ 8 000 personnes, pour un montant global d’un peu plus de 5 millions d’euros.
Nous partageons votre volonté de voir apparaître une ligne budgétaire pour l’aide différentielle au conjoint survivant – dont nous sommes à l’origine. Cela lui offrirait une meilleure lisibilité. En 2010, cette aide était versée à 4 537 personnes.
Je pense par ailleurs que plusieurs de vos demandes pourront être satisfaites à l’occasion de la refonte du code des pensions militaires d’invalidité. Nous souhaitons aussi que le monde combattant et la représentation nationale soient associés à ces travaux.
Je rappelle que les critères d’attribution de la carte du combattant OPEX ont été révisés par le décret du 12 novembre 2010 et que la plupart des soldats servant actuellement dans des zones à haute densité, comme en Afghanistan, pourront l’obtenir. 3 000 soldats en ont déjà fait la demande.
En ce qui concerne la demi-part fiscale supplémentaire, si le mari défunt n’avait pas atteint les 75 ans, il ne pouvait pas – par définition – en bénéficier et il est alors logique que sa veuve ne puisse pas en bénéficier non plus, le droit en question n’ayant pas été ouvert. Cet avantage n’est pas concerné cette année par le « rabotage » des niches fiscales.
Le décret concernant l’extension du bénéfice de la campagne double a été avalisé par le Conseil d’État et il n’est pas question de revenir dessus pour le moment. Une modification pour étendre le bénéfice de la campagne double à l’ensemble des anciens d’Algérie représenterait un coût de 2,4 millions d’euros la première année.
J’adhère aux propos tenus par l’ASAF pour soutenir notre armée, notamment sur la question du Rwanda. Nous ne pouvons que nous réjouir de fêter prochainement la bataille de Bir Hakeim. Je souhaite que ce qui se passe en Libye nous permette de déposer à cette occasion la pierre d’un chemin de la mémoire pour la France libre.
M. Michel Grall. Je tiens à saluer le monde combattant représenté dans sa diversité. Il nous appartient d’écouter et de prendre en compte vos observations et demandes. Je me félicite tout d’abord de voir qu’en 2012 la retraite du combattant atteindra les 48 points d’indice : les promesses faites en 2007 sont bien tenues !
Il me semble que le lien entre la Nation et son armée est un élément déterminant pour revitaliser l’esprit de défense dans notre pays. J’aimerais savoir comment les associations d’anciens combattants appréhendent cet enjeu. Quel rôle pouvez-vous jouer au-delà du devoir de mémoire ?
M. le général Henri Pinard Legry. L’ASAF ne sollicite aucune subvention publique, ses ressources étant exclusivement tirées de la cotisation de ses membres et des aides versées par d’autres associations comme la Fédération Maginot. Notre action repose sur le travail exemplaire de nos bénévoles. Grâce à eux nous parvenons à animer un site Internet, à diffuser électroniquement une lettre d’information et à éditer 10 000 exemplaires de notre bulletin.
Le problème du lien entre la Nation et son armée est un sujet vaste qui a d’ailleurs fait l’objet d’un colloque à l’Assemblée nationale en décembre 2010. Il me semble qu’il faut organiser cette relation pour éviter toute marginalisation des armées. Cet enjeu est d’autant plus important que nombre de responsables politiques n’ont désormais plus de culture militaire ni stratégique. Comment peuvent-ils alors saisir la complexité des enjeux de la défense ?
La tentation est grande de faire de la défense une variable d’ajustement du budget de l’État. Ce serait une erreur : les budgets de la défense sont en hausse partout dans le monde, sauf en Europe, ce qui ne manque pas de nous inquiéter.
M. Jean-Jacques Candelier. Je me félicite de participer à ce débat avec l’ensemble des associations d’anciens combattants. Je note tout de même que le budget baisse de 130 millions d’euros, ce qui n’est pas satisfaisant. Environ 60 000 anciens combattants disparaissent chaque année, ce qui réduit certes les besoins mais pas dans cette proportion ! La revalorisation de quatre points est positive mais elle doit intervenir dès le 1er janvier ; nous déposerons des amendements en ce sens.
La question de l’aide différentielle au conjoint survivant a été abordée ; je note malheureusement que rien n’est prévu. Lorsque j’ai interrogé le ministre sur ce dossier, on m’a indiqué que l’ONAC prendrait en compte cette question à compter du mois d’avril. Je crains que son budget ne lui permette pas d’améliorer la situation.
Je ne reviendrai pas sur la campagne double ; je considère que la version actuelle du décret est inique.
Je relève enfin que nous n’avons eu aucune réponse sur la carte du combattant ou sur le régime d’aide aux veuves de guerre.
Il faudra donc que des améliorations significatives soient apportées avant le débat en séance publique, faute de quoi mon groupe votera contre ce budget.
M. Christophe Guilloteau. J’observe qu’entre 1978 et 2006, rien n’a été fait pour la retraite des anciens combattants. Ce n’est que depuis 2006 qu’un effort a été engagé. Il me semble normal que le budget baisse en volume car il tient compte de la disparition de 60 000 anciens combattants chaque année.
Je souhaite revenir sur la question des 120 jours de présence en Algérie : dispose-t-on de données précises à ce sujet ? Sait-on combien de personnes seraient concernées et quel serait le coût de cette mesure en année pleine ?
M. le rapporteur pour avis. Comme je l’ai dit tout à l’heure, environ 8 000 appelés et militaires seraient concernés. Le coût en année pleine est estimé à 5 millions d’euros.
M. Damien Meslot. Comme l’a relevé Christophe Guilloteau, l’évolution du budget est satisfaisante et elle permet de revaloriser la retraite du combattant, ce que les Gouvernements précédents n’ont pas fait. J’ai rencontré beaucoup de responsables associatifs dans mon département qui m’ont fait part de leur satisfaction. Ils craignaient que le contexte budgétaire nous empêche de tenir nos promesses. Le Gouvernement n’a pas fait ce choix ; nous devons nous en réjouir et voter ce budget.
Je suis très sensible à l’honneur de nos armées et j’avoue ma perplexité face à cette volonté de repentance permanente. Pourquoi vouloir salir nos soldats qu’il s’agisse de leur action au Rwanda ou en Algérie ? Notre armée s’est toujours bien comportée et fait honneur à la France ! Partout où nos militaires sont engagés, hier à Bir Hakeim ou au Rwanda, aujourd’hui en Afghanistan ou en Libye, nous pouvons être fiers d’eux !
M. Nicolas Dhuicq. Je suis très ému de rencontrer les associations d’anciens combattants et je voudrais avoir une pensée particulière pour Robert Galley, compagnon de la Libération qui habite dans mon département. J’ai été un peu surpris par la tonalité de certains échanges ; je crois que les associations d’anciens combattants doivent toutes se respecter, quelles que soient leurs divergences par rapport aux dates de commémoration.
J’aimerais attirer l’attention sur l’avenir des porte-drapeaux. Si nous ne veillons pas à leur renouvellement, nous allons bientôt en manquer pour nos cérémonies commémoratives.
Je note également une différence de culture avec nos voisins britanniques. Le coquelicot y est largement porté, aussi bien au Parlement qu’à la télévision. Je regrette que nous ne fassions pas de même avec le bleuet. Nous pourrions par exemple nous engager à le porter dans l’hémicycle.
M. le président Guy Teissier. J’adhère totalement à votre proposition. Il est parfois difficile de le trouver et donc le porter. Il me semble que c’est un beau symbole de reconnaissance que nous devons mieux valoriser. En tant que maire, je me porte acquéreur de suffisamment de bleuets pour que nous puissions le porter lors des cérémonies commémoratives. Pour ce qui est de l’Assemblée nationale, je vous propose de saisir le président Bernard Accoyer de cette question.
M. Daniel Boisserie. Nous exprimons tous notre reconnaissance au monde combattant sans qu’il y ait de monopole ni de polémique à ce sujet. Tous les parlementaires reçoivent un bleuet et nous le portons avec honneur et fierté comme témoignage du respect que nous portons à nos anciens combattants. Nous ne le portons pas dans l’hémicycle car il n’y a pas de séance le 11 novembre.
J’en reviens à l’aide différentielle et je note que nous n’avons, hélas, que des éléments très évasifs. Il est primordial d’avoir des engagements clairs.
Tous les engagements du Président de la République n’ont pas été tenus puisque la situation des anciens combattants en très grande difficulté n’est toujours pas réglée. Peut-être que les représentants des associations pourraient nous indiquer leurs attentes sur ce point ?
M. le rapporteur pour avis. L’article 148 de la loi de finances initiale pour 2011 prévoyait la remise au Parlement d’un rapport sur la situation des anciens combattants les plus démunis. L’ONAC a réalisé cette étude mais nous nous heurtons à une difficulté de taille, la situation des 58 000 anciens combattants issus des territoires autrefois sous souveraineté française. Pour répondre aux exigences du principe d’égalité, ces derniers devraient aussi en bénéficier, ce qui représenterait un coût important. Je crains que nous ne puissions pas résoudre ce problème cette année, mais les travaux sont en cours et nous les suivrons avec attention.
En ce qui concerne la croix du combattant volontaire, j’ai interrogé le ministère à ce sujet et je vous ferai part de sa réponse.
M. Jacques Desallangre. Nous ne pouvons pas nous réjouir de cette hausse de quatre points dans la mesure où nous l’attendons depuis longtemps. Il s’agit moins d’un effort que de la réalisation d’une obligation que nous avions envers le monde combattant. Et je tiens à souligner qu’il faudra attendre le 1er janvier 2013 pour que la mesure soit pleinement effective.
J’aimerais revenir sur le volet social de ce budget. Nous ne pouvons pas nous en tenir au seuil de pauvreté comme critère d’attribution de l’aide différentielle. La France ne peut-elle pas faire plus ? Cette mesure doit en outre être étendue à tous les anciens combattants. Avec la hausse du coût de la vie et la baisse de leur pouvoir d’achat, ils sont en effet de plus en plus nombreux à être dans la gêne et à approcher du seuil de pauvreté.
Par ailleurs, je considère le décret sur la campagne double comme une provocation à l’encontre du monde combattant.
J’aimerais également qu’un effort soit fait pour tous les soldats engagés en Algérie qui n’ont pas cumulé quatre mois avant le 2 juillet 1962. Ils se sont pourtant battus comme les autres et ont droit à la même reconnaissance.
S’agissant du devoir de mémoire, je suis résolument opposé à tout « memorial day ». À vouloir tout regrouper, on risque de banaliser et de confondre des événements très différents. Je crains que peu à peu, le 11 novembre ne l’emporte sur les autres dates. Je suis très réservé sur cette proposition.
Sur la culture militaire des élus, je crois qu’une rupture s’est opérée avec la professionnalisation. Nous sommes passés de l’armée de la République à une armée de métier…
M. Yves Fromion. Vous ne pouvez pas dire cela ! L’armée est toujours celle de la République ! Vos propos sont scandaleux !
M. Michel Voisin. Vous confondez tout : ce n’est pas parce que nos soldats sont des professionnels qu’ils ne sont plus au service de la France !
M. le président Guy Teissier. J’aimerais, mon cher collègue, que vous reveniez sur ces propos : vous ne pouvez pas établir de différence entre l’armée de la conscription et l’armée de métier. Les soldats qui sont aujourd’hui tués en Afghanistan sont des enfants de France comme l’étaient ceux qui sont morts auparavant.
M. Jacques Desallangre. Je n’ai pas voulu offenser nos militaires ; tous servent la France. J’ai simplement voulu souligner l’affaiblissement de la notion de citoyen-soldat.
En conclusion, je note que le budget baisse alors que le Gouvernement nous avait assuré que ces crédits seraient sanctuarisés. Pourquoi ne pas tenir cet engagement ?
M. Yves Fromion. L’initiative qui vise à faire du 11 novembre le jour de la mémoire nationale est un signe extrêmement fort. Il permet en effet de consolider le sentiment d’unité nationale car il ne renvoie pas à telle ou telle guerre en particulier.
En ce qui concerne les quatre points, je considère qu’on ne peut tenir un discours coupé des réalités. La France connaît actuellement d’importantes difficultés économiques et, dans ce contexte, l’effort fait est très significatif et il doit être compris comme un effort de solidarité nationale. Les pouvoirs publics doivent en effet arbitrer entre de nombreuses priorités.
En tant que membre de la promotion Bir Hakeim de Saint-Cyr, je remercie le général Bresse de ses propos et de son initiative !
Je tiens par ailleurs à saluer la mémoire du président Marek, de la FNACA, récemment disparu, et à rendre hommage à son travail.
M. Michel Voisin. Je suis très heureux de saluer ce qu’ont fait le Gouvernement et les parlementaires à travers les engagements qu’ils ont pris lors de la dernière campagne. Pour une fois, les promesses ont été tenues.
Je soutiens ce qu’Yves Fromion vient de dire à propos du président Marek : il a beaucoup œuvré pour une génération du feu qui a fait de grands sacrifices pour notre pays.
La France a connu des heures glorieuses et des heures sombres et c’est ce qui fait la valeur de notre République. Laissons la question du 11 novembre aux associations, laissons à chacun le choix. Tous les soirs, des associations rendent hommage aux morts tombés pour la France à l’Arc de Triomphe. Cela peut se faire dans toutes nos communes. Faisons en sorte que ce devoir de mémoire se pérennise. C’est l’engagement de chacun de nos concitoyens que nous devons valoriser.
Enfin, je tiens à dire que le budget des anciens combattants pour 2012 est un des meilleurs que nous ayons connu depuis une cinquantaine d’années !
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La séance est levée à dix-huit heures quinze.
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