Une tête qui se remplit

Des gens s'endorment sans lire, je ne les comprends pas.

Il me faut mon fix de fiction.

Hier soir, j'ai à peine pu faire mes Adieux à la reine et ai sombré dans le sommeil avant la chûte de Versailles. Un bouquin récolté sur un vide-grenier, dont j'avais cru comprendre à une époque qu'il vous dévoilerait tout sur Marie-Antoinette. La pauvre biche demeure une apparition, mais on y apprend les moeurs du Château, entre repas gargantuesques et crasse. J'ai aussi acheté une doudoune noire au vide-grenier. Presque neuve. Je me demande s'il y avait des vides-grenier, ou tout du moins des dépôts-vente, en ce temps. Ca devait s'appeler le pillage.

J'ai sangloté dans un RER qui m'amenait à l'aéroport Charles-de-Gaulle pour m'envoler en Inde, à la lecture D'autres vies que la mienne, un livre que j'avais rejeté un soir d'errance à Toulouse, où, à la recherche d'un ouvrage pour m'abrutir, j'avais fait mon choix au Relay de la gare Matabiau. J'avais parcouru 3 femmes puissantes, La délicatesse et celui-là, sans me résoudre à prendre de l'auteur français. Me rendant dans la ville-même où Emmanuel Carrère écrit parfois - Pondicherry - dans une maison pourvue d'un éléphant - c'est inspirant - je me suis obligée à le lire. Étonnamment, j'ai été envoutée, il y a de l'Europe là-dedans et une superbe explication du phénomène d'endettement. Et puis des gens meurent. Ce n'est jamais inintéressant.

Fans de Melancholia et d'Another Earth, il vous faut prolonger ce bienheureux effroi de fin du monde avec En un monde parfait, de Laura Kasischke, la meilleure écrivaine américaine juste avant Joyce Carol Oates. C'est très simple, ça se vit, une disparition du monde occidental. Moi, j'étais sur la Côte sauvage de Batz-sur-Mer le lisant et je chérissais d'autant plus le Cocci à proximité de l'appartement. Même s'il était peu achalandé.

J'ai découvert une fausse monnaie, Khadra Yasmina, dont le thème du bouquin L'attentat m'attirait, l'histoire d'une arabe israélienne sans histoire qui se fait sauter en l'air (je présume que des morceaux de chaire volent). Heurk, l'écriture n'est pas à la hauteur du sujet, ici, ce sont les clichés les vrais terroristes. J'en étais d'autant plus marrie que je soigne habituellement le rapport qualité / poids des livres qui m'accompagnent en voyage. Enfin, mon courroux est vite passé, à la vision de ce troupeau de vaches paissant sur la plage de Mamallapuram.

Et puis l'un des charmes de l'Inde et non des moindres est leur magnifique collection de P.G. Wodehouse, l'auteur qui m'attirait le plus dans cette librairie de Madurai un peu trop bien fournie en traductions de Mein Kampf, la fascination du pays pour l'homme et son système constituant un contrepoint, et non des moindres, au charme sus-mentionné. J'en ai pris un de la série des Blandings Castle (Leave it to Psmith), ça se dévore, Earl Grey, scones, blublublu. Mais c'est comme tous les anglais, dès qu'ils s'exilent aux Etats-Unis, les pauvres se gâtent, Sally entre en scène est à ce titre fort dispensable. J'avais mes dernières roupies à dépenser, en transit à New Dehli et le maquillage libre de devoir n'était vendu qu'en feu euros, la monnaie, donc voilà pourquoi je l'ai acheté. Juste du Easy-reading.

Mais la vraie découverte de l'été, l'urgence, c'est What is the what ou Le grand quoi de Dave Eggers dont j'avais déjà fait le panégyrique ainsi que celui de sa petite copine. Ca vaut des explications que je ne donnerai pas maintenant car il me faut sécher mes cheveux. Le drame de tous mes samedis après-midi.