Laurent Wauquiez a la mémoire courte. Avant de prendre du galon et de devenir ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, le maire du Puy-en-Velay a exercé les fonctions de secrétaire d'État chargé de l'Emploi. Oubliant les bataillons de chômeurs issus d'une désindustrialisation galopante de notre pays, Laurent Wauquiez propose aux étudiants des tablettes numériques et une connexion Internet 3G au prix de 1 euro par jour pendant deux ans qui fait appel à Apple ou Samsung et écarte Archos, une société hexagonale performante qui tente de se faire une place.
L'affaire a été rendue publique par un business Angel, Nicolas Méary, un entrepreneur trentenaire, membre de la commission Économie du Mouvement Démocrate. Le 14 octobre dernier, il publiait une tribune dans Les Echos, dans laquelle il pointait notamment le fait que, "le choix de ne pas retenir le français Archos pour équiper les étudiants français est symbolique de l'attitude de l'administration qui, sous prétexte de ne pas prendre de risque, ne soutient pas ses PME".
En l'espèce, l'administration a bon dos. Car si cette dernière propose, c'est bien le responsable politique de celle-ci, à savoir le ministre, qui dispose. Dans ce cas précis, tablette rime avec boulette.
Nicolas Méary pointe cependant un vrai problème. Au-delà du fossé entre les discours sur le patriotisme économique et les actes de soutien à l'industrie française, le cas Archos témoigne du peu d'intérêt du gouvernement pour les PME. Nicolas Sarkozy et ses ministres n'ont d'yeux, et c'est bien le problème, que pour le CAC 4O et ses dirigeants, systématiquement associés aux voyages présidentiels. De PME point.
Nicolas Méary souligne que, "l'entreprise Archos est une PME dont les produits sont conçus et développés en France et, comme pour la plupart des constructeurs européens et américains, sont fabriqués en Chine par des sous-traitants". On rajoutera que cette PME est un fleuron de notre industrie informatique et qu'il ne lui manque qu'une petite poussette pour qu'elle décolle enfin de son statut de nain du secteur.
Faut-il se résoudre à voir le nom d'Archos rejoindre le cimetière très peuplé de l'informatique française ? En dirigeant de PME, Nicolas Méary fait une proposition de bon sens : plûtot que d'imposer une marque de tablette dans l'offre financée par l'Etat mais gérée par l'opérateur Orange, pourquoi ne pas laisser les étudiants choisir leur tablette ?
La réponse de Laurent Wauquiez est affligeante. Le ministre a indiqué qu'il était là "pour les étudiants", pas "pour faire le VRP des constructeurs" et que le "système Archos, qui venait d'implanter Android, n'était pas totalement stable". Loin de soutenir l'industrie nationale, le ministre envoie donc un message infondé de défiance. Et quand Nicolas Sarkozy assume ouvertement son rôle d'agent commercial des grands groupes, Laurent Wauquiez préfère jouer les fossoyeurs des PME oubliant au passage que si on ne veut pas que "ses étudiants" soient les chômeurs de demain, il leur faudra bien des entreprises pour les accueillir.