La crise de la zone euro change la façon dont l’Europe fonctionne, avec de nombreuses conséquences qu’il convient d’analyser. La grogne commence à monter parmi les États de l’UE non membres de la zone euro, Royaume-Uni en tête.
Un article d’Open Europe
Les discussions sur la crise de la zone euro vont encore continuer, mais pour ceux qui sont intéressés, les conclusions du sommet de l’UE de cette semaine sont disponibles ici. Il n’y a pas eu d’annonce inattendue étant donné que la plupart des décisions ont été reportées à la réunion supplémentaire de mercredi prochain, et bien que la plupart des dirigeants de l’UE ont fait de leur mieux pour affirmer lors de leurs conférences de presse respectives que les discussions « ont bien progressé ». Quelques éléments :
- Il a été décidé qu’une réunion du Conseil européen des 27 aura lieu en amont du sommet de la zone euro de mercredi : il s’agit d’une concession au Royaume-Uni, à la Pologne, à la Suède et aux autres pays qui ne sont pas dans l’euro.
- Le moyen de donner au FESF un effet de levier n’a pas encore été décidé ; deux options seraient en discussion. Aucune d’entre elles, heureusement, n’impliquerait la BCE (selon Merkel).
- Il n’y a pas eu d’accord sur le cas grec.
- Il semble que les dirigeants européens sont tombés d’accord sur la recapitalisation des banques, la plupart des comptes-rendus indiquant que les dirigeants pensent qu’une injection dans le secteur bancaire de 100 milliards d’euros (plus ou moins quelques milliards) est nécessaire, provenant en priorité d’argent privé, puis des États et enfin, en dernier recours, du FESF.
- Du point de vue britannique, il est intéressant de noter que ces conclusions provisoires stipulent qu’un éventuel changement des traités européens devrait être accepté par chacun des 27 pays membres. Ce serait bien sûr le cas pour un changement au Traité européen actuel, par définition, mais il se peut qu’il s’agisse d’une tentative du Royaume-Uni et d’autres, d’empêcher la zone euro d’élaborer un traité pour elle seulement (similaire aux accords de Schengen), ce qui ôterait au Royaume-Uni et aux autres pays non-membres de la zone euro leur pouvoir de veto sur des changements qui pourraient avoir des impacts indirects, mais importants, sur eux.
Lors de sa conférence de presse, David Cameron a également indiqué que des changements de traité européen pourraient être mis à profit pour « servir les intérêts britanniques », ce qui est intéressant. Cameron tenait probablement à envoyer un message aux sceptiques du Royaume-Uni, en amont du vote de lundi à la Chambre des communes (House of Commons) sur une motion demandant un referendum sur la sortie de l’UE. Mais en augmentant ainsi la mise, il aura des problèmes s’il n’arrive pas à obtenir des garanties ou même des restitutions de pouvoir, lorsque des changements de traité européen ou même une intégration supplémentaire intra-zone euro seront négociés (ces changements pourraient commencer à être discutés dès décembre). Il sera sous pression même si les changements ne concernent en théorie que la zone euro.
Comme nous l’avons déjà montré, la crise de la zone euro change la façon dont l’Europe fonctionne, avec toutes sortes de conséquences, par exemple d’emmener l’UE dans une direction « intergouvernementale » [NdT : à l’opposé du fédéralisme]. Les conséquences pour le gouvernement de coalition du Royaume-Uni ne sont pas claires, néanmoins : Cameron et Clegg ne peuvent pas ignorer le sujet européen pendant la législature actuelle, ce qu’ils avaient initialement prévu de faire. Le statu quo n’est plus une option, qu’ils le veuillent ou non.
Lors de sa conférence de presse, Cameron a signalé le risque d’une zone euro davantage intégrée prenant alors seule des décisions qui auraient des impacts considérables sur l’économie britannique, mais sans que le Royaume-Uni soit présent à la table de négociation, par exemple concernant le commerce et le secteur financier. Il a absolument raison de souligner ce risque.
Mais il se trompe lorsqu’il dit, comme il l’a fait à la conférence, que nous ne devrions pas monter sur nos grands chevaux concernant un éventuel changement de traité, car ces changements « prennent des années ». S’il est vrai que c’est un processus lent, la clef pour influer sur le projet lors des négociations européennes est d’y participer tôt avec des objectifs bien définis, ce qui signifie que la coalition doit élaborer dès maintenant son plan pour réformer l’Europe. Pas en prenant des poses ou en visant des buts symboliques sans intérêts, mais par un plan concret, réaliste, pouvant s’intégrer dans l’accord politique qui devrait découler de la crise de l’euro, quel que soit le tournant que cette crise va prendre. On notera qu’il y a une différence cruciale entre la crise immédiate, qui ne pourra pas être utilisée, et les longues négociations politiques qui lui succéderont, où le Royaume-Uni n’a pas d’autre choix que de participer avec son propre ensemble de demandes (comme tous les autres pays).
Après le vote de demain à Westminster sur un référendum sur la sortie de l’UE, c’est sur ces aspects que le débat sur la réforme de l’UE aura probablement à se porter.
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Sur le web
Traduction : Filibert pour Contrepoints