Crise des dettes souveraines : l’Italie, catastrophe annoncée

Publié le 24 octobre 2011 par H16

Le sommet européen qui s’est achevé dimanche a débouché, comme on pouvait s’y attendre, sur pas grand-chose. Et mercredi, c’est promis, il y aura un accord. En pratique, si nos dirigeants semblent avoir progressé, quitte à faire passer l’ensemble pour une victoire qui va se terminer en apothéose dans les prochaines heures, la situation reste tendue. Pire : on ne peut pas être réellement rassuré lorsqu’on lit les déclarations officielles suite à ce sommet…

Pour résumer ce qui est en train de se mettre en place, on en arrive donc à la solution suivante :

  • se débrouiller pour que la Grèce ne s’endette pas plus,
  • faire accepter aux créanciers une perte d’au moins la moitié de ce qui a été prêté à la Grèce,
  • augmenter le Fonds de soutien pour le passer de gros à hippopotamesque.

Les Etats ont donc décidé, unilatéralement, que leurs dettes pouvaient ne pas être dues et que le meilleur moyen de lutter contre la dette consistait à la noyer dans … de la dette. Tout montre donc que nos politiciens n’ont qu’un unique mode de pensée, que c’est ce mode qui nous a mis dans cette situation en premier lieu et qu’ils espèrent nous en sortir en accélérant la cadence.

Notez qu’en plus de tout cela, l’hypocrisie règne en maître puisqu’à aucun moment n’aura été admis que la Grèce, effectivement, est en faillite, qu’elle a fait défaut.

Dans les prochains jours, on va donc encore parler de dizaines de milliards par ici, de dizaines de milliards par là. Et comme pour le moment, un euro ne vaut pas complètement rien (certes, il en faut 1200 pour acheter une once d’or), ces petits milliards finissent par faire une jolie somme. Et de fil en aiguille, les milliards tournent, les % de croissance et autres indicateurs plus ou moins foireux s’empilent, et rapidement, on perd pied au point qu’on oublie qu’il s’agit, essentiellement, de notre argent, ou de l’argent futur qu’une génération à venir va devoir aller chercher on se demande bien où.

Mieux : on en vient à oublier comment on en est arrivé là… C’est pour cela que je me suis fendu de quelques petits graphiques.

Le premier, ci-dessous, présente le traditionnel pourcentage de dette rapporté au PIB. Cet indicateur permet, assez grossièrement, d’indiquer la solvabilité d’un état. Plus ce % est élevé, moins la dette sera facile à rembourser, et moins l’état sera solvable.

Je me suis concentré sur les pays suivants : Grèce, Italie, Allemagne, France, Grande-Bretagne, Espagne et Portugal. La Grèce, on comprend pourquoi assez vite ; j’ai inclus quatre gros pays que sont l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la France et l’Italie. Et j’ai inclus l’Espagne et le Portugal puisqu’ils ont été, récemment, dégradés par les agences de notations et ont été régulièrement cités comme traversant la crise avec beaucoup de difficultés.

Lorsqu’on regarde l’évolution de l’indicateur Dette / PIB sur les 10 dernières années, on obtient ceci pour les pays choisis :


(cliquez sur l’image pour l’avoir en taille normale)

Déjà, une tendance se dégage et on comprend que l’Italie, bien avant la France, fasse un peu peur aux argentiers de la planète. Un autre élément permet d’apprécier ce qui se passe actuellement en Europe, c’est la variation de cet indicateur dans le temps. Le grec, littéralement, fait des bonds. Et c’est l’anglais qui, là, laisse un petit goût de « trop vite ».

Le second graphique, quant à lui, montre cette fois-ci la dette en valeur. Et là, le tableau se fait de plus en plus précis. On y découvre une Allemagne baignant dans la dette à des niveaux records. Et juste après, … l’Italie. Décidément, ce pays semble le prochain gagnant d’une catastrophe financière majeure, dont la caractéristique sera d’être absolument impossible à éponger. Et lorsqu’on sait que les banques françaises sont massivement investie dans la dette italienne (comme en témoigne cet amusant graphique) on comprend que si l’Italie tombe, la France tombe aussi, très vite.


(cliquez sur l’image pour l’avoir en taille normale)

C’est d’ailleurs le principal enseignement du graphique : si la Grèce pose tant de problèmes, elle est, en regard des volumes considérés, extrêmement modeste par rapport aux autres pays. L’Espagne, la Grande-Bretagne, l’Italie et bien sûr la France représentent chacun plusieurs fois les volumes d’une dette grecque qui a déjà, ipso facto, paralysé l’Europe.

On imagine donc sans mal que tout petit hoquet, tout incident même mineur, dans un remboursement de l’une de ces dettes majeures provoquerait des sueurs froides chez nos dirigeants qui, s’ils ne comprennent manifestement rien de ce qui se passe, ont au moins capté qu’il n’y aura jamais, quoi qu’ils fassent, assez d’argent pour sauver ces pays.

Maintenant, cette valse de milliers de milliards (on parle de près de 8000 milliards d’euros si l’on ne considère que les pays présentés dans ce graphique, en 2010) ferait presque oublier qu’elle ne doit, pourtant, rien au hasard.

Toutes ces dettes, ces montagnes de dettes, ces Everest caillouteux de dettes colossales ne sont pas apparus, du jour au lendemain, pouf, sans crier gare. Tout ceci est la conséquence logique, implacable, politiquement gênante mais absolument inéluctable de choix politiciens.

Celui, par exemple, de mentir en prétendant que ces dettes étaient soutenables, à court, moyen et long terme.

Celui, par exemple, de penser qu’acheter la paix sociale maintenant valait largement les sacrifices futurs. La tronche de ces sacrifices, maintenant, laisse un goût âcre, ne trouvez-vous pas ?

Celui, par exemple, de prétendre qu’un Etat est différent d’une entreprise et qu’il n’a pas besoin d’avoir un budget rigoureux, équilibré, et pfouah !, même pas mal.

Et cela donne la jolie illustration suivante. Prenons le budget 2010 français, par exemple ; il est plus simple que le 2011, dont le déficit total est encore imparfaitement connu. Eh bien on obtient ceci : pour chaque billet de 10€ dépensé, l’état va s’endetter de 9€ pour arriver à financer tous les choix politiciens de merveilleux outils d’oppression douce.


(cliquez sur l’image pour l’avoir en taille normale)

Empilez ce graphique, d’année en année, et vous obtenez les monceaux de dettes fumantes précédemment évoqués. Pour les politiciens, l’explication au marasme est alors évidente : ce sont les autres, à commencer par les banquiers, ceux qui ont prêtés, qui sont donc responsables de la crise, pardi !

Imparable, non ?