Elles dansent avec le Tout

La saison des grandes marées annonce habituellement une période de bourrasques débridées. C’est ce qui arriva dans les environs de chez moi jeudi dernier. Par la fenêtre du salon, je vis le vent entraîner dans une valse endiablée des feuilles nouvellement tombées et, si vous me passez l’expression, passablement délurées.

Ce fut la désinvolture de leur farandole qui captura mon attention. En un bond, je délaissai le clavier pour m’adonner à une séance photos improvisée. Objectif que j’oubliai peu après avoir mis le nez dehors.

Car un autre dessein se fit sentir encore plus fort.

Moi aussi, je voulais accueillir les caresses de ce dieu éolien et permettre à ses rafales de me ragaillardir un brin. C’est ainsi que la magie du moment m’offrit un autre présent…

À observer les feuilles tourbillonner dans un tel abandon, j’en vins à perdre du temps toute notion. Au début, ce fut leur danse dans tous les sens qui me captiva. Légères comme l’air, elles s’approchaient de moi, reculaient, montaient, descendaient, à l’unisson d’un mystérieux diapason.

Et prestement, elles se séparaient pour emprunter, par petits groupes, des directions opposées.

Puis, elles faisaient une pause. Pas le moindrement essoufflé, le vent s’élevait afin d’enlacer des branches plus ou moins dénudées. Secoués de tous côtés, les arbres grinçaient et râlaient sans se gêner.

Bien sûr, les mieux nantis par la nature agitaient leur flamboyante chevelure.

Puis, une autre pause. Élégamment dispersées un peu partout, les feuilles frémissaient de bonheur, juste avant que leur partenaire s’empare d’elles de son étreinte gigantesque et les emporte dans une autre de ses fougueuses arabesques.

Totalement absorbée par la scène, j’eus l’impression que ce zéphyr aux allures dévergondées m’étreignait à mon tour. Car rien ne sembla alors exister que ma joie d’être là. Je vous écris ces mots les yeux dans l’eau… En tant que goutte, c’est ce que je ressens chaque fois que je communie avec l’océan.

Comment aurais-je pu imaginer que l’envie de prendre quelques clichés se transformerait en une si céleste envolée? Jeudi matin, le divin me tendit la main. Grâce aux feuilles et au vent fou, je pus danser moi aussi avec le Tout.

Son messager, le bonheur, est vraiment persévérant.

Il renouvelle constamment sa panoplie de stratégies pour nous extirper de notre torpeur et célébrer avec lui la joie d’exister. Vous venez de découvrir le plus libre de ses complices!

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