Déjà pressentie par le philosophe chrétien Jean Guitton, la "vive accélération du temps» conduit par exemple le sociologue et philosophe allemand Hartmut Rosa à évoquer une «identité performative" de l’être humain: ce dernier, explique le professeur à l’Université Friedrich Schiller de Léna, se voit "contraint à toujours surfer sur le haut de la vague", sans s’interroger sur la "direction à prendre, c'est-à-dire le sens à donner à sa vie". Une existence placée sous l’empire de "l’immédiateté" et du "toujours plus"" et incapable de supporter la moindre défaillance qu’elle assimile à la chute. Une dysrythmie planétaire à l’origine de graves ruptures identitaires par ailleurs dénoncées à l’unisson par les sociologues et les spécialistes de la psyché: l’anthropologue et professeur émérite des Universités François Laplantine la tient pour une "décompression" susceptible d’éclairer l’engouement des hommes pour les nouvelles religiosités, croyances et autres spiritualités multiformes tandis que le psychiatre et organisateur de ce Congrès Jean Furtos pointe l’apparition de nouvelles pathologies mentales d’autant plus imperceptibles qu’elles sont masquées par les pratiques communes et répandues de la mondialisation. Pour la première fois aussi dans un forum psychiatrique, un atelier évoquait, sous la coordination de la psychanalyste lyonnaise Joëlle Rochette, la question de la "construction du cerveau social chez le bébé à l’épreuve de la précarité". Effet positivement pervers, la «globalisation» suscite fort heureusement une prise de conscience aussi large que ses symptômes jusque dans des régimes parfois rétifs à la considération des besoins humains. Venu spécialement de Chine, le professeur Qin Hui du Département d’Histoire de l’Université Tsinghua a tenu, devant une assistance médusée, un langage aussi courageux qu’inattendu sur les pratiques d’internement asilaire dans l’Empire du milieu: il a évoqué avec force chiffres et cas cliniques, les "évolutions favorables à l’humain de la psychiatrie chinoise" dont les membres n’hésitent parfois plus à "s’opposer au diagnostic administratif" tout en soulignant "le rapide développement des thérapies analytiques" dans son pays. Avec, en outre, une audacieuse pointe d’humour comparatif à propos des méthodes russes: "en Russie, on interne des hommes sains qu’on fait devenir fous, en Chine, on amène à l’hôpital psychiatrique des hommes réputés fous qu’on relâche sains !".
Une "Déclaration de Lyon" rédigée par les organisateurs et des "recommandations" signées par les deux cents intervenants énoncent une dizaine de principes fondamentaux centrés sur la notion de "précarité" définie par Jean Furtos sur la base du "hilflosikeit" freudien de l’enfant: le "besoin absolu d’autrui pour vivre" et "qui s’oppose à l’exclusion". Rappelant que les "contextes sociaux, économiques et politiques sont susceptibles de faire basculer massivement les liens humains du côté de la méfiance", le Chef de service à l’Hôpital du Vinatier et Directeur de l’Observatoire des Pratiques en Santé Mentale et Précaire propose d’instaurer une organisation pérenne sous la forme d’un "Observatoire International sur la Mondialisation et l’Ecologie humaine", espace public mondial en charge "d’objectiver, mesurer et qualifier les effets psychosociaux défavorables de la mondialisation" tout en cherchant à promouvoir une "écologie du lien social", à même de responsabiliser décideurs politiques et pouvoirs économiques. Une tâche ardue et à contre-courant mais soutenue, si l’on en croit sa participation massive aux nombreux symposiums du Congrès, par un public très engagé.
http://congresdescinqcontinents.org/fr
La vue à partir du Mont Saint Michel en fin d’après-midi parait comme si l’on était sur une île e...