Comment connaît-on la distance et la composition des étoiles ?
Bonne, très bonne question ! Et bien voici la réponse : tout ça ne s'est pas fait en un jour, et ce que nous connaissons de l'univers est le résultat de tout un tas de mesures et de déductions qui ont pris plusieurs siècles. Alors pour tout résumer dans une seule page web, ça ne va pas être de la tarte ! Et pourtant, ami lecteur, c'est ce que je te propose ici !Il faut savoir que les astronomes sont capables de vrais miracles, comme d'estimer à quelque pour cent près la distance d'une galaxie lointaine, ou de déterminer rien qu'en observant une étoile : son âge, sa composition chimique, sa luminosité absolue, si elle possède des planètes, et même de prédire son destin futur... Mais il y a seulement cent ans on ne savait rien de tout cela. Pire, en 1835 le philosophe Auguste Compte affirmait que "connaître la composition chimique du soleil est l'exemple même d'une connaissance qui sera à jamais inaccessible à l'intelligence humaine". Grossière erreur !
Pourtant, dès 1680 Isaac Newton avait montré qu'un simple prisme pouvait décomposer la lumière en un arc-en-ciel:
Et dès 1814, un dénommé Joseph von Fraunhofer avait détecté d'étranges raies sombres dans le spectre du soleil, mais il fallut attendre 1865 avant que deux chimistes, Bunsen et Kirchhoff, comprennent que ces lignes pouvaient fournir la composition du soleil...
En effet chacune de ces raies est caractéristique d'un atome ou d'une molécule. Ainsi dans le spectre ci-dessus nous voyons quelques raies caractéristiques de l'atome d'hydrogène (H) et du Sodium (Na). Grâce à ces raies, on peut donc déterminer, à distance, la composition chimique du Soleil :
Hydrogène 73,5 %
Hélium 24,9 %
Oxygène 0,77 %
Carbone 0,29 %
Fer 0,16 %
Néon 0,12 %
Azote 0,09 %
Silicium 0,07 %
Magnésium 0,05 %
Soufre 0,04 %
Plus quelques traces d'autres éléments (comme le Sodium). Eh oui, Auguste compte avait bien tort... Un peu plus tard on arriva à obtenir le spectre d'autres étoiles et on trouva que leur composition est assez semblable à celle du Soleil : Principalement de l'hydrogène et de L'Hélium, qui sont donc les deux éléments les plus abondants dans l'Univers.
Bon; OK, la spectroscopie c'est magique, ça nous dit de quoi les étoiles sont faites rien qu'en étudiant leur lumière. Mais cela ne nous dit rien sur leur taille, leur distance, leur puissance et leur mode de fonctionnement. Alors comment faire ?
Oui, comment estimer la distance des étoiles ? Et tout d'abord, celle du Soleil à la Terre ?
Dès l'antiquité, en 289 avant JC, Aristarque de Samos avait compris que les éclipses de Soleil étaient dues au fait que la Lune passait devant le Soleil, qui était donc plus loin. Mais combien plus loin ?
Pour le savoir, Aristarque mesura l'angle entre le Soleil et la Lune au moment précis où la lune est demi-pleine (une mesure difficile !) Si cet angle valait 90°, cela signifierait que le soleil est infiniment plus loin que la Lune. Mais l'angle est plus petit que 90° : Il vaut 89,853° si bien que le soleil est 390 fois plus loin que la Lune.
(parce que 1/cosinus(89,853)=390).
Quant à la distance terre-lune, la plus simple façon de l'estimer est de mesurer la parallaxe, c'est à dire la différence d'angle selon lequel on voir le même point de la lune vu de deux endroits très éloignés sur la Terre. la première mesure de la parallaxe Terre-Lune eut lieu en 1732, longtemps après Aristarque, parce que Aristarque n'avait pas les moyens de se rendre en Chine ou en Afrique du Sud pour faire la seconde mesure ! On trouva donc que la Lune est à 380 000 Km de la Terre.
Aujourd'hui, parce que nous connaissons la masse de la Terre, celle de la Lune et la valeur de la constante G de la loi de la gravitation universelle, nous pouvons calculer directement la distance Terre-Soleil sans recourir à ces acrobaties géométriques, mais à l'époque d'Aristarque, c'était un bel exploit. Donc cette distance Terre-Soleil est de 149 600 000 Km en moyenne. (Je dis en moyenne, parce que la terre ne décrit pas un cercle parfait autour du soleil, mais une ellipse très légèrement allongée).
Vu que lors d'une éclipse solaire la Lune et le Soleil ont quasiment le même diamètre apparent, cela signifie que le diamètre du soleil est 390 fois celui de la Lune, et comme la lune est à peu près 4 fois plus petite que la Terre, le Soleil est à peu près 100 fois plus grand (en diamètre) que la terre (exactement 109,6 fois plus grand) et donc, en volume, il est 1 300 000 fois plus grand, ou si vous préférerez, le Soleil pourrait contenir 1 300 000 Terres...
OK, mais la distance des étoiles ?
Le problème était difficile : les étoiles même celles qui sont "proches", sont très loin. La mesure de leur parallaxe est impossible depuis deux points sur la terre. Ah oui, mais la terre tourne autour du Soleil ! Donc en effectuant une mesure d'angle sur une étoile, puis la même mesure six mois plus tard, on bénéficie d'une "base" de 300 000 Km pour mesurer la distance de l'étoile. Même ainsi, ces mesures sont très difficiles : la parallaxe est de quelque dixièmes de minutes d'arc, pas plus ! C'est à l'allemand Bessel que revint le mérite de déterminer, en 1838, pour la première fois la distance d'une étoile autre que le Soleil (il s'agissait de l'étoile 61 du Cygne). On découvrit alors que les étoiles sont très loin : les plus proches sont à plusieurs dizaines de milliers de milliards de kilomètres de nous.
(Comme vous le savez sans doute, l'unité de distance la plus pratique pour mesurer les distances stellaires est l'année-lumière, qui est la distance que parcourt la lumière en une année : une année-lumière vaut environ 1013 km, c'est à dire dix mille milliards de kilomètres)
Grâce au satellite européen Hipparcos, Nous connaissons maintenant les parallaxes (et donc les distances) de près de 100 000 étoiles !
Oui, mais pour les autres ? Celles qui sont tellement éloignées qu'on ne peut mesurer leur parallaxe ? On procède indirectement. La première méthode est simple, mais grossière : plus une étoile est loin, moins elle semblera lumineuse. En mesurant sa luminosité apparente, et en supposant que cette étoile a a peu près la même luminosité réelle que le Soleil, on peut estimer sa distance. Mais le problème, c'est que, comme les mesures de parallaxe et de luminosité qui s'accumulaient au fil du temps l'avaient montré, les étoiles n'ont pas toutes la même luminosité vraie, et de loin. Non, décidément, cette méthode était trop grossière. Il fallait arriver à déterminer précisément la luminosité vraie des étoiles. Mais, à moins d'aller se rendre compte sur place (ce qui est évidemment impossible) comment faire ?
En fait on y est arrivé progressivement, par approximations successives : les mesures de distance correctes (par parallaxe), de luminosité et de spectre ont en effet montré que l'on peut classer les étoiles en catégories, et que les étoiles d'une même catégorie ont a peu prés la même luminosité vraie. On peut en effet classer les étoiles par leur type spectral, comme suit :
On distingue les types O,B,A,F,G,K, M, que les astronomes retiennent grâce à la phrase : "O Be A Fine Girl, Kiss Me !" Et on constate que, hormis les étoiles supergéantes rouges et les naines blanches qui sont très reconnaissables par leur spectre, la plupart des étoiles se situent sur la diagonale descendante, que l'on appelle la séquence principale. (Le soleil est aussi sur cette séquence, et c'est une étoile de type G)
Et cela fournit effectivement un moyen de relier (pour la plupart des étoiles) leur type spectral à leur luminosité vraie, et donc de déterminer leur distance.
Certaines étoiles permettent des mesures encore plus précises : Les Céphéides, ainsi appelées parce qu'on trouve beaucoup de ces étoiles dans la constellation de Céphée. Il se trouve que ces étoiles sont des étoiles variables (dont la luminosité vraie varie périodiquement en fonction du temps), et que leur luminosité vraie est inversement proportionnelle à leur période. Les Céphéides sont donc comme des chandelles dont on connaît la vraie luminosité : lorsqu'on en trouve au milieu d'un paquet d'étoiles proches les unes des autres, on peut donc déterminer d'un coup la distance de ce paquet d'étoiles... C'est ce qui a permis de déterminer la distance de la galaxie d'Andromède, et d'autres galaxies, et de prouver qu'elles étaient beaucoup plus loin qu'on ne l'imaginait.
Pour d'autres galaxies, encore plus lointaines, on n'arrive plus, même avec des télescope spatiaux, à les "résoudre" en étoiles indépendantes, et on se base sur les types spectraux globaux de groupes d'étoiles (par exemple le noyau de ces galaxies) : en effet les étoiles ne naissent pas isolées, et la plupart d'entre elles font partie de groupes d'étoiles qui ont le même âge et sans doute une origine commune.
Enfin pour trouver la distance de galaxies très lointaines, on se base sur deux choses :
- les super nova, des étoiles qui explosent. Comme nous allons le voir, il existe trois types de supernova, et pour un type donné leur luminosité absolue est à peu près constante.
- le décalage vers le rouge : plus une galaxie est lointaine, plus son spectre est décalé vers le rouge. On interprète généralement ce résultat en disant que plus une galaxie est lointaine, plus elle s'éloigne de nous rapidement, et donc que l'univers est en expansion.
Car on peut aussi déterminer l'âge des étoiles : Comment fait-on ? En fait ce sont les physiciens qui ont ici donné un coup de main aux astronomes : ils sont arrivés à comprendre comment fonctionnaient les étoiles ! Elles fonctionnent par fusion nucléaire, en convertissant, dans leur coeur à une température fantastique, des atomes légers en atomes plus lourds, ce qui produit de l'énergie. Les étoiles jeunes convertissent l'Hydrogène en Hélium, et donc les étoiles plus âgées contiennent plus d'hélium. L'hélium étant plus lourd que l'hydrogène, il "coule" lentement vers le coeur de l'étoile et s'y accumule. A un certain moment, la pression et la température de ce noyau d'hélium devient tellement énorme qu'une nouvelle réaction nucléaire s'enclenche et l'hélium se convertit en carbone et oxygène, produisant une énorme énergie qui fait gonfler démesurément l'étoile (sans la faire exploser). Le soleil entrera dans cette phase dans environ cinq milliards d'années. Cependant cette phase est bien plus brève (quelques milliers d'années), car la nouvelle réaction est plus bien plus rapide que la conversion de l'hydrogène en hélium. La plupart des étoiles ne vont pas plus loin : leur hydrogène s'épuise, puis leur hélium, et elles s'éteignent doucement, devenant de plus en plus froides : elles deviennent ce que l'on appelle des naines blanches, puis des naines rouges.
Ainsi la mesure (par spectrométrie) de leur composition chimique nous donne directement l'âge des étoiles : plus elles contiennent d'hélium, plus elles sont vieilles. (Les étoiles jeunes possèdent un peu moins de 20% d'hélium, car telle est la proportion d'hélium qui a été produite au moment du big bang . En fait la théorie standard dit que le big bang n'a produit QUE de l'hydrogène et de l'hélium : tous les autres éléments, y compris le carbone dont nous sommes faits, a été synthétisé dans le coeur des premières étoiles, disparues depuis bien longtemps).
Les astrophysiciens ont aussi déterminé la loi donnant la durée de vie des étoiles en fonction de leur masse : contrairement à l'intuition, plus elles sont grosses, moins elles vivront longtemps. Les très grosses étoiles ont en effet besoin de "brûler" plus vite leur hydrogène pour compenser l'énorme pression de la gravitation qui, sinon, les ferait s'effondrer sur elles-mêmes. Le soleil, petite étoile, brille depuis cinq milliards d'années, et vivra encore tout ce temps. Les étoiles plus grosses ne vivent que quelques centaines de millions d'années, certaines encore moins.
Certaines très grosses étoiles (plus de six fois plus grosses que le soleil) passent la vitesse supérieure : elles possèdent suffisamment de matière pour que le carbone et l'oxygène fusionnent eux aussi, produisant du sodium, du néon, puis du phosphore et du silicium : cette phase est encore plus brève (quelques années) Après cela, la pression au coeur de l'étoile est telle que les atomes de silicium fusionnent, à une température de plus de trois milliards de degrés, en produisant du fer.
Mais voila, c'est là qu'arrive le problème : Tant que le coeur d'une étoile produit de la chaleur par fusion nucléaire, l'étoile arrive à "rester stable" et à ne pas s'effondrer sur elle même à cause de l'énorme pression de la gravitation due à sa propre masse. Mais le Fer ne peut pas fusionner avec d'autres atomes, ou s'il le fait c'est en absorbant de l'énergie au lieu d'en produire ! Dès que la production de fer s'amorce, l'étoile n'a plus que quelques heures à vivre. En effet, la production d'énergie dans le coeur chute brusquement et l'étoile se contracte brutalement sur elle-même, cherchant désespérément de l'énergie pour alimenter la fusion du fer. Les couches externes "tombent" littéralement vers le coeur puis rebondissent dessus : l'étoile explose en une supernova de type II. Pendant quelques brefs instant, la température de son coeur hyper comprimé atteint des dizaines de milliards de degrés, avant que tout n'explose. C'est au cours de ce bref moment (quelques millièmes de secondes) que sont produits tous les éléments plus lourds que le Fer, comme l'or et L'Uranium : L'or qui se trouve sur Terre actuellement ne s'y trouve que parce que, il y a six milliards d'années, une étoile proche a explosé et "ensemencé" avec ces éléments lourds le nuage d'hydrogène et d'hélium qui allait finir par former, il y a cinq milliards d'années, le soleil et les planètes (dont la terre). Réfléchissez-y en regardant vos bijoux en or : ils sont le résultat d'une explosion cataclysmique qui a vaporisé toute une étoile, il y a six milliards d'années...
Mais si cela est une supernova de type II, qu'est-ce qu'une supernova de type I ? Pour répondre à cette question, il faut savoir que les étoiles ne sont pas, en général, solitaires comme le soleil : la plupart d'entre elles vont par paire, voire par famille de trois, quatre, cinq ou six, tournant l'une autour de l'autre ! Or dans un couple d'étoiles, il est rare que les deux partenaires aient la même masse, et donc la même durée de vie. L'une des étoiles va donc devenir une naine blanche avant l'autre :
Mais lorsque la seconde étoile va entrer à son tour dans son stade "géante", la naine blanche, très dense, (elle en est au stade carbone-oxygène) va se comporter comme un "aspirateur" et aspirer progressivement l'enveloppe de la géante, transformant son hydrogène et son hélium en carbone. Seulement cela va la rendre de plus en plus lourde, de plus en plus dense, et d'un seul coup la fusion du carbone va se déclencher dans toute l'étoile en même temps. Cela va la faire exploser d'une manière cataclysmique : on estime que l'onde choc de l'explosion se propage à 10 000 Kilomètres à la seconde !
Dans une supernova de type I ou II, l'explosion "souffle" les enveloppes extérieures de l'étoile dans le vide, mais leur coeur subsiste sous la forme d'un objet ultra dense : Selon la violence de l'explosion et selon sa masse initiale, le coeur de ces supernovae se transforme soit en une "étoile à neutron" (une étoile composée entièrement de neutrons) soit en "trou noir" (un astre tellement dense que même la lumière ne peut s'en échapper).
Le résultat, des siècles plus tard, c'est une nébuleuse comme la nébuleuse de Kepler, ci-contre, correspondant à la supernova observée en 1604 par Kepler : on voit une énorme bulle, qui est l'enveloppe externe de l'étoile "soufflée" par l'explosion, et au centre on peut détecter une étoile à neutron (elle n'est pas visible : on la détecte grâce aux ondes radio qu'elle produit).
Les supernovae (quelque soit leur type) sont des évènements très dangereux : si l'une d'elle explosait à moins de dix années-lumière du soleil, les radiations seraient très dangereuses pour la vie terrestre. Heureusement, elles sont rares : en moyenne une par siècle dans une galaxie moyenne comportant cent milliard d'étoiles. La dernière supernovae dans notre galaxie semble avoir été vue, justement, en 1604. Mais les astronomes observent suffisamment de galaxies lointaines pour en voir plusieurs par an. Elles ont toutes à peu près la même luminosité, des milliards de fois celle du soleil, ce qui permet de déterminer la distance des galaxies où elles se produisent.
Il existe un dernier type de supernova, qui concerne les très grosses étoiles, celles qui sont plus de 100 fois plus massives que le soleil. Tout commence comme pour une supernova de type II : l'hydrogène se transforme en hélium, l'hélium en carbone, le carbone en oxygène, etc. Mais parce que l'étoile est bien plus massive, la température à laquelle chacune de ces réaction s'opère est bien supérieure à celle qui règne au coeur d'une étoile standard. Et ce coeur hyper chaud va atteindre le milliard de degrés au moment ou commence la fusion de l'oxygène qui normalement se produit à une température un peu plus faible dans les étoiles "normales". Or cela fait toute la différence, car les photons gamma issus de cette réaction nucléaire ultra chaude sont tellement énergétiques que certains vont se transformer spontanément en une paire de particule électron+positron. Or le positron, c'est de l'antimatière. Les électrons et les positrons vont "passer leur temps" à se créer, s'annihiler, se recréer...
Le problème c'est qu'à mesure que leur nombre augmente, il y a de plus en plus d'électrons et de positrons dans le coeur de l'étoile, et de moins en moins de photons. Or ce sont les photons qui, en s'échappant du coeur et en réchauffant la couche qui l'entoure, créent la "pression de radiation" qui contrebalance l'énorme pression de la gravité. Conséquence, le coeur se contracte, sa température augmente, il y a de plus en plus d'électrons et de positrons et de moins en moins de photons. En un rien de temps, l'étoile s'effondre sur elle-même, jusqu'à ce que presque toute sa matière se convertisse en paires électrons-positrons qui finalement s'annihilent tous ensemble dans un dernier flash. Et de l'étoile, il ne reste plus rien : pas de trou noir, pas d'étoile à neutron rien que des photons qui poursuivent leur course dans le vide. Ce fut le cas de la supernova 2007bi, qui fut observée, comme son nom l'indique, en 2007, dans une galaxie lointaine (heureusement !). Elle fut dix fois plus lumineuse qu'une supernova classique de type I ou II...