Magazine Culture

Le rôle de la veille dans une démarche d'innovation (1/3) : Qu'est-ce que l'innovation ?

Publié le 23 octobre 2011 par _

 

innovation-copie-1.jpg

La problématique du passage de la veille à l'innovation a pour enjeu une conception très pragmatique de l'innovation qui lie directement une information récoltée à une valeur pour l'entreprise. « Mettre en relation veille et innovation, c'est penser à un type de configuration particulière où l'exploitation des données, de la documentation et de l'information, par le biais d'activités spécialisées, est en relation directe avec des enjeux majeurs de l'entreprise, ce qui la conduit d'autant plus à rechercher opérationnalité et efficacité1 ».

Pour comprendre ce passage, nous proposons d'inverser l'ordre des termes de la recherche pour déceler, à partir de ce qu'est l'innovation, le rôle que la veille peut jouer dans une telle démarche. Cette question est d'autant plus prégnante que des auteurs comme Alpha Diallo et Corinne Dupin estiment que « les modes de structuration de la veille font partie des signes d'identification de la maturité des entreprises en matière d'innovation2 ».

L'enjeu étant au final de rendre l'entreprise plus compétitive car, plus que jamais aujourd'hui, l'innovation reste un impératif : « l'entreprise se trouve dans l'obligation d'innover si elle ne veut pas être supplantée, absorbée ou détruite3 ». Reste à savoir comment. C'est ici que la veille peut fournir un apport intéressant sous réserve de savoir l'exploiter intelligemment, c'est-à-dire collectivement4

La question de l'innovation est une question complexe qu'il ne s'agit pas ici d'explorer de manière exhaustive. La définition la plus large est la plus précise est celle que donne l'économie. Si toute innovation est une « nouveauté » (production du nouveau), toute nouveauté n'est pas une innovation. Du point de vue économique, « pour pouvoir être considérée comme innovation, la nouveauté doit être porteuse d'une valeur économique(capacité de satisfaire un besoin solvable ou de créer de la richesse) reconnue et exploitée de manière viable5. » C'est d'ailleurs ce que rappelle également Patrice Noailles dans son article « Quatre approches de l'innovation » qui ouvre le dossier spécial « Veille et Innovation » d'un numéro du magazine de l'ADBS6. Patrice Noailles indique notamment à propos de l'innovation que « c'est son effet économique global qui la définit et non sa forme ou sa matière. Elle peut être matérielle ou intellectuelle (une loi). Elle peut être de produit ou de process7 ». C'est donc la finalitéde l'innovation (créatrice de valeur économique) qui est structurante dans sa définition.

Cette vision pragmatique de l'innovation économique insiste sur les fins sans se soucier des moyens. Cela laisse donc ouverte un large éventail de processus très différents. À ce propos, François Deltour dans son article « L'innovation dans l'organisation : dépasser les ambiguïtés du concept8 » s'est interrogé sur les « sources de l'innovation ». L'auteur présente notamment l'approche du « degré d'originalité » de D. Peltz et F. Munson. Cette approche distingue l'innovation selon trois « degrés d'originalité » :

  1. L'« origination » : l'organisation développe une solution originale et inédite qui ne dépend en rien d'apport extérieur.

  2. L'adaptation : l'organisation adapte à sa propre situation une solution déjà connue

  3. L'emprunt : l'organisation met en œuvre des solutions bien rodées qui nécessitent peu de changement dans le contenu de l'innovation

Selon ces degrés d'originalité, l'innovation obéit à un processus plus ou moins programmé. En effet, il est évident que la première situation où l'innovation est produite de manière autonome est difficilement contrôlable et maîtrisable par une organisation. En revanche, les deux autres situations semblent supposer des dispositifs d’acquisition d'information de type benchmarking9, reverse engineering10, veille, etc. Par conséquent, en adoptant cette échelle, les auteurs hiérarchisent non seulement l'originalité de l'innovation, mais aussi en même temps l'opérationnalité de l'innovation.

Or, « aujourd'hui, dans un marché globalisé où toute bonne idée est rapidement copiée, où les rentes générées par des innovations ponctuelles se raccourcissent, le succès à moyen terme provient de la généralisation d'un flux continu d'innovations fortes11 ». Autrement dit, l'efficacité prime sur l'originalité. La situation actuelle a donc tendance à privilégier des innovations de type « adaptation » ou « emprunt » que celles qui seraient totalement originales. Il semble donc clair que l'innovation qui a du sens pour l'entreprise est une nouveauté qui se nourrit de certains « inputs » en vue de les transposer dans un objectif de création de valeur. C'est cette définition que nous retiendrons. Dès lors, d'autres problèmes se posent : quel est la nature de ces « inputs » ? Quelle différence entre imitation et innovation si l'innovation consiste à transposer des solutions déjà-là ? L'opérationalité de l'innovation fait-elle réellement perdre en originalité ? Etc. 

______________________

1Alpha Diallo, Corinne Dupin, «L'entreprise innovante : un espace privilégié de veille... et d'intelligence » in Documentaliste – Sciences de l'information, vol. 48, n°1, 2011, pages 35-36

2Ibidem, page 32

3Serge Chambaud, « Les techniques de la veille au service du développement des entreprises » in Documentaliste – Sciences de l'information, vol. 48, n°1, 2011, page 20

4« Entendue comme capacité collaborative, d'adaptation collective et de dynamique constructive, l'intelligence est sans doute un maillon manquant dans la réflexion sur le management de l'information et de la veille » dans : Alpha Diallo, Corinne Dupin, « L'entreprise innovante : un espace privilégié de veille... et d'intelligence » in Documentaliste – Sciences de l'information, vol. 48, n°1, 2011, page 34

5Abdelillah HAMDOUCH , « Innovation » in Encyclopaedia Universalis (en ligne)

6Documentaliste – Sciences de l'information, vol. 48, n°1, 2011

7Patrice Noailles, « Quatre approches de l'innovation » in Documentaliste – Sciences de l'information, vol. 48, n°1, 2011, page 24

8François Deltour, « L'innovation dans l'organisation : dépasser les ambiguïtés du concept », Les cahiers de la recherche, CLAREE, UPRES-A CNRS 8020, 2000

9Le benchmarking consiste à étudier le fonctionnement d'une autre organisation pour s'en inspirer en adoptant ses meilleures pratiques. Cette technique peut être le fruit d'un partenariat ou d'une recherche d'information. Elle permet également de mesurer l'écart entre une entreprise et le leader du secteur afin de se fixer des objectifs.

10Le reverse engineering consiste à comprendre le fonctionnement et la méthode de fabrication d'un objet en démontant ses pièces notamment.

11Gilles Garel, « Les défis de l'innovation contemporaine pour les entreprises » in Documentaliste – Sciences de l'information, vol. 48, n°1, 2011, page 28


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


_ 104 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte