L’accueil y est feutré. Le hall est intime. Des orchidées virginales se dressent comme des ballerines autour d’une piste de danse inondée par la lumière d’un lustre vénitien. Il y a ici quelque chose d’italien et de new yorkais. L’hôtel est un lieu de repos et de travail, toujours en mouvement. On y vient aussi pour des réunions de travail au sommet. Ai-je rêvé ou était-ce bien le pas énergique et la poignée de mains décidée de celle qui est devenue la nouvelle patronne du FMI qu'il m’a semblé reconnaître ?
J'y ai passé une demi-journée dans le cadre de la célébration du patrimoine vivant que établissement a décidé de mettre en avant pour la première fois cette année. C'était il y a quelques jours, mercredi 12 octobre. dans ce premier billet je relaterai mes rencontres avec un concierge, le fleuriste, le fruitier, un cuisinier et le directeur du bar. Une autre fois ce seront le chef pâtissier, un sommelier, un maitre d'hôtel et ceux qui ont la charge de l'entretien de ce patrimoine.
La galerie fait officie de salon de thé comme de couloir pour conduire au bar ou à la cour intérieure investie ce jour-là pour témoigner des savoir-faire de la maison.
Le fleuriste de l'hôtel prodigue volontiers ses conseils : éviter les rayons directs du soleil sur les bouquets, couper les tiges en biseau à chaque changement d'eau, ajouter quelques gouttes d'eau de Javel pour éviter le croupissement.
Dans ses compositions il évite les lys qui laissent échapper un pollen orange parfois indélébile, et les anthuriums pour leur exotisme qui évoque davantage Punta Cana que le bon chic parisien.
Arriveront dans quelques semaines les clémentines et il osera quelques mendiants moelleux, avant de proposer des branches de litchis, français bien sur, en provenance de la Réunion, et la mandarine, malgré ses pépins, pour rééduquer "gentiment" les palais à la saisonnalité et raviver la mémoire gustative.
Les clients ont été surpris de découvrir ces caissettes en chambre. Ils les ont vite adoptées. La petite serviette et le ruban plaisent beaucoup, aussi bien aux hommes d'affaires qu'aux enfants. "C'est pur jus, simplement génial" lui dit-on.
Quelle évolution depuis les vanneries qu'on montait en chambre il y a vingt ans, remplacées par l'argenterie, et aujourd'hui par du bois, dans une démarche d'épure.
Les fruits tranchés, frais, épluchés à la minute, ont beaucoup de succès au petit-déjeuner, en particulier la papaye, et le nombre d'assiettes servies à ce moment là est en constante croissance. On commence à les choisir comme on commanderait une salade. Jorge aime tous les fruits mais avec une faiblesse toutefois pour une orange douce vanille, venant de Sicile, qui est un produit endémique, rare et précieux.
Savez-vous l'étendue des compétences de e personnel ? Ainsi Marc-Antoine qui officie ici depuis 2 ans et demi (après l'excellente référence du Loti) peut aussi bien conseiller sur le meilleur restaurant "trendy" du moment, que vous souhaitiez manger un hamburger exceptionnel ou des coquilles Saint-Jacques sur un risotto. Mais il a aussi une bonne adresse de cuisine française traditionnelle aux portions généreuses. Et si vous préférez japonais, c'est égal. (je peux moi-même vous donner les bons tuyaux en message direct)
La règle d'or est de ne jamais dire non et de toujours proposer une solution. A deux exceptions près. Inutile de l'interroger pour obtenir des substances illicites ou ce qu'on appelait il a trente ans "un oreiller supplémentaire" car la prostitution, même de luxe, n'est plus de mise dans les grands hôtels. Et si elle existe encore c'est de manière invisible.
Par contre, évitez le coup de feu qui, dans cette profession, a lieu de 18 à 20 heures quand les clients dépourvus veulent organiser une soirée mémorable.
Quant au vélo il est à disposition des clients, comme une petite voiture pour quelques privilégiés.
C'est un personnel discret, par déontologie, mais qui conserve de beaux souvenirs. Comme l'organisation des fiançailles surprise d'un client qui a voulu un dîner de fromages français dans un restaurant prestigieux. Le Pavillon Ledoyen ouvrit spécialement ce soir-là. Un quatuor à cordes assura la musique à la demande et une voiture avait été réservée pour suivre le couple qui rentrait à pieds ... au cas où la fatigue les aurait brutalement assaillis. Le lendemain l'heureux fiancé complimentait le concierge en lui annonçant qu'elle avait dit oui.
Une des astuces facile à copier sera d'associer les couleurs. Si l'on a l'habitude d'employer la carotte, on pense moins à la betterave, qui est délicieuse si on se donne la (petite) peine de la cuire soi-même, 35 à 40 minutes dans une cocotte, et sur un matelas de gros sel, jusqu'à ce que sa peau se retire sans forcer, décollée sous l'effet de la chaleur.
Le "plus" incomparable de la haute-restauration est d'ajouter des raisins dans le glaçage des légumes ... raisins qui ont tout de même été lavés et séchés 5 heures durant dans un four à 85° et dont les pépins auront été retirés avec un trombone. On se situe dans le même degré d'exigence que la confiture de groseilles épépinées à la plume d'oie, spécialité lorraine de Bar-le-Duc, et gourmandise préférée d'Orson Welles dont j'ai entendu dire qu'il ne descendait que dans des hôtels lui en assurant un pot au petit déjeuner.
La qualité des produits est la première condition de l'excellence. Alain Ducasse y veille scrupuleusement et en toute transparence, allant même jusqu'à ouvrir son carnet d'adresses grandeur nature dans cette même cour jardin en avril 2010.
S'il est un endroit sur lequel le jugement est capital c'est bien le bar d'un grand hôtel. Celui du Plaza fait figure d'exception puisqu'il a reçu cette année, et pour la seconde fois depuis 2007, la distinction de meilleur bar au monde, ce dont Thierry Hernandez a toutes raisons d'être fier.
Ouvert de 18 heures à 2 heures du matin, et sans réservation, dans un décor combinant classicisme et contemporéanité, l'endroit est prisé par une clientèle à 80% extérieure à l'hotel, et comptant la moitié d'étrangers.
La carte existe en version papier mais c'est le format électronique qui est présenté en premier et qui permet de choisir d'une manière moderne et ludique, parmi le top ten de la maison ou de chercher une association plus originale.
Deux must se disputent la première place. D'abord la Rose royale dont le barman prépare mensuellement quelque 1500 verres. On traverse des océans m'a dit Thierry pour ce mélange de champagne et de coulis de framboises, associé à des ingrédients secrets.
Le Black Mojito est un autre succès de la maison, devant sa couleur à une liqueur de mûres, un jus de ces mêmes baies et une vodka anglaise également noire. Untrait de citron, de la menthe et du soda complètent la recette.
L'établissement navigue entre tradition et innovation, n'hésitant pas à revisiter le B52 version solide malgré la difficulté, non pas à solidifier l'alcool, encore que, mais surtout d'en conserver le degré alcoolique au cours de l'opération.
Les Duo cocktails ont leur part de surprise puisqu'à la moitié du verre, le barman apportera une sorte de cuillère spéciale pour infuser un ingrédient supllémentaire qui changera radicalement la couleur et le gout du breuvage. Ainsi le Hibiki Bliss (ci-contre), réalisé sur une base de whisky japonais exhalera d'abord l'osmanthus et le patchouli, puis, dans un second temps la rose de Turquie.
Des cocktails sans alcool figurent aussi à la carte, sous la dénomination de mocktails, au nombre de 4 et tout est au même prix, pour ne pas être un critère de choix. Sauf bien entendu si on demande une préparation particulière avec un alcool millésimé.
Tout est possible en respectant quelques principes : on ne mélange pas deux eau-de-vie de grain, on n'associe pas plus de 5 ingrédients, et on combine un alcool (pour donner du corps), une liqueur (pour le sucre et le parfum) et un jus ( pour le lien). Hormis cela il n'y a ni règles, ni proportions.
Pour accompagner, des olives en provenance d'arbres de plus de 600 ans, divers mélanges salés, et pourquoi pas des petites madeleines aux lives noires.
La pâtisserie bien sur,
Les arts de la table, évidemment
La sommellerie, avec quelques conseils donnés par de grands spécialistes. Et puis les trucs et astuces d'un personnel hautement qualifié, et toujours souriant.
Rendez-vous dans quelques jours ...