La Cour administrative d’appel de Lyon était saisie d’un recours tendant à l’annulation d’un jugement aux termes duquel le Tribunal administratif de Grenoble avait annulé – après avoir suspendu en référé – un arrêté du Préfet de Haute Savoie autorisant l’exploitation d’un carrière sur un terrain situé en zone A du PLU d’une des trois communes requérantes.
La Cour juge ici qu’une carrière est « par nature » incompatible avec la vocation agricole d’une zone A, ce qui devrait clore un long débat sur la légalité de l’installation de ces ICPE en zone agricole. Très exactement, la Cour n’a pas simplement estimé qu’au cas d’espèce le projet de carrière de la société D. ne pouvait être autorisé zone A : c’est de manière générale qu’une carrière ne saurait être exploitée en zone A.
Cet arrêt s’inscrit dans un mouvement législatif et jurisprudentiel qui tend à mieux protéger voire sanctuariser les terres agricoles qui sont l’objet d’une artificialisation croissante et très préoccupante. Il convient de lire pour s’en convaincre l’exposé des motifs de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, votée en 2010, qui précise que des milliers d’hectares de terres agricoles disparaissent chaque année.
L’examen de la légalité du classement en zone A au PLU
En premier lieu, la société D., à l’origine du projet de carrière, soutenait que le classement lui-même du site concerné, en zone A – à vocation agricole – au plan local d’urbanisme de la commune de T. était illégal. Elle soutenait en effet que ce site ne présente « qu’une valeur agronomique limitée ». Elle proposait au surplus la désignation d’un expert judiciaire pour vérifier la réalité agricole de cette zone.
La Cour administrative d’appel de Lyon va rejeter cette demande de désignation d’un expert judiciaire et juger que la société appelante ne rapporte pas la preuve de l’illégalité du PLU de la Commune de T. en ce qu’il a classé en zone A le terrain d’accueil du projet de carrière :
« Considérant, en premier lieu, que le terrain d’assiette du projet est actuellement affecté à un usage agricole ; qu’il ressort des pièces du dossier et notamment d’un « diagnostic agricole de la commune de T . », réalisé en mars 2010, par la Chambre d’agriculture de la Haute Savoie que l’un des enjeux du plan local d’urbanisme de la commune est de confirmer la présence durable des exploitations et des surfaces agricoles et que la zone agricole du champ d’A. est décrite comme se trouvant en continuité avec celle d’A., constituée de cultures et de prairies, et surtout comme devant être protégée, à l’instar des autres zones agricoles de cette partie de la commune, pour préserver l’activité agricole encore dynamique sur ces secteurs ; qu’en se bornant à faire valoir que le site litigieux enclavé entre la route départementale, la voie ferrée et la déviation de T. ne présente qu’une valeur agronomique limitée, la société requérante n’établit pas que le classement du site litigieux en zone agricole par les auteurs du plan, procèderait d’une erreur manifeste d’appréciation ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin d’ordonner l’expertise sollicitée, la Société D. n’est pas fondée à exciper de l’illégalité du classement des parcelles litigieuses en zone A du plan local d’urbanisme de T. »
Le rejet de cette demande d’expertise est importante. A défaut, nul doute que ce type de demandes aurait proliféré devant les juridictions administratives dans le but de remettre en cause, même plusieurs années après approbation, des classements opérés par les auteurs des PLU.
L’examen de la compatibilité d’un projet de carrière avec la vocation de la zone A du PLU.
En second lieu, la société D. soutenait, en toute hypothèse, que le classement en zone A du terrain d’accueil de son projet de carrière n’interdisait pas la réalisation de ce dernier.
La Cour administrative d’appel de Lyon va tout d’abord, souligner l’incompatibilité « par nature » d’un projet de carrière avec la vocation d’une zone A :
« Considérant, en second lieu que, comme le soutiennent les communes, l’exploitation d’une carrière est, par nature, incompatible avec la vocation des zones A définies par les dispositions de l’article R.123-7 du code de l’’urbanisme »
Cette précision est importante. Une controverse existe depuis des années sur le point de savoir si une carrière peut être autorisée en zone agricole. Cet arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon vient apporter une solution claire et précise : une carrière est « par nature » incompatible avec la vocation des zones A.
La Cour administrative d’appel de Lyon juge qu’aucune dérogation ne saurait permettre l’installation d’une carrière en zone A :
« qu’en outre, une carrière ne constitue pas une installation nécessaire aux services publics ou d’intérêt collectif au sens des dispositions [de l’article R.123-7 du code de l’urbanisme »
Une carrière n’est donc pas un service public ou un service d’intérêt collectif.
Conclusion
Cet arrêt constitue-t-il une mauvaise nouvelle pour les exploitants de carrière ? Certainement pas.
Il est certain que la profession a fait beaucoup d’efforts ces dernières années pour mieux penser l’insertion de son activité dans notre environnement. En matière de biodiversité, de nombreuses expériences sont tout à fait intéressantes. Enfin, inutile de rappeler qu’un besoin en matériaux de construction existe et que faire venir ces derniers de l’étranger n’est pas une solution tant du point de vue environnemental que du cout de l’acte de construire qui ne saurait être réservé à une minorité.
En réalité, plutôt que de tenter de créer des carrières dans des zones classées agricoles, il importe qu’une réflexion s’engage, en amont, lors de l’élaboration des PLU, sur la création locale de zones de carrières.
En outre, un dialogue environnemental, au niveau national est sans doute nécessaire, dans un format de gouvernance à 5, pour trouver un nouvel équilibre entre production et protection, comme je viens de le proposer dans mon rapport sur le code minier, remis à Nathalie Kosciusko-Morizet. Cet équilibre ne saurait être trouvé devant les tribunaux.
Arnaud Gossement
Avocat associé - Docteur en droit