Objet de convoitises et de haines diverses, la voiture elle aussi est en crise. Folle de rage, implacable, Christine s’emporte, Christine s’enflamme et immole ses victimes par le feu. Puis ses ardeurs tiédissent et elle rentre au garage. A ce stade, le spectateur ne sait pas si le conducteur est au volant. Agit-elle pour son propre compte ? Son maître est-il allé assez loin pour partager enfin avec elle le frisson du Mal conquérant ? Le fait est que, tout au long du film, Arnie devient de plus en plus violent, de plus en plus imprévisible.
A la fin, il n’appartient plus à l’ordre des hommes. La voiture l’a en quelque sorte « vampirisé »... Le dénouement le montre en effet jubilant au milieu des flammes et poignardé par le moyen d’un morceau de verre planté dans le cœur à la façon d’un pieu. Mais le cœur de Christine respire encore et la lueur du poste radio continue d’éclairer d’un éclat fauve le tableau de bord.
Le cinéaste a magnifiquement joué des couleurs, filmé en multipliant les plans les allures anthropomorphes de la calandre, des phares, du capot avant, rouge de colère, noir de nuit, luisant. Et quand le monstre est enfin (en apparence) anéanti, écrasé par les chenilles d’un Caterpillar, dans la figure intestinale ou cérébrale que dessine l’amalgame de ferraille, dernière image du film, on perçoit encore, comme un frémissement, un vaisseau sanguin qui palpiterait dans l’organisme de métal.