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[Critique] UZAK de Nuri Bilge Ceylan (2004)

Par Celine_diane
[Critique] UZAK de Nuri Bilge Ceylan (2004)
En turc, Uzak veut dire lointain, distant. A l’instar de Mahmut, aux idéaux éraflés, homme moderne exilé, confortablement confiné dans une solitude tenace, entre les murs de son appartement. Ce personnage, symbole des maux contemporains (incapacité à communiquer, érosion progressive de l’humanité dans un contexte urbain), voit alors son quotidien bouleversé à l’arrivée d’un cousin, Yusuf, dont les espoirs initiaux vont vite se désagréger. Le ton est désespéré, l’ambiance contemplative. Pourtant, le cinéaste turc Nuri Bilge Ceylan n’étouffe jamais son film. Parce qu’il positionne avec intelligence ses figures désillusionnées au cœur d’un cadre sublime d’abord (soit un Istanbul enneigé), parce qu’il se permet même quelques échappées cyniques, drôles, au milieu du drame, ensuite. Poésie du désespoir, et affrontement silencieux et subtilement amené d’une colocation forcée.
En lui décernant le Grand Prix à Cannes en 2003, et un double prix d’interprétation pour ses acteurs principaux (Muzaffer Özdemir et Mehmet Emin Toprak), le Festival ne s’est pas trompé : Uzak est un très beau film, dont la lenteur sert de vecteur à une insinuation sournoise du mal-être de ses protagonistes. Jouant du contraste intérieur/extérieur, Ceylan oppose à l’étroitesse d’un appartement, des horizons de liberté inaccessibles, et laisse libre cours à sa critique sous-jacente d’un monde qui condamne les êtres à enterrer leurs rêves. Mahmut se rêvait photographe d’art, il ne photographie que des publicités pour du carrelage, il rêvait d’amour fou et voit son ex-femme s’envoler vers des ailleurs meilleurs ; Yusuf, lui, venu de la campagne, rêvait d’embarquer à bord d’un bateau qui le ferait voyager, et demeure cloué au sol, épiant des femmes qu’il n’aura jamais. Le film est sombre, infiniment habile dans son déroulement, et privilégie l’économie de mots sur les longs discours. Pour le coup, le message se fait d’autant plus insidieux, et profond. Epuré, limpide et saisissant, il capte solitude et bonheur chimérique, avec tout autant de finesse que de lucidité.
[Critique] UZAK de Nuri Bilge Ceylan (2004)
Le nouveau long-métrage du cinéaste, Il était une fois en Anatolie, sortira sur les écrans le 2 novembre prochain.

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