Enseignement - Élection 2012 : Et si on (ré)apprenait à lire à l'école ?

Publié le 22 octobre 2011 par Npay97 @lognath2
Sous ce titre volontairement provocateur, se cache un questionnement personnel sur l'avenir de l'école. Thème affiché comme majeur pour la prochaine campagne présidentielle, on voit mal, à droite comme à gauche, se dessiner un quelconque programme à la hauteur des enjeux.
Quelles priorités dans le programme scolaire ?
A juste titre l'élève a été placé au centre du système éducatif : il ne s'agit d'en faire un enfant-roi mais de définir ses besoins comme une priorité. Mais sur le terrain, c'est plus que jamais le programme qui est au centre du système : la conformité des manuels et des pratiques enseignantes au sacro-saint programme fait l'objet de toutes les attentions.
Et quand est-il de la conformité des programmes avec les besoins des élèves ?
Quant on voit l'amoncellement d'apprentissages visés par les IO (la démarche scientifique de l'ami Charpak, la sensibilisation au développement durable du futur citoyen, l'apprentissage de l'anglais depuis la maternelle, l'histoire de l'art, le B2I...) on frise l'overdose pour les enseignants (la polyvalence a ses limites) et surtout pour les élèves.
Bien entendu dans la pratique, le professeur, débutant ou chevronné, s'adapte comme il peut aux exigences officielles et fixe des priorités. Néanmoins, une règle d'or prévaut dans l'EN : un fonctionnaire fonctionne ! ... en particulier quand l'inspecteur vient faire sa petite visite de courtoisie ;-)
L'efficacité des méthodes novatrices
Les textes officiels se font l'écho de discours séduisants de pédagogues en vue qui vantent les innombrables vertus de méthodes modernes : la démarche socio-constructiviste, la pédagogie inductive, la pédagogie du projet ... Ces méthodes appliquées avec discernement et zèle par de compétents enseignants sont censés rendre le jeune élève, acteur de son apprentissage et capable de réinvestir ses connaissances dans des contextes variés.
Quand je vois comment les enseignants du secondaire et de l'enseignement supérieur s'arrachent les cheveux ou se résignent, je me demande quels savoirs ces élèves ont construits au primaire. Il est question de liberté pédagogique mais cette liberté se heurte très vite à la désapprobation sans appel de la hiérarchie devant des méthodes considérées comme passéistes.
Le mal-être des en-saignants
Ils sont confrontés à des difficultés mal prises en compte, voire déniées (tout ne va pas si mal, l'enseignant n'a quà aller voir ailleurs si l'herbe est plus verte). Ce n'est pas pour rien que circulent sur le Web des documents comme "Le guide de survie de l'enseignant" : tout est dit dans le titre. En effet, la réalité comprend aussi :
.. ceux qui mangent leur pain noir sous l'oeil au mieux indifférent de leurs collègues au pire faussement con-patissant ou goguenard. Souvent, le T1 découvre, avec stupeur et tremblements, qu'il doit accueillir des bambins de petite section en maternelle, prendre en charge un CP ou un double-niveau que ses collègues, plus anciens, ont eu la gentillesse de lui laisser - c'est l'application de la règle tacite : le dernier arrivé est le dernier servi. Le pire c'est quand on impose à un T1 de faire ses premières armes dans une CLIS (élèves en situation d'handicap) : le résultat est plus qu'incertain.
.. ceux qui finissent dans des établissement "spécialisés" selon l'expression consacrée ou à défaut utilisent des dérivatifs divers et variés pour trouver le courage de venir.
.. ceux qui espèrent l'arrivée d'une opportunité de reconversion comme le messie et cherchent par tous les moyens à fuir le vis-à-vis pédagogique
.. et enfin ceux qui ont la lucidité de démissionner pendant ou après leur stage et qui doivent faire face à l'incompréhension de leur entourage (quoi ?! avec ton bagage, comment tu oses quitter un emploi en or comme enseignant dans la fonction publique ?)
Quant aux grèves à répétition, reflet d'un certain malaise, elles donnent une mauvaise image de la profession : des "privilégiés" qui ont l'outrecuidance de se plaindre ! Néanmoins, il est difficile de se faire une idée exacte des revendications et de la participation réelle : entre ceux qui grèvent par principe, ceux qui restent chez eux par convenance personnel, ceux qui n'ont pas les moyens financiers de gréver, ceux qui pensent avant tout à leurs élèves ... entre les chiffres avancés par le ministère et ceux - plus douteux- avancés par les syndicats, on ne sait plus qui pense quoi et qui veut quoi.
La formation : ex/future arlésienne
Dire que personne ne regrettera la défunte IUFM est un peu exagéré. Cependant l'épineuse question de la formation des futurs enseignants reste plus que jamais posée. Et plus grave encore, l'orientation des étudiants va à veau-l'eau.
Pendant tout son cursus scolaire, la personnalité de l'apprenant, relevant par définition de la sphère personnelle est, de ce fait, complètement occultée. Or c'est l'un des piliers du projet professionnel de tout individu. Sans regard extérieur, et en ces temps de crise, beaucoup ont du mal définir avec lucidité un projet qui tienne compte de leur personnalité. Lors du recrutement des enseignants seules sont évaluées ses connaissances scolaires avec notamment ses capacités langagières lors du fameux oral professionnel.  Les campagnes de promotion du métier mettent l'accent sur l'ambition (possibilité de faire une carrière, d'augmenter son salaire) ... mais enseigner c'est avant tout apprécier le contact avec les enfants de manière inconditionnelle, c'est savoir éduquer ... et quand c'est possible instruire, transmettre des connaissances. A l'arrivée, la désillusion est grande.
Quant à la formation continue, elle a le mérite d'exister mais en réalité se révèle souvent être une mascarade. La participation des enseignants est parfois factice : ils doivent signer une feuille de présence pour être payés mais la majorité d'entre eux sont convaincus, à tort ou à raison, que la formation ne leur servira pas à grand chose.
Tant que les problèmes de fond ne seront pas abordés, la formation des praticiens restera un coup d'épée dans l'eau.
L'évaluation : le diagnostique d'un désarroi
Après les projets d'école, c'est la nouvelle marotte de l'EN : multiplier les évaluations nationales pour améliorer le pilotage du système. Combien d'évaluations traînent dans un coin de classe attendant un improbable passage avec les élèves ?
Si je vois mon médecin s'empêtrer avec une multitude de thermomètres, je n'ai certes pas fait d'études en médecine, mais je vous garantis que je vais en voir un autre ;-) Et c'est en partie ce qui se passe quand des parents, légitimement inquiets, mettent leurs enfants dans le privé.
Évidemment, après ce réquisitoire en règle, j'entends la critique toute trouvée : comment quelqu'un d'extérieur à l'EN, démissionnaire de surcroît, se permet, que dis-je ose remettre en question les orientations de la vénérable institution ? Et moi je rétorque par une autre question, que je ne suis probablement pas la seule à poser : comment avec des moyens financiers, certes en baisse, mais conséquents en est-on arrivé à là ? Combien de temps reste-il avant que ce système n'implose ?
Il est de bon ton de nuancer son propos en évoquant une réalité complexe. En effet, c'est aussi juste de dire que certains enseignants, même débutants, ont réellement plaisir à venir, que beaucoup font leur travail au mieux, que des élèves savent très bien lire et écrire, que la communauté éducative dans son ensemble souhaite la réussite des élèves dont elle a la responsabilité et que la mission de l'école est bien de former le futur citoyen de demain (les apprentissages ne peuvent se limiter au lire, écrire et compter). Mais à se fier aveuglément à des spécialistes, à trop parler de la prise en compte des différents points de vue,  et en même temps à se figer sur des positions dogmatiques (les mêmes objectifs pour tous, l'hétérogénéité à tout prix ...), on se donne collectivement l'illusion d'un grand débat sur l'avenir de l'école. En vérité on passe à côté des questions essentielles.
En définitive, mon propos, vous l'aurez bien compris, n'est pas de tirer sur l'ambulance. Je n'ai pas non plus la naïveté ou la prétention de croire que j'ai vu plus juste que les autres ou que je pourrai changer la face du monde. A la relecture de mon texte, j'imagine la réaction des curieux qui iront au delà du titre :
.. amusé de reconnaître dans certains passages des piques de vérité
.. courroucé par un argumentaire aux antipodes de leur philosophie personnelle
.. blessé (la critique est aisée mais l'art est difficile)
.. dubitatif (où la demoiselle veut-elle en venir ?)
.. lassé de parcourir un n-ième écrit jugé vain, voir simpliste sur un sujet rebattu
Toutefois, j'exerce mon droit d'exprimer une opinion aussi argumentée que possible. Et à bien regarder, à défaut de réponses, ce billet pose des questions qui sont loin d'être anodines.