Mais pourquoi j’abandonne pas tout ça? Pourquoi je continue à parler de psychiatrie, à lire, à discuter, et même à manifester? C’est quoi mon problème, exactement? J’en ai pas assez bavé de tout ça, sans doute? J’en ai pas été assez obsédée, rongée, détruite? Pourquoi je ne tourne pas le dos à toute cette merde une fois pour toute? Médocs le soir et le matin, psychiatre une fois tous les deux mois, supporter ce qu’il me reste de psychose le reste du temps, et putain Lana, ferme-la, oublie tout ça une bonne fois pour toute. Ce n’est pas si compliqué. C’est pas comme si je m’ennuyais, pas comme si je n’avais rien d’autre à faire, ni rien d’autre à lire. Des sujets d’intérêts, des causes à défendre, des objets de révolte, il y en a plein d’autres, et qui ne me font pas cette morsure cruelle dans le ventre. Qui ne me rappellent pas ma propre déchéance, qui ne me font pas chialer sur ces souffrances si semblables à la mienne, qui me révoltent sans me tuer.
Personne ne t’a rien demandé. Et tu n’es la voix de personne. Juste la tienne, c’est tout. Et je n’ai jamais prétendu le contraire, c’est vrai, mais alors de quoi je me sens responsable? Des mes années de silence, je suppose. De toutes ces années où j’ai fermé ma gueule et baissé les yeux, laissé dire, laissé faire. Parce que je n’avais pas la force, et que maintenant je l’ai un peu plus, mais faudrait quand même pas trop la surestimer. Et que de toute façon, si je ne dis rien, je fais des cauchemars, si je cache la maladie elle ressort d’un autre côté, oui, je sais tout ça, je l’ai déjà dit, mais quand même, petite David qui ne gagnera rien conre Goliath, il faut parfois savoir lâcher les armes. Fermer les yeux, la fermer tout court, tourner le dos à ces mondes de souffrance que la plupart des gens évitent, et ils ont bien raison.
Mais j’ai toujours été une emmerdeuse désobéissante et révoltée, et je continue à croire que c’est ce qui m’a sauvé de la maladie et de la psychiatrie destructrice, mais c’est aussi ce qui m’empêche de vivre tranquillement, qui m’oblige à me brûler dans ce petit combat quasiment inutile, une minuscule pierre à l’édifice qui réveille sans cesse des souffrances qui jamais, jamais, ne passent avec le temps.
Filed under: Réflexions personnelles