La fin du terrorisme

Publié le 21 octobre 2011 par Egea

La fin du terrorisme, il faut bien la constater : en Europe, tout du moins. C'est en effet ce que marque symboliquement le dépôt des armes par ETA. Je ne sais si l'Amérique a gagné la Global War on Terror (GWOT) mais l'Europe a gagné la guerre européenne contre la terreur. Signe d'une supériorité stratégique ?

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1/ L'arrêt de la lutte armée, annoncé par ETA, était attendu : en effet, elle n'avait plus aucun effet ni politique, ni sécuritaire, ni culturel. ETA, née en 1959, passant aux attentats en 1968, avait décuplé ses agressions à partir du retour de la démocratie, en 1980, avant de perdre peu à peu son efficacité à partir de la fin des années 1990 :

  • il y avait donc un déphasage avec un certain nombre d'autres groupes européens : RAF en Allemagne, BR en Italie, AD en France.
  • Ceux-ci, en effet, cessaient leur activité à la fin des années 1980 : le terrorisme comme aile marchante d'un extrémisme politique, mélange de communisme et d'anarchisme, n'apparaissait plus comme une solution générale

2/ Il persistait pourtant en certaines contrées, lorsqu'il était adossé à une lutte simili-indépendantiste : IRA irlandaise, FLNC corse, et donc ETA basque. Mais joue-t-on encore le "printemps des peuples" en Europe à la fin du XX° siècle ?

  • certes, on notera que le Kossovo est un exemple de cette "libération" : il est toutefois le dernier résultat de l'éclatement d'un pays réuni et amalgamant, la Yougoslavie. Point de Kossovo sans fin préalable de l'idée "slaves du sud". Le succès de l'UCK est une exception.
  • ce n'est pas le cas en Ulster ni en Corse, qui font partie de nations fortes et homogènes et anciennement constituées. La permanence d'un appareil d'Etat va venir à bout de ces mouvements, qui perdent leurs soutiens et sombrent, marginalement, dans le banditisme qui accompagne souvent la clandestinité.

3/ C'est un peu la même chose qui se passe avec ETA : l'Etat espagnol ne faiblira pas. Surtout, une coopération transfrontalière se met en place avec la France, à partir justement de la fin des années 1980, lorsqu'on constate que les illusions extrémistes à la mode Che Guevara ou FPLP ne sont pas de raison en Europe. Enfin, une majorité d'habitants du pays basque n'y sont pas nés : l’homogénéité basque était minoritaire (voir billet). Ainsi, l'efficacité allait s'amoindrissant, le temps entre un attentat et l'arrestation de ses auteurs ne cessant de se réduire. La conclusion était claire : le terrorisme est une arme inefficace.

4/ Ainsi, les exémas terroristes européens, apparus assez tôt, avec des épisodes post-algériens (années 1960), palestiniens (années 1970), anarcho-communistes (années 1980), étaient peu à peu circonscrit dans les pays européens.

5/ Les années 2000 ont vu pourtant une remise à jour de la thématique : et les attentats de Madrid puis de Londres ont pu laisser croire que la crise du 11 septembre traverserait l'Atlantique. Pourtant, même ce mouvement là a été contrôlé. Au point que la dernière expression de terrorisme fut l'attentat individuel en Norvège (voir billet) : il rappelle d'ailleurs les attentats de Madrid ou de Londres : seul des tous petits groupes, prenant des initiatives quasi individuelles (sans coordination réticulaire), réussissent désormais à monter de tels attentats. Le terrorisme n'est plus un mouvement de masse.

6/ Est-ce une particularité européenne ? peut-être. Mais il semble également que les moyens d'observation anti-terroristes, soient plus efficaces. Je me demande si la société de l'information, avec son épaisseur et ses caméras de surveillance, ne rend pas structurellement inefficace ce mode d'action collective. La réticulation du monde dominerait en fait la contre réticulation terroriste.

7/ Cela relativise bien entendu tous les discours qui nous présentent le terrorisme comme LA menace. Je précise aussitôt que cela ne signifie pas que le terrorisme est éradiqué : simplement qu'il est tendanciellement affaibli, et qu'il appartient à la catégorie des risques, plus que des menaces.

8/ Il reste que le terrorisme peut être, sur des théâtres d'opération, un moyen de combat : d'autant plus que l'Etat est faible (et donc l'appareil policier moins efficace) et que la société d'infirmation n'est pas présente. C'est manifestement le cas en Afhanistan. Il faut alors passer à des procédés de contre-terrorisme passant par du renseignement et des postures défensives et offensives.

9/ La conclusion est limpide : le terrorisme ne peut être qu'un procédé de combat particulier, dans des circonstances particulières, et sa généralisation n'est qu'une totalisation de l'esprit : comme s'il y avait une rémanence psychologique qui produise encore des effets alors que la source a disparu. Le terrorisme est un soleil mort.

O. Kempf