Par une décision du 30 septembre 2011, publiée ce 21 octobre au Journal officiel, le CORDIS vient de formuler d’importantes précisions relatives aux conditions d’application du décret du 9 décembre 2010 portant suspension de l’obligation d’achat.
I. Les faits
Au cas d’espèce, un producteur d’énergie solaire avait été rendu destinataire de trois propositions de raccordement entre le 4 mars 2010 et le 23 juin 2010. Le producteur avait donné son accord à la première proposition de raccordement et réglé le montant du raccordement, le 2 juin 2010.
Ce même producteur donnera, le 8 juillet 2010, son accord à la deuxième proposition de raccordement, par un courrier électronique.
Le 19 mai 2011, ERDF va indiquer à ce producteur qu’elle n’a pas reçu son acceptation de la (deuxième) proposition de raccordement avant le 2 décembre 2010. Le décret du 9 décembre 2010 portant suspension de l’obligation d’achat s’applique donc.
Le 3 juin 2011, ledit producteur va solliciter un avenant à la première proposition de raccordement qui permette de formaliser l’accord intervenu le 8 juillet, signifiant ainsi son refus de donner son accord à une autre proposition de raccordement que la première reçue.
Devant le refus d’ERDF de donner une suite favorable à sa demande, le producteur saisit le CORDIS.
II. La relation contractuelle entre ERDF et le producteur naît à réception par ERDF du contrat de raccordement
La première question de droit posée par la présente demande de règlement d’un différend tenait à la détermination de la date à laquelle se noue une relation contractuelle entre ERDF et le producteur. Le CORDIS précise ici que c’est bien à la date de réception par ERDF de la proposition de raccordement signée du producteur et du chèque d’acompte que va naître une « situation contractuelle ».
La décision du CORDIS précise en effet :
« Il résulte de ce qui précède que la réception par la société ERDF, le 2 juin 2010, de la première proposition de raccordement, du contrat de raccordement, d'accès et d'exploitation (CRAE) et du chèque d'acompte dûment signés a fait naître, conformément à la procédure de traitement des demandes de raccordement de la société ERDF alors applicable, une situation contractuelle dont M.X peut toujours se prévaloir.
Dès lors, le projet de M. X doit être regardé comme ayant conservé la place dans la file d'attente qui lui a été initialement attribuée. »
III. Avenant ou nouvelle proposition de raccordement ?
La deuxième question de droit tenait au point de savoir si le demandeur avait, le 8 juillet 2010, entendu retirer son accord sur la première proposition de raccordement ou, à l’inverse, maintenir son accord et solliciter la conclusion d’un simple avenant.
Le CORDIS va constater que le demandeur, qui n’est pas un professionnel de l’énergie, n’avait jamais entendu retirer son accord sur la première proposition de raccordement, de telle sorte que le décret du 9 décembre 2010 ne pouvait bien entendu pas lui être opposé.
La décision du CORDIS précise :
« En premier lieu, la société ERDF prétend qu'il s'est opéré une novation entre la première et la seconde proposition de raccordement et qu'en tout état de cause la première proposition de raccordement a été révoquée par M. X. lorsque celui-ci a accepté, le 8 juillet 2010, les termes d'un nouvel accord.
Toutefois, la novation ne se présumant pas, la volonté de l'opérer doit résulter clairement des actes.
Or, si le 20 mai 2010 la société ERDF a adressé à son cocontractant une deuxième proposition de raccordement, sous couvert d'une lettre qui ne contenait aucune indication permettant à celui-ci, de comprendre alors qu'il n'est pas un professionnel qu'elle valait retrait de la première, M. X. ne l'a ni signée, ni renvoyée à cette société et, bien davantage, a transmis à la société ERDF postérieurement, le 25 mai 2010, la première proposition de raccordement signée accompagnée d'un chèque d'acompte de 982,90 euros ce qui démontre, à l'évidence, qu'il n'entendait pas renoncer au bénéfice de la première proposition.
Qui plus est, la société ERDF a accusé réception, le 2 juin 2010, de la première proposition de raccordement, du contrat de raccordement, d'accès et d'exploitation (CRAE) et du chèque d'acompte dûment signés le 25 mai précédent par M. X. sans objecter que cette première proposition serait devenue caduque.
Si par ailleurs, M. X. a, le 8 juillet 2010, indiqué par courriel donner son « accord sur la proposition de raccordement D325/058491/001001 », cet accord, qui ne porte que sur un partage des coûts de raccordement, ainsi qu'il ressort des termes de la lettre de la société ERDF du même jour constatant l'accord de M. X., ne saurait à lui seul suffire à caractériser la novation de l'obligation d'origine.
Au demeurant, il ne résulte pas des pièces du dossier que postérieurement à cette date, M. X. ait par des actes positifs manifesté sa volonté de renoncer au bénéfice de la première proposition de raccordement ».
Il est assez surprenant qu’ERDF ait entendu défendre une telle position devant le CORDIS. Dans la pratique, ERDF peut tout à fait conclure un avenant à une première proposition de raccordement – j’ai réalisé une telle demande à plusieurs reprises pour mes clients – plutôt que de proposer de repartir de zéro et de proposer la régularisation d’une nouvelle demande de raccordement.
Au cas présent et à l’évidence, le demandeur n’avait pas entendu renoncer à son accord sur la première proposition de raccordement mais avait simplement donné son accord à sa modification. Au demeurant, ERDF aurait sans doute pu informer le demandeur quant à la différence, du point de vue de ses droits, entre le recours à l’avenant et la formulation d’une nouvelle demande de raccordement.
La différence était de taille car en cas de retrait de la première proposition de raccordement, le producteur se retrouvait confronté à la suspension de son obligation d’achat, aux termes du décret du 9 décembre 2010, faute d’avoir pu notifier son accord sur une autre proposition, avant le 2 décembre 2010.
En toute hypothèse, c’est à très juste titre que le CORDIS relève que le demandeur n’était pas un professionnel de l’énergie, rompu aux subtilités de la procédure de raccordement.
IV. La saisine du CORDIS proroge le délai de mise en service visé à l’article 4 du décret du 9 décembre 2010.
Le CORDIS a, non seulement accueilli la demande du producteur mais a, en outre, entendu assurer l’effet utile de sa décision. C’est ainsi que le CORDIS va écarter l’application des dispositions du décret du 9 décembre 2010 relatives aux délais de mise en service des installations « échappant » à la suspension de l’obligation d’achat.
« Le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 susvisé dispose en son article 4 que : « Le bénéfice de l'obligation d'achat au titre de l'article 3 est subordonné à la mise en service de l'installation dans un délai de dix-huit mois à compter de la notification de l'acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau ou, lorsque cette notification est antérieure de plus de neuf mois à la date d'entrée en vigueur du présent décret, à la mise en service de l'installation dans les neuf mois suivant cette date. Les délais mentionnés au premier alinéa sont prolongés lorsque la mise en service de l'installation est retardée du fait des délais nécessaires à la réalisation des travaux de raccordement et à condition que l'installation ait été achevée dans les délais prévus au premier alinéa ». En l'espèce ce délai de dix-huit mois devrait expirer le 2 décembre 2011.
Toutefois la procédure devant le comité de règlement des différends et des sanctions a suspendu le cours de ce délai. Or, il s'est écoulé un délai de trois mois et dix-sept jours entre la saisine du comité de règlement des différends et des sanctions et la date de la présente décision.
Dans ces conditions, le délai imparti à la société ERDF pour exécuter les travaux nécessaires au raccordement de l'installation de production de M. X. courra jusqu'au 17 mars 2012. »
C’est à bon droit que le CORDIS précise que la procédure ouverte devant lui a suspendu le cours du délai de mise en service des installations défini par le décret du 9 décembre 2010. A défaut, le producteur aurait eu gain de cause devant le CORDIS mais n’aurait pas pu faire valoir ses droits, confronté à l’obligation de mettre en service son installation dans un délai devenu trop court.