25 février 1841/Naissance de Pierre-Auguste Renoir

Par Angèle Paoli
Éphéméride culturelle à rebours


  Le 25 février 1841 naît à Limoges Pierre-Auguste Renoir.



RENOIR ET L’ORIENTALISME. FÊTE ARABE (1881)

  Davantage connu comme peintre impressionniste que comme peintre orientaliste, Renoir est pourtant l’auteur d’une trentaine de toiles inspirées par ses deux séjours à Alger. Trois mois en tout, répartis entre 1881 et 1882. En amont de ces deux séjours, quelques toiles exécutées à Paris sur les sujets orientaux alors en vogue : Femme d’Alger (Odalisque) de 1870, Parisienne habillée en Algériennes (1872) ou Mariage juif (1875). En aval, quelques œuvres d’inspiration algérienne, exécutées vers la fin de sa vie. Pour l’essentiel de sa création, les toiles inspirées de l’Orient ont été exécutées sur place ou peu de temps après ces deux séjours. Contrairement à Delacroix ― pour lequel le peintre du Ravin de la femme sauvage (1881) nourrit une grande admiration ―, Renoir n’est pas un artiste de l’imaginaire. Il a besoin d’avoir son sujet sous les yeux pour en exécuter la peinture. Et les choses vues au cours d’un voyage n’ont qu’une influence modeste sur sa création. De sorte que le bref passage de Renoir à Alger ne modifie pas de manière fondamentale la méthode du peintre ni ses sujets de prédilection.

  De ces deux séjours à Alger, Renoir a notamment rapporté des vues et des paysages croqués sur les hauteurs de la ville, à l’écart des quartiers et des populations européennes. Ainsi en est-il de Fête arabe (1881). La plus grande et la plus célèbre des vues d’Alger réalisées par Renoir. Une toile qui allie classicisme du sujet et composition insolite.

  Renoir a représenté une scène de foule rassemblée autour de joueurs de tambourins et de flûtes. Scène religieuse ? Scène de liesse populaire ? Noces ? Il est difficile de trancher. Dans un vaste amphithéâtre naturel, une foule bigarrée s’étire le long des pentes arides et ocres des anciens remparts turcs. À dominante dorée, le tableau s’organise en deux temps. De part et d’autre de la ligne oblique qui structure la composition de Fête arabe. Deux paysages différents, deux époques différentes. Et au-delà, dans l’analyse de détail, deux civilisations différentes. Le regard hésite, pris dans le jeu des oppositions qui rythme le tableau. Irrésistiblement happé par le mouvement ondoyant et le dynamisme joyeux du premier plan, le spectateur est également attiré par les géométries calmes et mystérieuses de l’arrière-plan, qui l’entraînent vers un ailleurs du temps et de l’espace. À l’arrière-plan, en effet, dans un fondu de couleurs et de formes, les architectures blanches, coupoles et minarets d’une mosquée. La mosquée Sidi Abd er Rahman qui abrite le tombeau d’un théologien du XVe siècle, saint patron d’Alger. Adossée à l’extérieur du mur d’enceinte de la Casbah, dominant Bab el Oued, la mosquée regarde vers la mer. Au centre du tableau, sous les ruines des anciens remparts, la scène de danse endiablée des tambourins et des fifres. Et les groupes disséminés dans le paysage, mélange de burnous blancs et chéchias rouges pour les arabes, costumes noirs pour les Européens. Une façon pour Renoir de jouer sur les oppositions culturelles. Et la foule qui serpente, longue procession de silhouettes, immatérielle et vibrante.

  Fête arabe allie avec bonheur paysage et animation de rue. Et rompt avec les normes orientalistes. Renoir applique au décor exotique des musiciens et de la fête en plein air, sa conception de la vue plongeante sur la foule. Une manière originale et inattendue de représenter la réalité orientale avec les angles de vue habituellement réservés à la peinture des grands boulevards parisiens.

Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli


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