Il y a le feu. La mort du colonel Kadhafi ou la naissance de Giulia Sarkozy mercredi soir n'y changeront rien. Nicolas Sarkozy est en passe de perdre beaucoup en crédibilité sur un terrain qu'il affectionne pourtant, l'international. La crise de l'euro et de la dette s'aggrave, mais l'Europe est incapable de s'accorder rapidement. A Paris, la fiabilité et la justice du projet de budget de l'Etat est toujours critiqué jusque dans les rangs de la « majorité ».
L'examen du budget de l'Etat pour 2012 à l'Assemblée nationale est l'occasion d'échanges rarement rapportés dans les médias. Ces derniers préfèrent les éclats ou les formules lâchées à l'occasion de séances de questions (filmées) au gouvernement.
Depuis mardi 18 octobre, quelques débats illustrent bien les tartufferies du dernier projet de loi de finances de Nicolas Sarkozy.
Sarkozy crédible ?
Parfois, ce sont parfois les députés de la majorité qui en parlent le mieux. Charles de Courson (Nouveau Centre), mercredi 19, n'a toujours pas digéré l'incohérence des hypothèses économiques du budget : « Le consensus, qui était encore de 1,2 % il y a trois mois, est tombé à 0,9 % cette semaine.» Et il ajoutait: « La réduction de la croissance se traduira, en 2012, par des pertes de
recettes pour la sécurité sociale et le budget de l’État de l’ordre de
10 milliards puisque l’on sera, en cumulant 2011 et 2012, au minimum un
point en dessous de vos prévisions. Il faut compenser cette perte dès
maintenant et ne pas attendre la catastrophe du printemps pour être
obligé d’élaborer à toute vitesse un collectif destiné à réaliser
10 milliards d’économies supplémentaires. »
Le député de centre-droit sortait pourtant, ce mercredi après-midi, d'un déjeuner avec Nicolas Sarkozy. L'opération séduction du Monarque n'avait visiblement pas produit tous les effets escomptés. Le député Courson a également démonté un autre argument de présentation gouvernementale : « Le Gouvernement ne gagne rien à dire qu’il a fait porter l’essentiel de
l’effort sur la dépense alors qu’il est en réalité de 0,5 % sur les
dépenses et de 1,2 % sur les recettes ».
Son collègue Philippe Vigier (également Nouveau Centre), était, lui, critique sur le caractère temporaire de la taxe de 3% sur les hauts revenus: « Pour que cette taxe ne soit pas un coup d’épée dans l’eau, il est
également indispensable de la maintenir non pas jusqu’à l’obtention d’un
déficit à moins de 3 % du PIB, mais jusqu’au moment où sera atteint
l’équilibre des comptes et des administrations publiques ». Quel éclair de lucidité !
Cet examen budgétaire réactive ainsi l'un des clivages les plus tenaces de la mandature Sarkozy: présidence des riches contre République sociale. Dans la nuit de mercredi à jeudi, les députés ont certes adopté le renforcement de la taxe sur les très hauts revenus.
Amis fidèles ?
Le parquet de Paris a délivré unréquisitoire supplétif à l'encontre de Thierry Gaubert. Ce proche
de Nicolas Sarkozy est déjà mis en examen pour recel d'abus de
biens sociaux, dans l'instruction du volet financier de l'attentat de
Karachi. Le voici désormais soupçonné de subornation de témoin.
Son ex-épouse, Hélène de Yougoslavie,
avait remis une clé USB contenant un enregistrement de conversation. On
y entend Thierry Gaubert menacer sa femme : « Si tu parles, tu ne verras plus les enfants. Si je coule, tu coules avec moi, car nous ne sommes pas divorcés ». La justice cherche aussi à savoir si Gaubert n'a pas exigé de sa femme qu'elle mente aux juges lors de ses auditions. Mme
ex-Gaubert avait témoigné de l'existence d'un compte aux Bahamas.
Et M. Gaubert était sacrément inquiet.
Brice Hortefeux l'avait prévenu, le 14
puis le 21 septembre dernier, des révélations de son ex-épouse au
juge Renaud van Ruymbeke.
Europe crédible ?
Son aller-et-retour à Francfort pour tenter de convaincre Angela Merkel n'aura pas servi. Jeudi, dans un communiqué officiel commun, le couple franco-allemand annonçait le report à mercredi d'une décision européenne sur le sauvetage de l'euro.
Officiellement, il faut encore du temps pour négocier l'ampleur du défaut de paiement de la Grèce, paralysée par des mouvements sociaux, et ses conséquences sur le secteur bancaire privé du reste de l'Europe. Officieusement, il y a d'autres motifs de négociation et d'énervement bilatéraux. Sarkozy défend un renforcement des moyens du FESF et un élargissement de son intervention. En gros, notre Monarque aimerait pouvoir faire appel au FESF pour nos banques nationales si nécessaire.
Non seulement l'Europe - et la zone euro en particulier - se limiterait donc au leadership franco-allemand, mais en plus ce leadership ne fonctionne pas. Faudra-t-il le répéter ? Le temps des marchés (et des emprunteurs !) n'est pas celui des gouvernements.
Dans l'urgence et la douleur, Nicolas Sarkozy réalise aujourd'hui que son mini-traité dit de Lisbonne n'était qu'un leurre technocratique.